[interarmées] La force amphibie japonaise

Quatre photos supplémentaires montrant les V-22 japonais dans le Ro-Ro, sur le quai puis dans le hangar de la base d'Iwakuni :

Le vendredi 10 juillet 2020 à 16h, le premier V-22 japonais réassemblé a effectué son premier vol autour de la base aérienne de Kisarazu dans la préfecture de Chiba.
 


Environ cent cinquante personnes s’étaient rassemblées dans un parc municipal surplombant la base pour dénoncer l’intrusion de cet appareil dans le ciel nippon. Le président de ce groupe d'opposants pense que le public japonais n'est pas assez informé (ou conscient) des dangers qu'il prête à cet appareil.

Un blindé amphibie AA7-V entrant dans le radier du KINESAKI

Dire que les Marines sont quasiment allés jusqu'à Bagdad avec cet engin !

Les 21 et 22 octobre 2020, une cinquantaine de véhicules de la Brigade Amphibie de Réaction Rapide se sont rassemblés sur le port de Kurashima qui abrite la base navale de la Force Maritime d’Autodéfense à Sasebo. Le 22, ils ont embarqué sous l’objectif du photographe du Nagasaki Shimbun sur le LST KUNISAKI. La médiatisation savamment orchestrée de l’événement visait à vanter la coopération entre la Force Terrestre d’Autodéfense et sa consœur maritime.


Le 23, le KUNISAKI a appareillé avec sa cargaison de camions et de blindés amphibies soigneusement rangés sur ses ponts et ses 500 passagers en treillis pour rallier l’exercice nippo-américain qui va se dérouler du 26 octobre au 5 novembre 2020 en plusieurs endroits du Japon. Dans le cadre de ce vaste exercice qui va rassembler 46 000 militaires (37 000 Japonais et 9 000 Américains), le KUNISAKI va effectuer des débarquements sur les îles de Tanegashima et Gajashima dans la préfecture de Kagoshima au sud de Kyūshū.

Les deux premiers CV-22 japonais, remontés après convoyage maritime, commenceront leurs vols de qualification opérationnelle le 6 novembre 2020 depuis la base de Kisarazu où ils sont déployés en attendant que la base de Saga puisse les accueillir. Les pilotes sont américains et ne sont pas qualifiés pour apponter sur un navire de la Force Maritime d’Autodéfense ; il y a donc fort à parier qu’ils utiliseront des navires américains pour valider leur capacité à embarquer.

A Saga, la coopérative des pêcheurs, principale opposante à l’arrivée de l’Osprey, a repoussé au printemps 2021 la séance d’information proposée par le ministère de la Défense. La raison invoquée est que les pêcheurs sont trop occupés en ce moment par l’aquaculture des algues marines… Dans la commune, certains ont proposé que les Osprey aillent nicher ailleurs, par exemple sur l’île inhabitée de Mageshima ; le ministère n’y est pas favorable parce que la piste est trop exposée aux embruns et parce qu’elle est plus éloignée d’Aiura (siège de la brigade amphibie de réaction rapide) que Saga qui en est à une soixantaine de kilomètres.

A suivre…

Le vendredi 22 janvier 2021, la mairie de Kisarazu a annoncé que le ministère de la Défense lui avait notifié l’arrivée prochaine de cinq nouveaux V-22 Osprey de la Force Terrestre d’Autodéfense. Ces cinq appareils, dont trois ont été commandés en 2015 et deux en 2016, sont encore stationnés aux Etats-Unis mais devraient en partir cette semaine par voie maritime. Ils sont attendus au Japon mi-février. Leur remontage se fera dès leur arrivée sur la base aérienne d’Iwakuni, puis ils s’envoleront à raison d’un par jour pour rejoindre Kisarazu om sont déjà les deux premiers V-22 japonais. Le calendrier de ces vols n’est pas encore affermi, la pandémie de coronavirus entraînant de fréquents changements de priorités. Les équipages de convoyage entre Iwakuni et Kisarazu seront américains.

Du 28 janvier au 6 février 2021, les forces Nichibei mènent un exercice amphibie dans les Ryū-Kyū. Nichibei (日米) est l’acronyme résultant de l’accolement des kanji 日 (soleil) et 米 (riz) ; le premier est le début de 日本 (Nihon, Soleil Levant c’est-à-dire le Japon) et le riz désigne les visages pâles que sont les Américains, ce qui permet au lecteur francophone de mieux comprendre qui participe à cet exercice. Il s’agit de 2500 Marines américains et 230 membres de la brigade amphibie de la Force Terrestre d’Autodéfense japonaise.


Les Américains ont ouvert la danse en débarquant plusieurs unités le 28 janvier. Les Japonais ont embarqué le même jour à bord du ŌSUMI qui appareille de Sasebo le 29 pour se joindre au débarquement sur la plage de Kin le 1^er février.

Takagi a écrit:

[…] Nichibei (日米) est l’acronyme résultant de l’accolement des kanji 日 (soleil) et 米 (riz) ; le premier est le début de 日本 (Nihon, Soleil Levant c’est-à-dire le Japon) et le riz désigne les visages pâles que sont les Américains […] 28 janvier, 11h05 : les LCAC des faces-de-riz passent à l'action dans la baie de Kin (Okinawa) […] : tank:

"Faces-de-riz", héhé, bonne réplique des "Faces-de-citron"

C'est étonnant ce nom, le riz est plutôt associé à l'Asie

clausewitz a écrit:

C'est étonnant ce nom, le riz est plutôt associé à l'Asie

Oui, mais le citron est jaune, et le riz blanc [politiquement non correct] pas noir

Une avarie de propulsion a finalement empêché l'ŌSUMI d'appareiller et ses LCAC d'aller débarquer les AAV-7 sur Okinawa. La participation japonaise à cet exercice s'est donc réduite à une quarantaine de fantassins qui ont utilisé un hélicoptère CH-47 de la Force Terrestre d'Autodéfense détaché sur une base américaine à Okinawa. L'ŌSUMI a été mis en service en 1998.
En d'autres temps, l'armée de terre aurait tempêté contre l'incurie de la marine.

qui dit que ce ne fut pas le cas ? mais bien sûr en sourdine

Un article du Yomiuri Shinbun en date du 28 mars dernier dresse un tableau de l’acceptation de la présence des militaires par la population de l’île de Yonaguni.


Le premier contingent s’est réinstallé sur l’île le 28 mars 2016, cinq ans jours pour jour avant la publication de l’article et quarante-trois ans après le départ des militaires américains. A cette époque, l’arrivée de la première garnison japonaise de l’île depuis 1945 avait suscité quelques manifestations d’opposants. Avant 2016, l’île, fort peu peuplée (1684 habitants en 1984, 1550 à ce jour, sans compter les militaires) vivait principalement en autarcie sur l’agriculture et un tourisme embryonnaire. Yonaguni dispose d’un très singulier site de plongée subaquatique et d’un calme que les métropolitains stressés apprécient, mais restait isolée tout au sud des Ryū-Kyū, en face de Taiwan. On comprend que la reproduction des requins-marteaux n’y attirait qu’un tourisme très spécialisé. La population y était en lente décroissance depuis des années, les jeunes préférant les lumières de la ville, les emplois et les services publics de la métropole. A titre d’illustration, il n’y avait pas de lycée sur l’île, de sorte que les jeunes parents préféraient partir s’installer ailleurs. L’arrivée des militaires était cependant vécue par certains comme un risque de voir l’île impliquée dans un conflit, elle qui avait échappé aux bombardements massifs et aux combats terrestres de 1944-45. Après tout, l’île n’est qu’à 104 km de Taiwan et la politique agressive de Pékin à l’encontre de Taipeh risquait de déborder sur les installations militaires de Yonaguni. En 2015, un an avant l’arrivée de la garnison, une consultation publique avait donné 632 « pour » et 445 « contre ».

Que l’implantation de la station radar de la Force Terrestre d’Autodéfense à Yonaguni ait amélioré la capacité du Japon à suivre les allées et venues dans le secteur est indéniable. En particulier, elle a permis de contrôler l’espace aérien autour des Senkaku, qui ne sont qu’à 200 km au nord-est. Le vendredi 26 mars, le secrétaire adjoint du Cabinet, Sakai Manabu, a tenu une conférence de presse dans laquelle il a brossé un bilan dont le Yomiuri s’est largement inspiré.


La faible taille de la garnison (160 personnes) et l’absence d’armement lourd (les militaires n’ont que leurs armes portatives, et ils ne les portent pratiquement jamais en temps normal) ont rassuré la population : les militaires locaux sont vécus comme incapables de livrer un combat important ; ils ne sont là que pour mettre en œuvre la station radar. Aujourd’hui, il n’y a plus aucune manifestation d’hostilité à leur présence sur l’île : même le principal opposant de 2015 le reconnaît.

Parallèlement, la situation de l’île s’est améliorée. La Force Terrestre d’Autodéfense n’est pas propriétaire de ses terrains et verse chaque année 15 millions de Yens (environ 115 000 €) de droit de bail à la municipalité. Les militaires en garnison ont augmenté de 20% les rentrées des taxes locales. Les militaires participent activement (et gratuitement) à plusieurs tâches d’intérêt général comme le dégagement de la voirie après les tempêtes, la réparation des chaussées ou l’organisation logistique de manifestations locales allant de la fête agricole à la course d’orientation dans les collines.

Conscient que l’équilibre entre la population et la soldatesque reste fragile, le ministère japonais de la Défense n’envisage pas d’augmenter significativement les effectifs sur l’île, malgré les appels d’une fraction minoritaire des iliens à renforcer la garnison pour qu’elle puisse protéger l’île contre une invasion chinoise*. La station radar va être étoffée en 2023 d’une station d’écoute radio et de recueil de renseignements électromagnétiques, mais cela ne devrait pas induire d’augmentation significative de la garnison. Selon le maire de Yonaguni, le seuil d’acceptation des militaires par la population, qui ne souhaite clairement pas se retrouver dans la situation d’Okinawa (île largement militarisée dont les habitants se sentent exclus), se situerait aux alentours des 15% (soit 230 militaires), un seuil que l’arrivée de la station d’écoute ne franchira pas.



*NDT : notons que la stratégie japonaise est de constituer une force amphibie et mobile de réaction, et non pas d’augmenter la garnison de toutes les îles habitées.

Le 23 avril, la Force Terrestre d’Autodéfense a annoncé qu’elle mènera, du 11 au 17 mai 2021, un vaste exercice amphibie dans le sud du Japon avec la 3^e division des Marines américains et la 6^e brigade blindée légère de l’Armée de Terre française. La brigade amphibie japonaise sera évidemment de la partie.  Le thème de l’exercice sera l’interopérabilité entre les trois armées dans la défense des îles isolées, avec une insistance particulière sur l’appui aérien d’un débarquement. Le gros de l’exercice de contre-invasion aura lieu dans la région de Kagoshima.

Prise le samedi 15 mai 2021, une photo aérienne de la force amphibie qui a simulé un débarquement sur le champ de manœuvre de Kirishima au nord de Kagoshima. Le thème de l'exercice était le passage d'une force amphibie et un débarquement sous menace sous-marine. On reconnaît le TONNERRE et le SURCOUF de la Marine nationale aux côtés de l’ISE et de l’ŌSUMI japonais.


La Force Maritime d'Autodéfense a envoyé neuf navires participer aux exercices. L'ISE joue le rôle de coordinateur interarmées des forces japonaises et il participe avec ses hélicoptères SH-60J à la lutte anti-sous-marine.

Les USA et l'Australie participent aussi à l'exercice.

Depuis le mardi 14 juin, le SHIMOKITA effectue une série d’entraînements avec le groupe amphibie américain basé à Sasebo, et plus précisément avec le NEW ORLEANS (LPD 18), le GERMAN CITY (LSD 42) et l’AMERICA (LHA 6). Pour l’occasion, il embarque un détachement de véhicules de la force à déploiement rapide et un hélicoptère CH-47 en pontée. Les exercices se déroulent en Mer des Philippines, à l’est de l’archipel. Ils visent à faire obtenir aux navires américains leur qualification opérationnelle. Divers échanges d’hélicoptères, manœuvres de LCAC avec échanges de véhicules et de troupes, et exercices en tout genre ponctuent ces journées de qualification selon un programme qui va crescendo.


La Force Maritime d’Autodéfense n’a pas de système de formation et de qualification aussi structuré que sa consœur américaine.

Le 11 novembre 2021, l’état-major interarmées du ministère de la Défense a annoncé la tenue d’un vaste exercice intégrant toutes les forces d’autodéfense du 19 au 30 novembre. Le point focal en sera l’île de Tanegashima qui jouera le rôle d’une île isolée menacée par une puissance étrangère. Le 25, le transport de chalands de débarquements KUNISAKI y dirigera un débarquement sur la plage de Nagahama de la Brigade à Déploiement Rapide, coordonné à un assaut héliporté et aéroporté. Quelque 1500 personnes de la brigade y participeront, appuyés par leurs blindés amphibies et des hélicoptères de combat. Aucun fantassin américain n’y participera : l’opération amphibie sera entièrement japonaise. Un total d’environ 30 000 personnes des forces d’autodéfense et 5 800 Américains seront de la partie.

Le but de l’exercice est d’améliorer les capacités des forces d’autodéfense à mener des opérations combinées. Navires, avions et hélicoptères de la Force Maritime d’Autodéfense, fantassins, parachutistes, troupes du génie, blindés et hélicoptères de la Force Terrestre, avions de transport et chasseurs de la Force Aérienne y participeront. Une unique unité aérienne américaine sera impliquée avec des missiles antinavires sur la base de Kanoya (aucun tir réel n’est prévu).


Des unités japonaises déployées sur les îles de Tanegashima et Amami-Ōshima s’entraîneront à contrer la guerre électronique de l’ennemi. Des navires de transport civils seront mis à contribution pour acheminer rapidement une partie des troupes puis pour évacuer des blessés fictifs vers les hôpitaux de Tanegashima et Okinawa où des rotations d’hélicoptères accélèreront le transfert. Cette intégration de navires civils à un dispositif militaire marque un changement assez net : depuis un demi-siècle, les armateurs privés étaient réticents voire opposés à une telle utilisation de leurs moyens en zone hostile, arguant que l’ancienne Marine Impériale avait été incapable d’assurer la protection du trafic pendant la Guerre du Pacifique et qu’elle avait sur-exploité et sur-exposé les navires aux attaques adverses, provoquant des pertes humaines deux fois supérieures dans la marine marchande que ce qu’elles avaient été dans la marine de guerre.




C’est le quinzième exercice mené par le Japon sur ce scénario de défense d’une île isolée dans les archipels du sud.

Le 25 novembre 2021, dans le cadre du vaste exercice en cours, les forces amphibies japonaises ont simulé un débarquement sur la plage de Nagahama sur l’île de Tanegashima, simulant la récupération d’une île isolée occupée par une puissance hostile.


La manœuvre a commencé par le déminage d’un chenal d’accès et un canardage en règle (simulé à un autre endroit) des abords de la plage par des avions et des navires tandis que neuf AAV-7 à bord desquels avaient pris place une centaine de commandos étaient mis à l’eau par le KUNISAKI à plus de 10 000 m de la côte. Pendant que ce premier détachement prenait pied sur la plage, les deux LCAC du transport de chalands de débarquement acheminaient d’autres véhicules, des blindés et du matériel lourd.

Une partie de la Brigade de Déploiement Rapide Amphibie va se déployer sur la base de la Force Terrestre d’Autodéfense de Takematsu sur la municipalité d’Ōmura dans la préfecture de Nagasaki. Ce site a été préféré à d’autres parce qu’une bonne part des infrastructures sont déjà construites : 370 personnes de Takematsu ont été déménagées à Miyakojima pour contribuer à la création de la garnison, laissant vacantes de nombreuses infrastructures. D’autres arguments ont favorisé le choix de Takematsu : la proximité de l’aéroport de Nagasaki, situé sur un polder en face d’Ōmura, la proximité de la base aérienne d’Ōmura et la relative proximité de la base navale de Sasebo, située à une quarantaine de kilomètres au bord-ouest de Takematsu.


La Brigade de Déploiement Rapide Amphibie prévoit d’installer 600 personnes à Ōmura dans le cadre de sa montée en puissance et en effectifs. Le déploiement devra être terminé en mars 2024.

Deux V-22 supplémentaires en transit vers Iwakuni :

J'aime bien leur camouflage bicolore

Du 18 au 26 mai 2022, la Brigade Amphibie à Déploiement Rapide s’entraîne au débarquement sur l’île d’Ukushima située au large de Sasebo. Les deux LST ŌSUMI et KINESAKI y participent ainsi que 500 personnes de ladite brigade. Le 21 mai, un échelon de reconnaissance a été mis à terre sur une des superbes plages de l’île, puis six AAV-7 amphibies ont amené la force principale. Un LCAC a ensuite suivi pour amener des armes lourdes telles que des mortiers de 120 mm. Un deuxième débarquement aura sans doute lieu avant la fin de l’exercice.


C’est la neuvième fois qu’un tel exercice est mené sur Ukushima depuis 2014. Pour la première fois, il est ouvert au public qui peut s’approcher librement à quelques centaines de mètres du point de débarquement. Le commandement de la force explique que c’est pour « une meilleure compréhension locale ».


Un autre but de l’exercice est de varier les sites. Chaque île, chaque plage, chaque groupe de récifs ont leurs spécificités et modifient les méthodes de mise à terre. Changer de site évite de s’enfermer dans les répétitions de méthodes bien connues mais qu’il faudrait remettre en question dans une véritable opération.

Les V-22 japonais sont toujours basés à Kisarazu dans la préfecture de Chiba près de Tōkyō. Cependant, ils vont commencer à s’entraîner à leurs missions opérationnelles dans les Ryū-Kyū. Le bureau de la Défense de Kyūshū a prévenu la municipalité d’Ōmura que deux journées d’entraînement à la navigation, au vol en formation et au vol aux instruments se dérouleront les 26 et 27 juillet 2022 et à partir de la base d’Ōmura. Ces déploiements se répéteront « plusieurs fois par an » par la suite, avec une gradation afin que les pilotes acquièrent les qualifications opérationnelles nécessaires à leurs missions avec la Force de Déploiement Rapide basée à Aiura près de Sasebo.

Le ministère japonais de le Défense annonce l'arrivée au début de septembre et par bateau de deux nouveaux V-22 destinés à Iwakuni.