4-LE DEROULEMENT DE LA BATAILLE Situation le 8 août au soirGuadalcanal, le Slot et TulagiL'opération Watchtower à complètement surpris les japonais qui s'apprêtaient même à lancer un second raid dans l'Océan Indien après le succès du premier. La réussite du débarquement américain entraine l'annulation de ce projet de raid et l'amiral Yamamoto ordonne au vice-amiral Gunichi Mikawa, commandant de la 8ème flotte basée à Rabaul de riposter.
Il prend donc la mer dans la soirée du 7 août, naviguant en tête à bord du croiseur lourd Chokai d'une colonne composée dans l'ordre des croiseurs lourds Aoba, Kako, Kinugasa, Furutaka, les croiseurs légers Tenryu et Yubari et le destroyer Yunagi. Cette opération d'attaque doit se doubler d'une opération de ravitaillement puisque cinq transports accompagnent Mikawa.
Côté américain, le débarquement du matériel au profit de la 1st Marines Division (général Vandegrift) se poursuit à bonne vitesse.
L'amiral FletcherLe 8 août au soir, l'amiral Fletcher qui à déjà perdu deux porte-avions (Lexington en mer de Corail et Yorktown à Midway), décide de replier ses porte-avions vers le sud, laissant selon l'expression du général Vandegrift les marines «le derrière à l'air».
Cette décision dont il est difficile de savoir si elle aurait changé des choses est probablement prise uniquement car les alliés ignorent l'arrivée de Mikawa qui à pourtant été repéré dès le soir du 7 août par le sous-marin S38 puis le lendemain matin par deux Hudson australiens sans parler du fait que des hydravions à flotteurs (donc embarqués sur des navires de surface) sont aperçus par les alliés mais des problèmes de transmission et d'interprétation font que ces informations vont parvenir tardivement aux navires alliés.
La décision de Fletcher à été très critiqué après la bataille. Officiellement, il s'agissait d'un manque de carburant et l'amiral américain souhaitait ravitailler tranquillement au sud de Guadalacanal pour faire face à une possible intervention navale japonaise.
Il estimait de plus que l'absence de résistance japonaise au débarquement ne nécessitait pas un important dispositif aérien pour la couverture aérienne et l'appui rapproché. Turner et Vandegrift furent furieux en raison apparemment d'une incompréhension, Turner ayant compris que Fletcher couvrirait le déchargement des transports avant de se replier.
Le déchargement se révélant plus lent que prévu, Richmond K. Turner décida de débarquer le maximum de chargement durant la nuit et de replier les transports le 9 août, laissant les marines se débrouiller.
Turner avait également demandé à l'amiral John McCain Sr (commandant du dispositif aérien allié dans la région) un dispositif de reconnaissance sur le Slot pour repérer l'arrivée éventuelle de la flotte japonaise mais pour des raisons inconnues, l'amiral ne donna aucune suite et sans prévenir Turner qui était persuadé que le Slot était surveillé !
Carte du dispositif alliéAu soir du 8 août 1942, le dispositif allié est éclaté en plusieurs entités. Les deux destroyers piquet-radars patrouillent de part et d'autre de l'île de Savo qui contrôle la rainure ou Slot, le bras de mer séparant Guadalacanal de Tulagi.
Entre la pointe Lunga et Tulagi sont déployés les croiseurs légers Hobart San Juan plus les destroyers Monssen et Buchanan du contre-amiral Scott. Le groupe Nord est déployé à l'est de Savo et le Groupe Sud dans le sud-ouest de la pointe Lunga, ce dispositif protégeant les transports mouillé à Tulagi et à proximité d'Henderson Field (la protection rapprochée des transports est assurée par sept destroyers).
Le Canberra et trois transports en arrière plan dans la Tulagi Transport AreaLes navires américains naviguent à 8 noeuds, pièces dans l'axe avec un minimum de personnel à la veille. De plus Crutchley n'est pas à son poste, restant après la conférence avec Turner et Vandegrift au mouillage près des transports et ce sans avertir ses subordonnés. Tout est en place pour une terrible déconvenue et une leçon de combat nocturne.
Réglé en cinquante-deux minutes !C'est peu après minuit le 9 août 1942 que les japonais arrivent à proximité des américains. Ils se mettent alors en position de combat, sur deux colonnes.
Carte de la bataille de SavoMaitre dans l'art du combat nocturne, les marins japonais lancent leurs torpilles à 1h38 sans ouvrir le feu avec leur artillerie. Leurs Long Lance à moteur à oxygène et ne laissant aucun sillage sont d'une discrétion telle que ce n'est qu'à 1h43 que le destroyer Patterson donne l'alerte.
Deux minutes plus tard, un hydravion japonais lance des fusées éclairantes qui illumine le dispositif allié alertant américains et australiens mais ces derniers n'ont pas le temps réagir quand les torpilles atteignent leur but et que les obus japonais commencent à pleuvoir.
Le Canberra est hors de combat presque immédiatement, touché par probablement 24 obus et deux torpilles. Le Chicago encaisse une torpille à l'étrave à 1h47 mais parvient à tirer sur le Yunagi sans résultats tangibles toutefois.
Les japonais découvrent alors la force nord qui patrouille à 10 noeuds et qui à simplement crue que la force sud tirait sur des avions. Le scenario précédent se répéte. Le Chokai lance cinq torpilles à 1h48 et les croiseurs japonais tirent en remontant la colonne américaine et en mettant successivement hors de combat l'Astoria, le Quincy et le Vincennes.
L'Astoria dont les hydravions ont été incendiés sert de point de repère aux canonniers japonais et encaisse de nombreux obus tout en parvenant à tirer une douzaine de salves et à toucher une tourelle du Chokai.
Le Quincy qui encaisse des obus et une torpille et chavire à 2h35, c'est le premier navire à rejoindre le futur Iron Bottom Sound.
Ironbotton Sound, le "détroit au fond de feraille"Le Vincennes prit dans le faisceau des projecteurs à 1h50, encaisse de nombreuses salves du Kinugasa et trois ou quatre torpilles. Il chavire à 2h50.
Les japonais craignant l'intervention au lever du jour de l'aviation américaine se retirent à 2h30, laissant derrière eux un spectacle de désolation. Le Canberra assisté par deux destroyers est achevé à la torpille vers 8h.
L'Astoria qui avait encaissé 56 obus japonais fut un temps remorqué finit par chavirer et couler à 12h15, seuls 32 survivants furent récupérés. Le Chicago parvient à gagner Nouméa puis Sydney avant de traverser le Pacifique et de gagner Mare Island pour être réparé le 13 octobre 1942.
Le destroyer Jarvis qui se repliait à 8 noeuds est surpris le lendemain par seize Betty qui l'ont prit pour un croiseur avarié la nuit précédent et coulé (n'ayant laissé aucun survivant, sa disparition
Les croiseurs japonais se replient sur Rabaul mais sont interceptés par le sous-marin S44 qui venge le Quincy l'Astoria, le Vincennes et le Canberra en coulant le Kako le 10 août 1942.
5-CONSEQUENCES Sur le plan tactique, la bataille de Savo est une victoire indiscutable de la marine japonaise qui montre une éclatante et insolente supériorité dans l'art délicat du combat nocturne et il faudra aux américains de nombreux combats et beaucoup de sang versé pour renverser la tendance.
Le bilan est tout simplément effroyable pour les américains et les australiens avec quatre croiseurs lourds et un destroyer coulé, un croiseur (le Chicago) et deux destroyers (Blue et Ralph Talbot) gravement endommagés, 1023 tués et 709 blessés.
Les japonais eux n'ont perdu que le Kako (et encore bien après la bataille), les dégâts sur le Chokaï, le Kinugasa et l'Aoba sont limitées tout comme le bilan humain avec 58 tués et 53 blessés.
Sur le plan stratégique, le résultat est moins net. Par une prudence que ses supérieurs ont jugé excessive, Mikawa n'à pas osé s'attaquer aux transports mouillés à Tulagi et à Guadalacanal ce qui aurait causé un tort bien plus conséquent aux Etats Unis puisque les croiseurs lourds sont rapidement remplacés par de nouvelles unités sortant de chantiers navals. Cela n'empêchera pas les américains de décider de replier dès le 9 août les transports, laissant les Marines avec un soutien logistique bien insuffisant.
L'impact de Savo aurait été encore plus tard si l'opération de renforcement des positions japonaises à Guadalacanal avait été un succès mais le torpille du transport Mauyo Maru par le sous-marin S38 entraine l'annulation de l'opération.
Une commission d'enquête, la Hepburn Investigation fût mise sur pied pour comprendre ce désastre, interrogeant la majorité des officiers présents et ce à partir de décembre 1942. Un seul officier fût sanctionné : le capitaine Howard D. Bode, épargnant les autres officiers. Le commandant du Chicago dont le comportement pouvait être sujet à critique ne retrouva plus de commandement à la mer et se suicida à Balboa (Zone du canal de Panama) le 19 avril 1943.
L'humiliation de Savo pouvait également être mise sur le fait d'un complexe de supériorité. La majorité des officiers américains appartenaient aux WASP (White Anglo-Saxon Protestant) et affichaient vis à vis des japonais un complexe de supériorité, complexe toujours présent en dépit de plusieurs mois de défaites causées par une marine remarquablement entrainée.
A mon sens, la défaite japonaise de Midway pouvant largement être mise sur le compte de la malchance (que ce serait-il passé si l'hydravion du Tone avait décollé en même temps que les autres et repéré les porte-avions américains 1h30 plutôt ?), d'un plan trop complexe et des hésitations de Nagumo plus que sur une écrasante supériorité américaine.
Après Savo, ce complexe disparu et les américains comprirent que la guerre allait été rude et sanglante.
SOURCES -Guy Le Moing
Les 600 plus grandes batailles navales de l'histoire (Ile de Savo p566-67)
-Jean Moulin
US Navy Tome 1 1898-1945 Du Maine au Missouri (Bataille de Savo p245-47)
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Encyclopédie des Armes Editions Atlas Les croiseurs de la seconde guerre mondiale (la bataille du «fond de feraille» p816-19)
-Ressources internet diverses
FIN DE L'ARTICLE
A VENIR : SSN USS NAUTILUS