[Aviation maritime] Kawasaki P-1

Le Kawasaki P-1 (川崎P-1) est le premier avion de patrouille maritime conçu au Japon depuis la fin de la 2^e Guerre Mondiale. Il est appelé à remplacer le quadri turbopropulseur Lockheed P-3C dans la Force Maritime d’Autodéfense et donc à constituer un élément majeur de l’aéronavale japonaise, qui ne dispose que d’appareils de patrouille, de recherche et sauvetage en mer, et d’hélicoptères (qui sont ses seuls appareils embarqués).



La question du remplacement du P-3C a commencé à être étudiée en 2000. Deux grandes orientations ont été comparées : l’achat d’appareils étrangers (des P-8 Poseidon américains, en l’occurrence), ou le développement d’un programme national. La deuxième option a finalement été retenue, Kawasaki affichant des prix de production et de maintenance réduits grâce à la mise en commun de nombreux composants entre le futur P-1 (alors appelé PX, avion de patrouille futur) et son avion de transport C-2 (alors appelé CX, avion cargo futur). La conception conjointe des deux appareils était prévue coûter 340 milliards de Yens (soit environ 2,6 milliards d’Euros au cours d’aujourd’hui).

Les seules expériences de production d’avion de patrouille au Japon après la guerre concernaient alors le P-2J Neptune construit sous licence, et l’hydravion de recherche et sauvetage en mer Shinmaywa US-1 et de sa variante anti-sous-marine PS-1, construite à un très petit nombre d’exemplaires. Quand il s’était agi de remplacer les P-2J, Kawasaki avait mis sur les rangs son projet PX-L de quadriréacteur de patrouille, mais celui-ci avait un coût prohibitif et l’état japonais, qui cherchait à réduire ses budgets d’armement, avait finalement opté pour le P-3C américain en 1972. Le P-3C a été construit sous licence au Japon à partir de 1977.

Cette logique n’a pas été suivie lors du remplacement du P-3C, malgré les efforts américains pour placer leur P-8 : l’appel d’offres a été lancé en 2001, et remporté par Kawasaki parmi un panel de huit constructeurs (dont Shinmaywa, Fuji et Mitsubishi, les deux derniers contribuant aujourd’hui à la fabrication du P-1).


Les études de faisabilité ont été présentées (et acceptées) en 2003, les premiers plans finalisés en 2004 et un modèle en bois réalisé. L’étape suivant a consisté à choisir le moteur. Le turboréacteur XF7-10 d’Ishikawajima-Harima Heavy Industries a été retenu.

L’agence des Forces d’Autodéfense (devenue depuis le ministère de la Défense) a mis l’accent sur l’interopérabilité du P-1 avec les autres marines, en particulier avec l’U.S.Navy et avec les avions de conception américaine utilisés par les forces armées japonaises. Le système de combat du P-1, entièrement japonais, a fait l‘objet d’un partenariat avec les USA qui mettaient au point pendant le même temps le système de combat du P-8. Ce partenariat s’est arrêté aux spécifications des deux systèmes de combat interopérables et a pris fin en septembre 2006.

Le contrat de fabrication des deux premiers appareils de série (n°5501 et 5502) a été signé en 2004. Leur construction a été ralentie par des faiblesses structurelles découvertes lors des essais statiques, puis par un défaut des rivets qu’il a fallu remplacer en grande partie. Le 12 mars 2013, ces deux appareils de série ont été remis au ministère de la Défense et, le 29 du même mois, ils ont été déployés sur la base aéronavale d’Atsugi pour les tests et l’intégration du système de combat. Ils ont connu un ultime avatar quand un problème logiciel des boîtiers électroniques de contrôle des réacteurs a fait caler les quatre moteurs ensemble lors d’un essai de prise d’incidence en 2013…

Ses problèmes de jeunesse résolus, la production en série du Kawasaki P-1 accélère. Le gouvernement japonais en a inscrit 20 sur son budget de la Défense pour 2015, ce qui marque une très nette accélération des commandes comme le montre la table ci-dessous :

• 2008 : 4 exemplaires commandés (sans compter le prototype conservé par Kawasaki pour la mise au point de la version série). Ces quatre appareils de présérie portaient encore l’appellation PX-1.
  
• 2009 : -
  
• 2010 : 1 exemplaire
  
• 2011 : 3 exemplaires
  
• 2012 (après le tsunami) : -
  
• 2013 : 2 exemplaires
  
• 2014 : 3 exemplaires
  
• 2015 : 20 exemplaires
  

Les principales caractéristiques du P-1 sont :

• Longueur 38,00m, envergure 35,40m, hauteur 12,10m
  
• Masse maximale au décollage : 79,7t.
  
• Équipage : 2 pilotes + 11 opérateurs des systèmes de détection et d’armes
  
• Moteurs : quatre turboréacteurs à double flux F7-IHI-10 de 60kN de poussée
  
• Vitesse maximale: 996 km/h (538 nd)
  
• Vitesse de croisière: 833 km/h (450 nd)
  
• Autonomie : 8000 km (4320 Nq)
  
• Plafond opérationnel : 13 520m (44 200ft)
  
• Armement : huit pods d’emport d’armes sous les ailes et huit points d’emport en soute, capacité d’emport totale supérieure à 9000 kg (missiles antinavires AGM-84 Harpoon, ASM-1C, AGM-65 Maverick, torpilles légères Mk46 et Type 97, mines, charges ASM), 30 bouées acoustiques en tubes de lancement + 70 autres en recharge à bord.
  
• Électronique : radar Toshiba à balayage électronique, système d’exploitation multistatique des bouées, détecteur d’anomalies magnétiques, système de direction de combat de Shinko Electric, contre-mesures Mitsubishi (CMD, RWR, MWS, ESM).
  

En janvier 2015, le gouvernement japonais a autorisé Kawasaki à proposer le P-1 à l’exportation et à répondre à l’appel d’offres de la Grande-Bretagne qui veut remplacer ses Nimrod.

Deux vues de synthèse montrent les points d'emport d'armes et le système de largage de bouées acoustiques :

J'imagine bien les Britanniques l'acheter, car il est quand-même très laid

PALEZ a écrit:

J'imagine bien les Britanniques l'acheter, car il est quand-même très laid

Il ne faut jamais désespérer : avec un radar Searchwater à la place de celui d'origine, il serait beaucoup plus fin :

6 juillet 2015 : deux Kawasaki P-1 vont partir en Angleterre pour représenter le Japon au Royal International Air Tattoo (RIAT) 2015.
Sur le chemin du retour, ils feront une escale de quelques jours à Djibouti pour y effectuer des essais en situation opérationnelle. Un détachement de P-3C japonais est déjà déployé à Djibouti dans le cadre de la lutte contre la piraterie dans le golfe d'Aden.

Ref = http://www.janes.com/article/52803/japanese-p-1s-to-visit-riat-djibouti-in-first-overseas-trip

j'ai beau le regarder dans tout les sens ... je le trouve pas assez elegant pour un quadri-réacteurs...l'effet aile et longueur sans doute
Mais question emport, il a l'air de bien s'en tirer(surtout par rapport au P-3)

Moi, ce qui m'a frappé la première fois que je l'ai vu, c'est la ressemblance du fuselage avec celui du P-3C Orion.

Les deux Kawasaki P-1 sont arrivés ce vendredi 17 juillet 2015 à Fairford (G-B) pour participer au Royal International Air Tattoo (RIAT). Ils ont traversé l’océan Pacifique et fait escale aux États-Unis avant de traverser l’Atlantique Nord.


Dix de ces appareils sont déjà en service au Japon, où ils sont appelés à remplacer les P-3C Orion vieillissants. La Force Maritime d’Autodéfense a prévu d’en acquérir soixante-dix en tout.

À Fairford, les deux appareils doivent effectuer un certain nombre de vols de démonstration pour montrer notamment leur maniabilité à faible vitesse et basse altitude, un point qui les avantage par rapport à leur principal concurrent, le Boeing P-8A Poseidon, qui a les faveurs de la RAF pour remplacer les Nimrod bêtement ferraillés en laissant le Royaume-Uni sans réelle patrouille maritime.

Ce samedi, un premier vol de deux heures et demie a eu lieu avec quelques officiers britanniques et d’autres nations présentes au RIAT.

Pour diverses raisons (coûts, partenariats industriels, logistique, politique), il est cependant peu probable que les Japonais arrivent à concurrencer sérieusement les Américains sur ce marché britannique.

Sur le trajet du retour, les deux avions feront une escale prolongée à Djibouti pour y mener une campagne d’essais et situation opérationnelle au-dessus du golfe d’Aden et au large de la Somalie (où ils pourront comparer les performances de leurs équipements à celles des P-3C déployés contre la piraterie) avant de rentrer à la base aéronavale d’Atsugi près de Tōkyō.

Une autre photo d'un des P-1 à Fairford :

À Fairford, le 17 juillet, le vice-amiral Makoto Sato, commandant l’aéronavale de la Force Maritime d’Autodéfense japonaise, a expliqué que les essais opérationnels du Kawasaki P-1 sont toujours en cours, qu’ils se passent bien et qu’ils devraient prendre fin en septembre 2015. À cette date, l’avion devrait avoir atteint sa pleine capacité opérationnelle.

Les 10 premiers P-1 sont normalement déployés sur la base aéronavale d’Atsugi, près de Tōkyō, à côté de P-3C qu’ils vont remplacer. Les essais « temps chaud » prévus à Djibouti la semaine prochaine devraient confirmer que le P-1 peut être déployé dans le golfe d’Aden. Le Japon déploie un détachement de P-3C à Djibouti depuis 2009.

Il ne semble pas que les Britanniques soient intéressés par le P-1. Le Boeing P-8A aurait leur préférence.

Un vol de démonstration du P-1 au RIAT 2015 de Fairford : décollage court, manœuvres assez serrées, silence de vol, mais ces passages au-dessus d'une foule de badauds sont-ils représentatifs ?

Ci-dessous le P-1 n°5502 avec une maquette de missile antinavire sous l’aile droite.


Outre son âge et son système de combat dernier cri, le P-1 présente plusieurs avantages par rapport au P-3C qu’il remplace :

• une vitesse de transit de 30% supérieure
  
• une autonomie de 8000km (contre 6600km pour le P-3)
  

Le coût d’acquisition de la bête est d’environ vingt milliards de Yens (163 millions de Dollars US, ou encore 145 millions d’Euros au cours actuel), ce qui fait un peu plus que trois NFH-90.

Le gouvernement japonais prévoit d’en commander environ cinq par an à partir de 2018 et jusqu’à remplacement complet de la flotte de P-3C.

Takagi a écrit:

Un vol de démonstration du P-1 au RIAT 2015 de Fairford : décollage court, manœuvres assez serrées, silence de vol, mais ces passages au-dessus d'une foule de badauds sont-ils représentatifs ? […]

… et atterrissage court… « représentatifs »… de sa manœuvrabilité ?… un peu ; … de ses capacités opérationnelles, c'est moins probant.

ses plus simple de manœuvrai  quand il n'y a pas de charge emporté et juste le minimum de carburant !!!

Quelques vues de l'intérieur et du système de largage et de stockage de bouées :

17 octobre 2016 : dix P-1 ont déjà été livrés.
Kawasaki prévoit d'en livrer 60 autres à la Force Maritime d'Autodéfense...
... et ne désespère pas de la vendre à l'export, vu les centaines de P-3C qu'il va falloir remplacer dans les années à venir et dont tous les propriétaires ne pourront pas acheter des P-8 américains.

Le 9 novembre 2016, deux Kawasaki P-1 de la Force Maritime d’Autodéfense ont décollé de leur base d’Atsugi en direction d’Auckland en Nouvelle-Zélande, où ils doivent participer à une revue navale internationale parrainée par la Royal New Zealand Navy. Ils ont été précédés par un échelon d’une cinquantaine de personnes de la 31^ème flottille.


Sur la photo, on note la carcasse d’un P-3C désossé de tout ce qui pouvait être mis en stock de rechange. Les temps passent.

La Force Maritime d’Autodéfense a envoyé deux Kawasaki P-1 de patrouille maritime pour participer aux exercices organisés à l’occasion du 75^ème anniversaire de la marine néo-zélandaise. Ces deux avions sont ensuite restés sur place pour participer à l’estimation des dégâts du tremblement de terre qui a frappé la région de Kaikoura le 14 novembre 2016, ce qui fait aussi partie de leurs missions secondaires au Japon. Les six Lockheed-Martin P-3K2 Orion de la RNZAF et les P-3C américains venus pour les manœuvres y ont également participé.


La RNZAF prévoit de remplacer ses P-3K2 au milieu de la décennie 2020. Le futur avion devra assurer les missions de lutte ASM, de patrouille maritime, de surveillance de la Zone Économique Exclusive, de lutte contre les trafics et le braconnage, et de recherche et sauvetage en mer. Le Japon compte mettre le P-1 sur les rangs. Il est probable que Boeing proposera son P-8 et Saab son Swordfish.

Selon le quotidien financier Nikkei, la Force Aérienne de la Nouvelle Zélande a émis une demande d’informations (Request for information) préparant le remplacement de ses avions de patrouille maritime Lockheed Martin P-3K2 Orion et ses avions de transport C-130 Hercules. Kawasaki Heavy Industries y a répondu en proposant son P-1 de patrouille maritime et son C-2 de transport. Les deux appareils ont plusieurs équipements en commun.

Takagi a écrit:

Selon le quotidien financier Nikkei, la Force Aérienne de la Nouvelle Zélande a émis une demande d’informations (Request for information) préparant le remplacement de ses avions de patrouille maritime Lockheed Martin P-3K2 Orion et ses avions de transport C-130 Hercules. Kawasaki Heavy Industries y a répondu en proposant son P-1 de patrouille maritime et son C-2 de transport. Les deux appareils ont plusieurs équipements en commun.

A ton avis, les chances du P-1 et du C-2 sont sérieuses. Vu que l'Australie va choisir le Poseidon et que Auckland calque souvent ses achats sur son voisin australien, je serais pas étonné que le P-8 et le C-130J soient les vainqueurs de cette compétition

clausewitz a écrit:

A ton avis, les chances du P-1 et du C-2 sont sérieuses ? Vu que l'Australie va choisir le Poseidon et que Auckland calque souvent ses achats sur son voisin australien, je ne serais pas étonné que le P-8 et le C-130J soient les vainqueurs de cette compétition.

Je ne crois pas beaucoup au succès de Kawasaki. En plus des raisons que tu évoques, les industriels nippons ne sont pas du tout habitués à la vente de matériel militaire. Ils sont très forts pour les biens d'équipement "clés en mains" (supply and forget comme dit mon voisin) tels que voitures, machines-outils et équipements électroménagers mais beaucoup moins dès qu'il s'agit de s'adapter aux exigences d'un client sur un gros contrat (trade-off, équipements imposés par le client en lieu et place de ceux d'origine, prestations connexes, etc.).
Mais nous verrons bien...

Une vidéo postée sur la chaîne JMSDF de Youtube montre (rapidement...) l'activité de chaque membre d'équipage d'un P-1 en mission. Quelques belles vues extérieures en prime.

Tourelle FLIR rétractable? Ou bien elle n'équipe pas tous les avions?

robunker a écrit:

Tourelle FLIR rétractable? Ou bien elle n'équipe pas tous les avions?

Escamotable comme le montre cette vidéo prise pendant le RIAT en 2015 : on y voit le 5504 décoller sans FLIR, faire des passages à basse altitude avec le FLIR, puis atterrir sans FLIR.

Une autre vue de la bête :


Avec le FLIR sorti. La version japonaise de Wikipédia confirme que le FLIR est escamotable : 機首下部にはHAQ-2光学/赤外線探査装置（FLIR）ターレットを持つが、普段は機首内に格納されており、使用時に機外へ出す。[La tourelle HAQ-2 de localisation optique et infra-rouge (FLIR) se trouve sous le nez de l'appareil mais elle est rangée à l'intérieur et n'est sortie qu'en cas d'utilisation.]