[JCG] Garde-Côtes du Japon

Quatre patrouilleurs chinois ont effectué une intrusion dans les eaux territoriales japonaises autour des Senkaku le 27 janvier 2022. Selon les Garde-Côtes du Japon, cela fait trente-et-un jours d’affilée que des patrouilleurs chinois croisent dans les parages des Senkaku.

Les autorités nippones s’attendent à un regain de provocations à l’occasion des jeux olympiques d’hiver qui ont lieu en République Populaire de Chine du 4 au 20 février. Nonobstant leur présence, les patrouilleurs chinois ne s’opposent pas à la présence permanente d’un patrouilleur japonais dans les eaux de l’archipel.

Le 31 janvier 2022, une campagne de prélèvements, d’observation et de photographie a été menée dans l’archipel des Senkaku. Préparée de longue date (depuis l'été dernier, en fait), l’opération n’avait pas été annoncée à l’avance pour éviter d’attirer les patrouilleurs chinois en nombre. Deux patrouilleurs chinois se sont tout de même approchés, mais ils ont été éconduits par les huit patrouilleurs des Garde-Côtes du Japon qui avaient accompagné les associations et les universitaires chargés par la municipalité d’Ishigaki (dont dépendent les Senkaku) de faire les relevés.

La campagne n’a été annoncée que le 1^er février par le maire d’Ishigaki, c’est-à-dire qu’après sa conclusion. Les relevés s’inscrivent dans le « Plan général pour l’océan » qui planifie et régule l’exploitation des ressources maritimes pour l'année fiscale 2022 qui commence en mars. Ils ont été organisés et coordonnés par l’Université du Tokai.


Une conférence sur les mesures sanitaires a été faite à 15h le 30 janvier à toutes les équipes embarquées sur le navire de recherches océanographiques. Celui-ci a ensuite appareillé à 17h et a transité de nuit pour être à pied d’œuvre le 31. En arrivant sur zone, il a été repéré par les deux patrouilleurs chinois qui étaient dans le secteur ; ceux-ci se sont approchés mais cinq patrouilleurs nippons ont entouré le navire scientifique de manière à empêcher les Chinois de l’importuner. A un moment, un des deux patrouilleurs chinois s’est retrouvé dans les 12 Nq des eaux territoriales : trois autres patrouilleurs japonais l’ont alors encadré et raccompagné dans la Zone Contiguë pour éviter qu’il tente une mise à terre de personnel sur une des îles. A 10h20, les deux patrouilleurs chinois avaient été éconduits. Le navire de recherche a terminé ses relevés puis est rentré à Ishigaki où il est arrivé en fin d’après-midi.

Le 24 mars 2022, un unique patrouilleur des Garde-Côtes de Chine est entré dans les eaux territoriales japonaises autour des Senkaku, accompagné et sermonné par son homologue japonais. Les trois autres patrouilleurs chinois sont restés à distance.

Il semble que les Chinois aient changé de tactique depuis quelques mois : ils font beaucoup moins d’intrusion dans les eaux territoriales mais augmentent leur temps de présence au large, au-delà des vingt-quatre nautiques. D’après le 11^e QG des Garde-Côtes du Japon, ce 24 mars 2022 marque le 28^e jour consécutif de présence des Chinois dans le secteur des Senkaku.

Konishi Yuka a eu les honneurs d’une interview du 山陰中央新報 (San'in chūō shinpō, journal local de la région de Tottori fondé en 1882 et bien connu des amateurs de manga) le 19 avril 2022. Cette enseigne de vaisseau de première classe ou, au Japon, lieutenant de 3^e classe (3等海尉), vient de prendre le commandement du patrouilleur MIHOGIKU (25 tonnes, équipage de 5 personnes). C’est la première femme à obtenir un commandement à la mer dans le 8^e district des garde-côtes.


Âgée de 32 ans, Mme Konishi a été diplômée de l’école des Garde-Côtes du Japon en 2010. Née à Kitakyūshū, elle a commencé sa carrière près de chez elle, dans le 10^e district, comme officier de navigation du patrouilleur KAISEN. Puis elle a demandé à être affectée dans le 8^e district où elle a servi à bord des patrouilleurs KOMAYUKI et MIHOGIKU. Après un passage à terre comme officier de police maritime à Tottori, elle vient de prendre le commandement dudit MIHOGIKU le 15 avril 2022. Dès le lendemain, elle a dirigé son navire dans une intervention contre un risque de marée noire dû à une fuite de carburant et d’huile depuis un bateau dans le canal de Sakai.
Dans son interview, elle s’est dit fière d’être arrivée à ce poste grâce à son travail et à l’expérience qu’elle a accumulée. Elle espère montrer la voie à ses consœurs. A Tottori, il y a 14 femmes travaillant dans les garde-côtes (sur un effectif total de 93 personnes), dont 4 servent à la mer et 10 à terre, selon le San'in chūō shinpō. A l’échelle nationale, 4 femmes commandent des patrouilleurs des Garde-Côtes du Japon ; Konishi Yuka est la seule du 8^e district.

Citation :

Konishi Yuka […] enseigne de vaisseau de première classe ou, au Japon, lieutenant de 3^e classe (3等海尉), vient de prendre le commandement du patrouilleur MIHOGIKU […] […] : pompom:

(tinoisons encore un peu…   )

Sauf si les grades des Garde-Côtes du Japon sont différents de ceux de la Force maritime d'autodéfense, il y a un rang de décalage :
3等海尉 ((Santō-kai-i, Lieutenant de marine de 3^ème classe, c'est à dire Enseigne) ça doit correspondre à l'enseigne de vaisseau de 2^ème classe de la marine française.

Le naufrage récent d’un navire de tourisme devant Abashiri (Hokkaidō) et la lenteur des secours vont pousser les garde-côtes à se doter de nouveaux hélicoptères. Lors du naufrage, un hélicoptère de la base de Kushiro était en fin de patrouille : il a dû rentrer à sa base pour refaire le plein avant de repartir en intervention. Bilan : il n’est arrivé sur zone que trois heures après l’alerte. L’autre hélicoptère de Kushiro était en maintenance.

Sur les treize bases aériennes des garde-côtes, dix n’ont que deux hélicoptères dont souvent un seul est disponible. Les garde-côtes souhaiteraient avoir trois hélicoptères par base, de manière à en avoir deux disponibles (un pour des patrouilles, l’autre en alerte). Le ministre Saito Tetsuo a annoncé un accroissement des déploiements d'hélicoptères, sans encore dire par quelle base il comptait commencer. Contraintes budgétaires obligent, l’équipement de toutes les bases ne se fera que progressivement.

Le 16 mai 2022, les garde-côtes chinois ont fait preuve d'humour. Leurs patrouilleurs ont fait irruption dans les eaux territoriales japonaises autour des Senkaku, après avoir passé une trentaine de jours à se relayer dans les parages. Comme d'habitude, le patrouilleur des Garde-Côtes du Japon les a accompagnés en les invitant à quitter les eaux territoriales par radio et en utilisant son afficheur lumineux. Le message « Veuillez quitter rapidement les eaux territoriales japonaises » était alternativement affiché en japonais et en chinois. Et un des patrouilleurs chinois lui a répondu en affichant « Nous entrons dans les eaux territoriales japonaises. Veuillez partir immédiatement. »

Faute de traduction ? Précipitation à écrire le nom du pays ? Humour ? La presse nippone se félicite que la Chine reconnaisse l’appartenance des Senkaku au Japon. L’avenir dira ce qu’il en est.

Le 10^e district des garde-côtes voit grand dans ses demandes budgétaires pour 2023. La demande budgétaire pour 2023 comptera la construction d’un quatrième patrouilleur de grande taille (6000 tonnes) porte-hélicoptère, en plus des trois déjà commandés et livrés au titre des années 2019 et 2020. Leur nombre serait encore appelé à croître les années suivantes. La demande comprend aussi le remplacement de la vedette hydrographique ISOSHIO (21m) qui date de 1993. Mais le projet le plus spectaculaire porte sur la création d’un service central (au sein du 10^e district) d’entretien de la flotte, aujourd’hui assuré par dix entités distinctes saupoudrées dans les bases des garde-côtes et ne comptant que 17 personnes, soit une à deux par base, trois dans la base principale (Kagoshima) et zéro dans les petites bases où il n’y a qu’une vedette. Le nouveau service devrait centraliser la planification des maintenances, les commandes et la gestion de stock des pièces détachées, et assurer une mission de soutien projetable en cas de problème dans une base avancée. Il aura des objectifs à atteindre en termes de disponibilité flotte, le passage à deux équipages des patrouilleurs ayant entraîné des exigences accrues. Pour ce faire, le futur service central devrait multiplier les effectifs des maintenanciers et des logisticiens par… quatre.

Essais terminés, le premier drone de surveillance MQ-9B Sea Guardian sera déployé opérationnellement sur la base de Hachinohe dans la préfecture d’Aomori (nord de Honshū) à partir du 19 octobre. L’engin est un drone non armé mis en œuvre par les Garde-Côtes du Japon mais la base aéronavale relève de la Force Maritime d’Autodéfense.


Les essais consistaient à s’assurer de la sécurité de l’intégration d’un avion sans pilote, mis en œuvre par radio depuis le sol, au profil de vol largement programmé et doté de systèmes anticollision et d’alerte inspirés de ceux des avions pilotés, ne présentait pas de danger pour la navigation aérienne (et accessoirement pour établir les procédures et manuels de mise en œuvre dans le contexte japonais). Les essais ont également démontré qu’il était plus silencieux qu’un avion conventionnel ; il est cependant prévu de ne pas le faire décoller et atterrir la nuit pour ne pas déranger le voisinage.

A compter du mercredi 19 octobre, l’engin commencera ses vols de surveillance du trafic maritime. Il peut tenir l’air plus de 24 heures et il est prévu de le faire voler cinq jours par semaine, d’abord au-dessus de la Mer du Japon (entre l’archipel et la péninsule coréenne) et l’océan Pacifique. Le nombre de MQ-9B en service augmentera dans les mois suivants, permettant petit à petit un quadrillage 24h sur 24 des zones maritimes relevant des garde-côtes.

Le 20 octobre 2022, les Garde-Côtes du Japon ont effectué une première patrouille opérationnelle d'un drone MQ-9B à partir de Hachinohe.

La loi japonaise sur les forces d’autodéfense permet, en cas d’attaque armée contre le Japon, de placer les garde-côtes sous l’autorité du ministère de la Défense, alors qu’ils relèvent en temps normal du ministère de l’Intérieur. Cette prise sous tutelle est censée faire partie des mesures que le ministère de la Défense intègrerait à la mise en « posture de défense » des forces armées en cas d’agression armée contre le pays.

Le 11 novembre 2022, le ministre de la Défense Hamada Yasukazu a annoncé lors d’une conférence de presse qu’il allait s’employer à structurer et à préparer l’éventuelle coopération entre les garde-côtes et les forces d’autodéfense. Aujourd’hui, diverses dispositions existent pour coopérer lors des interventions en cas de catastrophe naturelle, mais peu de choses existent en cas de conflit armé.

Selon le ministre, « Le renforcement de la coopération [des forces d’autodéfense] avec les Garde-Côtes du Japon, y compris en réponse à une attaque armée, est extrêmement important pour construire un système apte à répondre à toute situation dans un environnement sécuritaire tendu. » Un peu plus tard dans son allocution, il ajoute : « En ce qui concerne la tâche importante de clarifier les directives de contrôle des Garde-Côtes du Japon par le ministère de la Défense dans les situations d’attaque armée, d’accroître l’efficacité du dispositif grâce, entre autres, à des exercices conjoints, d’en améliorer les capacités de réponse et, en fin de compte, l’aspect dissuasif, nous allons mettre en place une nouvelle structure au niveau du gouvernement. Nous prévoyons d’y réfléchir activement à l’occasion de la formulation de notre nouvelle stratégie sécuritaire. »

Les grandes lignes de cette nouvelle structure devraient commencer à être connues lors de la parution des grandes orientations sur la défense des cinq prochaines années, attendues en fin d’année. L’humble commentateur que je suis imagine une intégration progressive en plusieurs niveaux d’alerte, afin d’une part d’éviter un effet de seuil en-dessous duquel un assaillant pourrait s’ingénier à rester pour ne pas déclencher tout de suite un conflit ouvert (ou pour en laisser la décision au gouvernement japonais), et afin d’autre part d’éviter inversement qu’une action de faible ampleur n’entraîne automatiquement une montée aux extrêmes du côté de Tōkyō.

Takagi a écrit:

[…] L’humble commentateur que je suis imagine une intégration progressive en plusieurs niveaux d’alerte, afin d’une part d’éviter un effet de seuil en-dessous duquel un assaillant pourrait s’ingénier à rester pour ne pas déclencher tout de suite un conflit ouvert […], et afin d’autre part d’éviter inversement qu’une action de faible ampleur n’entraîne automatiquement une montée aux extrêmes du côté de Tōkyō. : marinsimspon:

Bien vu !
C'est conforme au principe de la dissuasion (en général) qui se doit de toujours laisser planer une incertitude/ambiguïté stratégique.

Le 28 décembre 2022, le patrouilleur japonais assurant la permanence aux Senkaku a confirmé la présence de quatre patrouilleurs chinois dans la Zone Contigüe autour de l’archipel, pour la dixième journée d’affilée. Les Chinois sont partis pour égaliser ou dépasser cette année le record de 333 jours de présence qu’ils avaient établi en 2020.

Selon les bonnes habitudes et conformément au droit de la mer, le patrouilleur japonais a rappelé à ses semblables chinois qu’ils ne devaient pas pénétrer dans les eaux territoriales japonaises.

Takagi a écrit:

Le 28 décembre 2022, […] Selon les bonnes habitudes et conformément au droit de la mer, le patrouilleur japonais a rappelé à ses semblables chinois qu’ils ne devaient pas pénétrer dans les eaux territoriales japonaises. : mrgreen:

Et — comme d'habitude — les Tinois s'en sont moqués comme d'une guigne ?

DahliaBleue a écrit:

Et — comme d'habitude — les Tinois s'en sont moqués comme d'une guigne ?

Pas aux dernières nouvelles. Ceci dit, je ne suis pas sûr que l'injonction des Garde-Côtes du Japon y soit pour grand-chose.

Dans la nuit du jeudi 19 janvier 2023, le grand patrouilleur ECHIGO (3100 tonnes) s’est échoué devant le phare de Shiiyabana qui est sur la commune de Kashiwazaki dans la préfecture de Niigata sur la mer du Japon.


Le 9^e QG des Garde-Côtes a invoqué une « erreur humaine » de navigation et a diligenté une intervention. L’inspection du patrouilleur a révélé une déchirure dans la coque et une entrée d’eau dans un compartiment auxiliaire. Personne de l’équipage n’a été blessé. D’autres patrouilleurs de l’agence sont intervenus dans la journée ; des plongeurs sont intervenus l’après-midi. Dans la nuit d’après, profitant de la marée, l’ECHIGO s’est dégagé et a été remorqué pour s’écarter de la côte (photo du bas). Vers 02h20, il a pu remettre en route et se diriger vers son port de base qui est Niigata.


D’après les premiers éléments d’enquête publiés le 20, il semblerait qu’un système de sécurité nautique ou de navigation automatique soit tombé en panne sans que le personnel de quart ne s’en aperçoive. La presse nippone s’interroge sur la fiabilité des appareils de navigation qui devraient bientôt équiper des dizaines de navires automatiques commerciaux et s’étonne de l’absence de réaction du personnel de quart avant l’accident. Radar, sondeur, proximité des lumières de la côte et coup d’œil sur la carte (digitale) auraient dû éveiller le sens marin de l’équipage, même si une partie de ces équipements était potentiellement en panne. Vive la veille nautique à l’ancienne.

Devant la multiplication des incursions de navires scientifiques chinois dans la Zone Economique Exclusive nippone, les Garde-Côtes du Japon vont se doter de deux grands navires océanographiques qui emporteront et mettront en œuvre plusieurs drones scientifiques chacun. Ces drones comprendront des vedettes automatiques sans pilote et des drones sous-marins. L’Agence fait valoir que ces engins pourront être utilisés dans des secteurs inhospitaliers tels que les zones volcaniques sous-marines. Les grands patrouilleurs serviront de base à ces drones, de concentrateurs et de transmetteurs de données, en plus de leurs fonctions scientifiques et exploratrices propres.

A plusieurs reprises ces dernières années, des navires scientifiques chinois ont mené des études non autorisées dans les zones autour des îles Senkaku en mer de Chine orientale, dans la fosse d'Okinawa et au large de l'île la plus méridionale d'Okinotorishima (dont les eaux proches ne sont pas reconnues par Pékin comme faisant partie de la ZEE japonaise). Les résultats de ces recherches n’ont pas plus été publiés que leurs motivations. Autour des Senkaku, il est probable que les Chinois prospectent les gisements gaziers ; à Okinotorishima, il s’agit plutôt de provocations, peut-être doublées de cartographie des fonds. A l‘ouest de la chaîne des Ryū-Kyū, le régime pékinois fait cartographier le plateau continental pour appuyer ses revendications territoriales et explique que la ZEE chinoise devrait s’étendre pratiquement jusqu’aux eaux territoriales japonaises. L’amélioration et la modernisation des moyens scientifiques des Garde-Côtes du Japon devraient contribuer à lever le secret dont Pékin entoure les données de ses relevés : les cartes des fonds, en particulier, ne seront plus à usage exclusif de la marine chinoise mais deviendront publiques. Elles devraient également permettre au Japon de damer le pion à la presse d’obédience chinoise qui vante régulièrement la primauté de la recherche scientifique chinoise sur sa consœur nippone. Contrairement à leurs homologues chinois, les garde-côtes japonais publient des cartes marines, des cartes des fonds et des relevés bathymétriques et mettent leurs relevés à disposition des universités et instituts de recherche.

Les futurs navires d’exploration devraient entrer en service dans l’année fiscale 2024.

Ne jamais compter sur les données de l'autre pour tracer ses cartes : auto-suffisance en données océanographiques.
Pouvoir contester les données de l'autre : indépendance de décision.
Présenter la démarche comme scientifique, débarrassée de visées militaristes.

Le 31 janvier 2023, la municipalité d’Ishigaki a diffusé un extrait d’une vidéo aérienne réalisée la veille par un drone au-dessus de l’île d’Uotsuri qui, c’est bien connu, est la plus grande des îles Senkaku, lesquelles vues de Tōkyō relèvent administrativement de ladite commune. Cette vidéo fait partie d’une campagne scientifique menée par l’université Tōkai. Le maire d’Ishigaki, Nakayama Yoshitaka, s’est fait assister du professeur Yamada Yoshihiko pour expliquer que l’écosystème d’Uotsurijima court à sa perte puis a recommandé de lancer une « action urgente » sur l’île.

La vidéo montre que la végétation de l’île a régressé depuis l’année dernière, date de la précédente campagne de relevés aériens. Des éboulements ont eu lieu localement suite à la raréfaction des végétaux. L’« action urgente » préconisée par le maire vise à pallier cette dégradation rapide de l’environnement.

Le responsable de cette dégradation n’est ni originaire du continent ni mandaté par le pouvoir pékinois : il s’agit de bêtes chèvres, descendantes d’un petit groupe de caprins bêtement introduits sur l’île en 1978 par un parti politique… Mues par leur instinct, les chèvres broutent en arrachant les racines des plantes et arbustes au lieu de couper les végétaux comme le font les moutons. C’est là encore chose bien connue des gens qui habitent en zone agricole comme votre serviteur, mais apparemment ignorée par les politiques de 1978. Le nombre d’arbustes a diminué, provoquant une érosion des sols et limitant la rétention d’eau de pluie.


Le navire de recherches SHINSEI MARU d’où est parti le drone était accompagné de quatre patrouilleurs des Garde-Côtes du Japon, ce qui permet, faisant foin de la science caprine et ovine, de raccrocher cet article à la présente rubrique.

Ignorant sans doute les motivations louables de cette concentration nautique à proximité de l’île, trois des quatre patrouilleurs chinois en faction à l’ouest de l’archipel se sont approchés mais ont été tenus à distance du navire scientifique par leurs homologues nippons dans un ballet nautique face auquel le regretté Tōgō Heihachirō n’aurait pas boudé son plaisir. La presse internationale s’est fait l’écho de l’intrusion des patrouilleurs chinois dans les eaux territoriales japonaises autour des Senkaku mais a tu l’histoire des chèvres dans un comportement singulièrement moutonnier. La presse d’obédience pékinoise a rapporté la prompte intervention des garde-côtes chinois face à l’intrusion insupportable de la flottille japonaise (sans plus parler des chèvres ni de leur prédation inacceptable) une semaine après que le gouvernement japonais a annoncé son intention de renforcer ses moyens de contrôle des Senkaku.

Sur ces bons mots, nous quittons cette histoire de feuilles de chou mal renseignées et nous retournons à nos activités normales avant que la consommation électrique nocturne de nos machines ne nous fasse tourner chèvres.

Le mardi 21 février 2023, un quidam qui se promenait sur la plage de Enshuhama sur le bord de mer de Hamamatsu (préfecture de Shizuoka) a découvert une boule de 1,50m de diamètre échouée sur la grève. Il a prévenu les autorités vers 08h45. L’engin est de nature métallique. Des spécialistes ont été dépêchés sur place, des photos ont été envoyées à la Force Maritime d’Autodéfense et aux Garde-Côtes. Les gratte-copie de la presse locale puis tokyoïte ont suivi, conférant à l’affaire une caisse de résonance dont elle aurait peut-être pu se passer. A cette heure, aucune information officielle n’a été publiée en dehors de quelques photos, mais l’engin ressemble à un bête flotteur qui aurait rompu ses attaches. Les gratte-copie risquent d’en être pour leurs frais.

Le 22 février 2023 peu après 13h, un avion de patrouille des Garde-Côtes du Japon a repéré un bateau de pêche chinois en train d’opérer sans autorisation dans la Zone Economique Exclusive japonaise, à l’ouest de l’île de Gajajima, île inhabitée de l’archipel des Tokara.


Trois patrouilleurs ont appareillé séance tenante pour l’intercepter : il s’agit des SATSUMA, TOKARA et TAKACHIHO. Ils ont prestement relocalisé et chassé l’intrus, qui dans un premier temps a tenté de les semer avec le succès que l’on imagine. Rattrapé et encadré par les patrouilleurs, il a manœuvré quelques heures pour éviter de se faire aborder avant de se rendre vers 16h30. Les garde-côtes soupçonnent qu’il se livrait à une prédation de corail rouge, utilisé en joaillerie.

Le dimanche 5 mars 2023 vers 13h30, un bateau de pêche taïwanais a chaviré et coulé à une vingtaine de milles marins à l’est des Senkaku. Prévenus par radio par un P3-C de la Force Maritime d’Autodéfense, les garde-côtes japonais du 11^e district ont déclenché une opération de recherche et sauvetage : quatre patrouilleurs ont été dépêchés sur place. Le P-3C a repéré l’épave retournée mais aucun des sept membres d’équipage (un Taïwanais et six Indonésiens) n’a été retrouvé.


Les raisons du naufrage ne sont pas connues ; la météo sur zone était mauvaise (pluie, vent force 5, mer force 4). Les quatre patrouilleurs chinois présents à l’ouest des Senkaku depuis plusieurs jours ne sont pas intervenus ; leur présence avait motivé la présence du P3-C. Le 6 au matin, leurs quatre homologues japonais continuaient les recherches.

Taïwan bénéficie de licences de pêche dans le secteur des Senkaku.

Takagi a écrit:

Le dimanche 5 mars 2023 vers 13h30, (...)

Le 6 vers 09h15, soit près de vingt heures après le naufrage, des plongeurs des garde-côtes ont pu entrer dans l'épave retournée du XIN CHANGFA 88. Ils y ont retrouvé un corps. Les six autres membres d'équipage sont portés disparus.
Le XIN CHANGFA 88, bateau de 53 tonnes, avait appareillé de Keelung la nuit du 27 février.

Tout a commencé par une question de la députée Arimura Haruko lors d'une session plénière de la Chambre des conseillers en décembre 2021 sur le nombre d'îles dans la préfecture d'Okinawa. Le site Web de la préfecture en revendiquait 160 alors que le gouvernement central en citait 363 dans ses documents relatifs à la Défense.


La différence venait de la définition même d’une île. Depuis le XIX^e siècle, les autorités territoriales japonaises considèrent qu’une terre doit avoir au moins 100m de circonférence pour être considérée comme île. Seules les cartes marines faisaient apparaître les îles de moins de 100m de tour mais celles-ci n’étaient considérées que comme récifs par les cadastres des préfectures.

Or depuis quelques années, les Garde-Côtes du Japon ont modernisé leur technique cartographique et exploitent désormais des photographies aériennes à haute résolution. Les arpenteurs n’ont plus besoin de se rendre à terre avec leurs théodolites pour relever les traits de côte. Les nostalgiques des stages d’hydrographie sur la Jeanne d’Arc ou sur les croiseurs-école de la Marine Impériale Japonaise en sont pour leurs frais.

Les garde-côtes appliquant la Convention Internationale des Nations-Unies sur le Droit de la Mer, selon laquelle une île est toute terre naturellement formée, entourée d’eau et dont le point culminant reste émergé à marée haute, leurs cartes faisaient apparaître beaucoup plus d’îles que le cadastre des différentes préfectures. A l’échelle de la nation, la différence est de taille : pour les autorités territoriales, le Japon compte 6852 îles, habitées ou non, mais pour les garde-côtes et les navigateurs, le Japon compte 14 125 îles telles que définies par les Nations-Unies.

Cet écart pourrait paraître anecdotique et amusant mais prend un sens aigu quand une puissance voisine essaie de s’étendre. C’est un bête message sur le site internet chinois SNS qui a mis la puce à l’oreille de la députée Arimura. Dans ce message, une ressortissante chinoise s’était vantée d’avoir acheté une île inhabitée de la préfecture d’Okinawa. Réelle ou fantasmée, la transaction n’avait pas été enregistrée par le cadastre puisque cette terre de moins de 100m de circonférence n’existait pas dans ledit cadastre et n’était donc pas considérée comme territoire japonais par la préfecture. Qui plus est, la terre censée avoir été achetée n’est qu’à un kilomètre d’une base des Forces d’Autodéfense…

Même si on ne voit pas bien sur quelles bases (sans jeu de mots) l’achat de cette terre (île de Yanaha sur les cartes marines) aurait pu être officialisé puisqu’elle ne figure pas dans le cadastre de la commune d’Izena, même si les simplifications des fonctionnaires préfectoraux du cadastre ne modifient en rien les limites des eaux territoriales définies par la Convention, l’affaire a fait grand bruit et a poussé le Parti Libéral Démocrate, auquel appartient Mme Arimura, à demander une révision du code territorial des préfectures. Une grande refonte du cadastre japonais s’annonce.

Incidemment, je rappelle que ladite Arimura Haruko compte parmi ses ancêtres Arimura Tsugizaemon, un des instigateurs de l’incident de Sakuradamon (assassinat en 1832 du premier ministre du shogunat Tokugawa alors qu’il passait la porte Sakurada des fortifications entourant Edo) et l’amiral Tōgō Heihachirō, le vainqueur de Tsushima bien connu des augustes lecteurs de ce forum. Bon sang ne saurait mentir.

Merci Takagi, l'exemple japonais repond a une question qui me  semblait évidente, qu'est ce qu'une ile, je m'étais jamais posé ce genre de question tant cela parait évident à priori, mais avec le droit de la mer et les zones économiques maritimes cela devient un sujet on ne peut plus important.