[Aviation] ATD-X

Les discussions se poursuivent quant au remplaçant du F-2, qui doit commencer à être retiré du service à partir de 2030. Les orientations retenues seront précisées dans le « Plan de développement à moyen terme » de la Défense que le ministre Iwada Takeshi doit présenter en fin d’année. Le Plan fixera plusieurs critères que devrait respecter le futur programme. On y trouvera entre autres et dans les grandes lignes :

• la capacité à maintenir la supériorité aérienne dans le futur
• la capacité à intégrer des matériels de prochaine génération
• la liberté pour le Japon de moderniser ses avions comme il l’entend
• une participation des industries japonaises
• un coût réaliste

La façon dont ces critères seront transcrits dans le Plan ne sera pas anodine puisqu’elle cadrera le contrôle de la Diète sur le déroulement du programme.

Achat à l’étranger, développement et production en coopération ou bien entièrement nationale, aucune option n’est pour l’instant écartée a priori puisque le Plan n’est pas explicite dans ce domaine. On peut cependant d’ores et déjà subodorer que le « coût réaliste » obligera le Japon à s’orienter vers un développement conjoint ou vers l’adaptation d’une cellule existante, à moins que les autres critères, notamment celui de pouvoir moderniser l’avion sans être captif de l’étranger, n’empêchent cette coopération.

Les questions industrielles ne sont évidemment pas absentes du débat. Pendant la décennie 2020-2030, pratiquement tous les ingénieurs japonais qui avaient participé au développement du F-2 prendront leur retraite. S’il veut maintenir (ou finir d’acquérir) une capacité à développer ou à moderniser librement ses avions de combat, le Japon doit s’investir dans le développement du futur chasseur. Ses industries ne font ou n’ont fait qu’assembler (sans interférence avec la définition) les F-4, F-15 et F-35 achetés aux USA.

F-22 nipponifié ? F-3 dérivé de l'ATD-X ? Autre chose ? Quelle que soit la solution retenue, elle devra être décidée assez rapidement...

Le critère n°1 semble être celui d'un appareil de supériorité aérienne. Certes, désormais les systèmes d'armes des avions de combat les destinent à être "omnirôles" (capacité à combiner plusieurs types de missions et délivrer plusieurs types d'armements durant une même sortie). Néanmoins demeurent les contraintes liées aux choix de la configuration aérodynamique et de la la motorisation. Le F-3 sera-t-il un appareil à l'aise dans le haut mach avec des taux de montée importants et un rendement optimal en altitude (appareil type F-15 ou 22) ou bien son architecture aérodynamique et sa motorisation en feront-il un appareil plus polyvalent en termes de performances pures (sur le modèle du Rafale dont la motorisation est optimisée pour la MA/BA) ?

Si on s'en tient aux données de base prévalant au Japon le remplacement des F-15 va devenir une priorité ces avions sont de conception désormais ancienne, on ignore le degré de fatigue des cellules mais on peut penser que les plus âgés à l'image de ceux de l'USAF commencent à accuser le poids des ans ...

De mémoire les Américains avaient refusé l'exportation du F-22 le remplaçant tout désigné du F-15 l'avion qu'il fallait aux Japonais ... Ce veto sera-t-il levé, comment réagiront les Américains face à l'évolution géostratégique de la zone ?
On peut penser que le Japon fera en sorte d'acquérir de nouvelles compétences par le biais d'une collaboration, car effectivement la perte de compétences depuis le F-2 pourrait se faire sentir ... quoique en terme d'aérodynamique le F-2 est un gros F-16 et de ce strict point de vue les travaux réalisés chez Mitsubishi n'auront pas eu sur le F-2 la portée de ceux réalisés depuis sur l'ATD-X.

La marge de manoeuvre des Japonais n'est pas très large car le temps presse, il y a beaucoup d'avions à remplacer, la Chine s'équipe massivement et la faible production probable ne sera pas un gage de coûts de réalisation réduits.
Cela promet d'être intéressant.

pascal a écrit:

(...)De mémoire les Américains avaient refusé l'exportation du F-22 le remplaçant tout désigné du F-15 l'avion qu'il fallait aux Japonais ... Ce veto sera-t-il levé, comment réagiront les Américains face à l'évolution géostratégique de la zone ?(...)

La chaîne d'assemblage du F-22 est arrêtée depuis longtemps, la redémarrer coûterait aussi cher que de lancer un F-3 au japon (dixit la presse nippone, je n'ai pas les billes pour confirmer ou infirmer cette assertion).

Citation :

La marge de manœuvre des Japonais n'est pas très large car le temps presse, il y a beaucoup d'avions à remplacer, la Chine s'équipe massivement et la faible production probable ne sera pas un gage de coûts de réalisation réduits.
Cela promet d'être intéressant.

2030 arrivera vite. Si j'en juge d'après les retards importants pris par le MRJ et par le démonstrateur ATD-X, Mitsubishi n'a pas encore prouvé qu'elle savait conduire un programme de développement d'avion en maîtrisant le facteur temps. Ça promet d'être tendu et intéressant.

Citation :

je n'ai pas les billes pour confirmer ou infirmer cette assertion

çà a été quantifié en 2017: le redémarrage de la chaîne (qui faut reconstituer) couterait 10 milliards de $ et 40 milliards supplémentaires pour 194 avions soit 50 milliards de $ ce qui par unité est environ 250 millions de $ soit 2 F-35 et 3 Rafale

on est chez les riches là ...

L'intention (annoncée dans la presse, pas encore officiellement par le gouvernement) d'acheter des F-35B et d'autres F-35A pourrait apporter une conclusion partielle à l'affaire du F-3, et laisser aux ingénieurs nippons le temps de développer un autre avion dans des délais plus cohérents avec leur expérience - si ce développement reste d'actualité.

Le 大鳳 (grand phénix) renaît de ses cendres. Peu satisfait des propositions de Lockheed-Martin, de Boeing et de BAE Systems, le ministère japonais de la Défense a fait savoir par son agence d'armement qu'il mettait un terme aux discussions. Le futur F-3 sera développé au Japon. Des partenariats moins ambitieux restent cependant possibles.

Sources : Air & Cosmos + quelques autres articles.

Un peu de furetage sur l'internet nippon et on déniche des vues de synthèse de quelques-uns des projets du futur F-3 心神 (Shinshin) :


Pour les non-initiés dont je fais partie, DMU signifie Digital Mock-Up (maquette numérique). L'image montre les DMU n°23 et 24.
Et pour les initiés dont je fais partie, les katakana デジタルモックアップ se lisent dejitarumokkuappu dans lequel on reconnaît la transcription de Digital Mock-Up dans le syllabaire nippon. Le r de ru (rou) y est roulé et peut passer pour un l, et le u des syllabes en u (ru, ku, pu ici) est quasiment ou tout à fait muet.

Et 心神 est bien le nom du projet F-3. Le 大鳳 de mon précédent message était un clin d’œil historico-mythologique.

Takagi a écrit:

[…] des vues de synthèse de quelques-uns des projets du futur F-3 心神 (Shinshin) :
Pour les non-initiés […] DMU signifie Digital Mock-Up (maquette numérique). […] Et pour les initiés dont je fais partie, les katakana デジタルモックアップ se lisent dejitarumokkuappu dans lequel on reconnaît la transcription de Digital Mock-Up dans le syllabaire nippon. Le r de ru (rou) y est roulé et peut passer pour un l, et le u des syllabes en u (ru, ku, pu ici) est quasiment ou tout à fait muet. […]

  Et en plus, nous avons droit, là, à une solide, riche et fructueuse leçon de nipponais !!  

Citation :

[…] Et 心神 est bien le nom du projet F-3. Le 大鳳 de mon précédent message était un clin d’œil historico-mythologique. : mrgreen:

… allusion à ça ?

DahliaBleue a écrit:

(...) … allusion à ça ?

Au grand phénix, oui.

Le 7 juillet 2020, le ministère de la Défense a présenté une image de synthèse de ce à quoi pourrait ressembler le futur F-3, présenté comme le successeur du Mitsubishi F-2.


Au camouflage près, l'engin ressemble à la maquette numérique dévoilée en mars dernier.

Vu d'en haut sur certaines configurations aérodynamique on sent l'inspiration du F-22 ils ont retravaillé l'alignement des bord de fuite de la voilure ... A priori sur la dernière vue il n'y a plus de profondeur mais les dérives sont à double dièdre assez proche de la version 24
çà sera une gros avion semble t il ce qui est normal vu l'emport en interne

pascal a écrit:

Vu d'en haut sur certaines configurations aérodynamiques, on sent l'inspiration du F-22. Ils ont retravaillé l'alignement des bord de fuite de la voilure ... A priori sur la dernière vue, il n'y a plus de profondeur mais les dérives sont à double dièdre assez proche de la version 24.
Ce sera un gros avion, semble-t'il, ce qui est normal vu l'emport en interne.

Je ne me suis jamais fait l'écho des nombreux articles sarcastiques de la presse chinoise qui critiquaient le démonstrateur ATD-X pour sa petite taille et qui le comparaient au J-20 chinois dont la capacité d'emport est évidemment supérieure. Ces comparaisons entre un démonstrateur et un avion de combat n'avaient pas lieu d'être.
Oui, le F-3 (s'il voit le jour) sera plus grand que le démonstrateur ATD-X, et il devrait avoir une taille comparable à celle des autres appareils furtifs ayant une capacité d'emport comparable. Il n'y a pas de miracle.

Depuis le F-117 et surtout le F-22 on sait effectivement que l'emport en soute d'une partie de l'armement génère en règle une cellule plus grande et donc de masse > 30% environ à une configuration "classique" ...
L'exemple emblématique c'est le F-35

Petits compléments sur les annonces faites lors de la présentation du 7 juillet : les études de définition du futur F-3 sont en cours, le premier prototype devrait commencer à être assemblé en 2024, les essais en vol devrait débuter en 2028 (soit deux ans plus tôt qu'annoncé l'an dernier) et la production commencer en 2031. Tout ceci en supposant que le planning soit tenu, ce qui n'a pas du tout été le cas pour le dernier avion de Mitsubishi, le Spacejet de transport régional.

Comme on pouvait s’y attendre, c’est Mitsubishi Heavy Industries qui s’est vu attribuer la conduite du développement du futur chasseur F-X et de la contractualisation des coopérations internationales.


Une particularité du projet japonais est de ne pas viser d’avion bon à tout faire : le F-X devrait d’abord être un appareil de supériorité aérienne doté d’un rayon d’action exceptionnel, nécessaire dans l’environnement japonais. Il devrait remplacer le F-15J dans ce rôle, tandis que les F-35 A ou B seraient dévolus aux missions à basse et moyenne altitude actuellement confiées au F-2. Le premier vol est attendu pour 2028 et le début de la production vers 2030 ou 2031(avec les réserves d’usage, vu l’accumulation de retards pris par Mitsubishi dans le développement de son MRJ devenu SpaceJet).

Il devra évidemment être furtif et inter-opérable avec les avions américains comme le F-22, le F-35 et les appareils de guet aérien. Il pourra téléguider trois drones de combat qui lui serviront d’ailiers. Des coopérations internationales pourraient être intégrées : missiles air-air nippo-britanniques, peut-être un canon GAU-22 Gatling américain, missiles antinavires à longue portée et autres gadgets hypersoniques actuellement en développement.

Quoi, quoi ? un chasseur pur à grand rayon d'action fait par Mitsubishi, ça vous a un air d'A8M1 ?

Mitsubishi Heavy Industries Ltd. (MHI) devrait bénéficier de l’assistance de Lockheed Martin Corp. pour le développement du futur chasseur furtif F-3, d’après plusieurs membres de la coalition au pouvoir. En particulier, la firme américaine pourrait contribuer à l’intégration du système d’armes.


Le programme devrait coûter quelque 4160 milliards de Yens (soit la bagatelle de 33 milliards d’Euros), la mise en production commencer vers 2031 et et la mise service s’effectuer vers 2035, date des premiers retraits du F-2. Le gouvernement a inscrit 77,2 milliards de Yens (613 millions d’Euros) à sa demande budgétaire pour l’année fiscale 2021 pour commencer les travaux. Lockheed avait déjà participé au développement du F-2.

Le ministère de la Défense confirme son intention d’impliquer les Etats-Unis et le Royaume-Uni dans le développement du futur chasseur furtif F-X (anciennement ATD-X). Côté américain, c’est Lockheed-Martin qui assurera le partenariat ; un certain nombre de capacités du futur avion lui seront confiées, dont une liste est en cours d’agrément. Elle comprend notamment la furtivité et la conception des soutes d’emport d’armes et une partie de l'intégration du système de combat. Côté anglais, le partenariat concernerait les moteurs et l’avionique, domaines dans lesquels les industries japonaises manquent de maturité.

Le ministère a confirmé que ce projet est sans commune mesure avec les programmes menés jusqu’ici. Ces partenariats ciblés devraient permettre au Japon de réduire les risques de retards, de surcoûts et d’échecs en récupérant au maximum les technologies et les savoir-faire des entreprises nationales et en comblant les vides avec des partenariats étrangers. Parmi les capacités innovantes du F-X figure celle à coopérer avec des drones de combat.

C’est Mitsubishi Heavy Industries qui a logiquement obtenu la maîtrise d’œuvre du programme en fin d’année dernière. Cent F-X devraient être construits ; ils remplaceront⁽¹⁾ à partir de 2035 les F-2 qui arriveront alors en fin de vie. L’ensemble du programme est estimé à une quarantaine de milliards de dollars U.S. Pour l’année fiscale qui s’achève le 31 mars prochain, l’état a dépensé l’équivalent de 256,5 millions de dollars en recherches, analyses de risque et en montage de projet. Cela ne fait qu’un cent-soixantième du total dépensé sur un seizième du planning : le F-X va peser lourd dans les budgets de la Défense des prochaines années…



(1) précision : il s’agit d’un remplacement dans les lignes budgétaires, pas d’un remplacement capacitaire…

A l’occasion du salon de Farnborough (qui a pris fin le 22 juillet 2022), les Britanniques ont dévoilé une maquette de leur futur avion de combat furtif. Le cockpit était dépourvu de l’habituelle planche d’instruments et d’écrans : les informations utiles devraient être directement affichées en réalité virtuelle dans le casque du pilote, comme dans le F-3 japonais. Une intelligence artificielle contrôlerait et sélectionnerait les données et informations à envoyer au pilote sans le saturer d’affichages. La presse britannique et sa consœur japonaise bruissent d’un rapprochement entre ce futur Tempest et le F-3 Shinshin de Mitsubishi, en termes de Recherches & Développement.

Le 18 juillet, Ben Wallace, secrétaire britannique à la Défense, a annoncé que le premier vol du Tempest aurait lieu en 2025, ce qui coïncide assez bien avec le calendrier du F-3 (assemblage du premier prototype en 2024). En décembre 2021, les deux ministères de la Défense ont également annoncé que leurs industries travailleraient ensemble sur les réacteurs d’avions de chasse.

C’est la première fois depuis longtemps que le Japon et le Royaume-Uni coopèrent sur un programme majeur de défense. L’étendue de la coopération devrait se préciser d’ici la fin de l’année 2022.

[quote]A l’occasion du salon de Farnborough (qui a pris fin le 22 juillet 2022), les Britanniques ont dévoilé une maquette de leur futur avion de combat furtif. Le cockpit était dépourvu de l’habituelle planche d’instruments et d’écrans : les informations utiles devraient être directement affichées en réalité virtuelle dans le casque du pilote, comme dans le F-3 japonais. Une intelligence artificielle contrôlerait et sélectionnerait les données et informations à envoyer au pilote sans le saturer d’affichages. /quote]

Ce que fait le système de gestion de mission (et aussi des pannes) du Rafale ... depuis une bonne décennie ... certes pas dans le casque mais sur la planche de bord.
Cela va sans dire mais çà va mieux en le disant

Le 9 décembre 2022, les gouvernements du Japon, du Royaume-Uni et de l’Italie ont publié une déclaration commune portant sur le développement en commun d’un Programme Global [d’avion] de Combat Aérien (GCAP en anglais, abréviation de Global Air Combat Plan). Les maîtrises d’œuvre nationales de ce chasseur avancé de sixième génération seront assurées par BAE Systems, Mitsubishi Heavy Industries et Leonardo. Plusieurs autres industries y contribueront, notamment le motoriste Rolls-Royce, Ishikawa Heavy Industries (IHI), Mitsubishi Electric pour l’avionique et les capteurs, MBDA et Avio Aero e Elettronica.

Le futur avion devra être interopérable avec l’OTAN, avec le système de combat du F-35 et avec ceux d’autres avions de combat européens. Le GCAP sera basé sur le FCAS (Future Air Combat System) « Tempest » présenté par BAE Systems lors du salon de Farnborough 2018 et intègrera les résultats du démonstrateur technologique nippon X-2 Shinshin.

C’est la première fois depuis 1945 que le Japon se lance dans un programme de défense international sans les USA. C’est aussi probablement la fin du projet F-3 Shinshin entièrement national tel qu’il avait été imaginé il y a quelques années (on note en particulier l’abandon des moteurs japonais XF9-1 dont le calendrier de développement était à risque).

L’image de synthèse publiée dans la presse montre un GCAP rappelant furieusement les derniers DMU du Shinshin et dont la carte allégorique en arrière-plan illumine de blanc les trois pays membres et ne montre pas les Etats-Unis d’Amérique :

Le ministère japonais de la Défense veut développer un nouveau missile air-air pour son futur chasseur furtif co-développé avec l’Italie et le Royaume-Uni. Son espoir est de pouvoir disposer d’un missile moins cher que le Meteor et dont les approvisionnements seraient sécurisés. L’avion pourra également emporter les armements anglais et italiens.


L’avion lui-même est prévu remplacer les quatre-vingt-dix Mitsubishi F-2 à partir de 2035. Son électronique va être testée en vol sur un Kawasaki C-2 de transport spécialement équipé en laboratoire volant. L’avion devrait être capable de coopérer avec des drones spécialement conçus pour ses missions de chasse : le C-2 va contribuer à les mettre au point.

Le ministère japonais de la Défense nous inonde d’abréviations et acronymes inédits. A l’issue d’une réunion avec ses homologues britannique et italien, il a annoncé la création d’un GCAP (Global Combat Air Program) intergouvernemental pour le programme de l’avion de combat tripartite qui a remplacé l’ATD-X Shinshin. Ce GCAP sera chapeauté par la GIGO (GCAP International Government Organization) dont les attributions dépasseront celles de la définition de l’avion pour optimiser l’organisation industrielle de défense qui le produira.

Ces deux organismes seront basés en Grande-Bretagne. Le GIGO sera dirigé à tour de rôle par BAE Systems, Mitsubishi Heavy Industries (MHI) et Leonardo. Le premier dirigeant du GIGO sera japonais, et un Italien sera le premier directeur du conglomérat industriel en charge de la définition de l’avion. L’avion en question est censé être livré en 2035, ce qui laisse peu de temps : l’optimisation des coûts et des délais constitue à l’évidence un défi. Les études préliminaires prendront fin en 2025, année qui marquera le début de la définition détaillée.

Kihara Minoru (le ministre japonais de la défense) a bien perçu le défi : « Au moment où nous faisons face à l’environnement sécuritaire le plus complexe depuis la Deuxième Guerre Mondiale, (…) nous devons absolument réussir ce défi crucial qui consiste à garantir la supériorité. »

Le partage industriel devrait être réparti à la hauteur des contributions des pays participants mais devrait être à peu près équitable puisque les sommes engagées par les trois gouvernements sont à peu près équivalentes.

Les Anglais ont annoncé qu’ils feront bénéficier le GIGO de l’expérience qu’ils ont acquise dans les programmes multinationaux Eurofighter Typhoon et Panavia Tornado (qui n’ont pas brillé par la rapidité de leurs prises de décision, NdT).

La création du GIGO doit être avalisée par les parlements des trois pays, autre source potentielle de retards dans la situation géostratégique volatile que nous traversons. Le budget prévisionnel de la Défense du Japon prévoit 4 milliards de Yens (un peu moins de 26 millions d’Euros) pour démarrer le GIGO et 63,7 milliards de Yens (410 millions d’Euros) en recherche & développement pour l’architecture générale de l’avion et la définition des moteurs. Les industries japonaises s’occuperont ultérieurement des matériaux composites, des senseurs radar et des actionneurs de la poussée vectorielle en plus des moteurs. MHI développera un nouveau missile air-air moyenne portée.

Le futur biréacteur remplacera 90 chasseurs F-2 japonais, 144 Eurofighters anglais et 94 italiens. Il sera interopérable avec les armées de l’air de l’OTAN. Son intelligence artificielle sera compatible avec celle des drones actuellement en service ou en développement. Pour gagner du temps de développement et tenir l’échéance de 2035, il utilisera un maximum de technologies déjà développées.

A terme, une version export pourrait voir le jour. Elle obligerait le Japon à repenser ses règles d’exportation des armes, héritées de 1945. L’Arabie Saoudite s’est déjà déclarée intéressée.

Un autre défi sera de maintenir en condition l’avion sur les dizaines d’années qui suivront la mise en service, y compris si un des pays membres entre en guerre. Ce défi chamboulera les règles japonaises en termes de production et de vente de matériel de guerre. Mais pour l’heure le principal défi sera de « sortir » l’avion dans 11 ans.

L’année fiscale 2023 approche de sa fin. Le programme GCAP (Global Combat Air Program) a franchi une étape : la revue de spécifications a été conclue, ouvrant la voie à la phase de définition et développement l’an (fiscal) prochain. Cette phase durera cinq ans. Elle commencera par une répartition des rôles et responsabililtés entre BAE Systems, Leonardo et Mitsubishi – les trois partenaires du programme – au sein du GIGO (GCAP International Governement Organization). Le GIGO comprend un comité de pilotage et une agence d’implémentation (industrielle), laquelle déclinera les spécifications sur les équipements disponibles ou en développement chez les trois industriels. Un plan de revues d’équipements et de revues systèmes suivra pour s’assurer que la date du premier vol (prévu en 2030) et les objectifs de coût seront tenus.

Le GIGO devrait bénéficier des enseignements des programmes Eurofighter et Tornado, auxquels BAE et Leonardo ont participé.

Du côté japonais, un effort particulier va devoir être mené pour modifier les lois sur les exportations de matériel militaire, lois qui ne permettent pas aujourd’hui d’exporter des avions d’armes. L’adoption des nouvelles lois par la Diète japonaise sera clairement une étape clé dans le planning du GCAP. Elle devrait intervenir dès le début de la phase de définition et développement puisque des ventes à l’international (vers les Etats-Unis et de certains pays de l’OTAN, entre autres) sont prévues pour amortir les coûts de développement.

C’est la première fois que le Japon participe à un programme international aussi ambitieux. Le ministère de la Défense compte dessus pour remplacer à partir de 2035 une partie de la flotte de chasseurs F-2.

Le GCAP tel que les trois nations participantes l'ont présenté au salon de Farnborough 2024.

Une réunion tripartite, tenue le samedi 19 octobre 2024, a expliqué dans sa conférence de presse conclusive que les premiers contrats relatifs au GCAP seront signés l'an prochain, en vue d'une mise en service de l'appareil à l'horizon 2035.