4-LE DEROULEMENT DE LA BATAILLE
Plans allemands et renseignement anglaisLa stratégie navale allemande prévoyait une bataille décisive contre la flotte britannique mais à seulement moyen terme après que la navigation britannique et les forces légères de la Royal Navy soient suffisamment affaiblies par une campagne de mouillage de mines, l'action des sous-marins et des attaques brèves mais violentes contre la Harwich Force chargée de la surveillance et du blocus de la baie d'Helgoland.
Représentation de la Grand FleetLes allemands espéraient attirer par ces raids une partie de la Grand Fleet et la détruire mais la possibilité de piéger les croiseurs de bataille de l'amiral Beatty ne fût pas suivit d'effet le 26 mars et le bombardement de Yarmouth le 21 avril s'interrompit de manière prématurée après que le croiseur de bataille Seydlitz eut sauté sur une mine.
Pour la fin du mois de mai, la marine allemande planifia une opération destinée à provoquer la bataille décisive. Des sous-marins devaient s'embusquer à la sortie des bases navales britanniques pendant que les croiseurs de bataille allemands devaient bombarder Sunderland. La flotte britannique aurait forcément réagit et serait tombé dans une embuscade sous-marine, les navires intacts devant alors tombés sur les cuirassés de l'amiral Hipper et anéantis.
Ce que les allemands ignoraient c'est que les britanniques avaient cassé les codes allemands, les spécialistes de la Room 40 avaient bénéficié de l'incroyable trouvaille de plongeurs russes qui récupérèrent sur l'épave du croiseur léger Magdebourg un livret de code.
Epave du croiseur léger allemand SMS MagdebourgLe 28 mai 1916, les britanniques interceptèrent et décryptèrent un message allemand ordonna à tous les navires d'être prêts à prendre la mer le 30 mai. Les messages suivants interceptés ne furent pas décryptés mais ce qui était certain qu'une grande opération était en cours ce qui justifia le déploiement de la Grand Fleet qui prit la mer le 30 mai, cap à l'est, le point de rendez-vous entre les forces de Jellicoe (appareillant de Scapa Flow) et celles de Beatty (appareillant du Firth of Forth) étant fixé à 145km à l'ouest du Skagerrak au large du Jutland.
Un affrontement titanesque se préparait puisque 271 bâtiments venaient ou allaient appareiller, la supériorité numérique était du côté britannique avec 150 navires (28 cuirassés, 9 croiseurs de bataille, 8 croiseurs-cuirassés, 22 croiseurs légers, 81 destroyers, un poseur de mines et un porte-avions) contre 111 navires (22 cuirassés, 5 croiseurs de bataille, 11 croiseurs, 73 destroyers et 16 sous-marins).
Un cargo danois provoque la conflagration : Beatty contre HipperCarte générale de la bataille du JutlandLes escadres britanniques arrivent au point de rendez vous à 14h le 31 mai mais ne trouve qu'une mer vide. Les officiers britanniques sont persuadés que les renseignements sont faux et se préparent donc à rentrer au bercail.
En réalité, la flotte allemande _censée être selon les goniomètre encore à Wilhelmshaven_ est derrière l'horizon et donc hors de portée des vigies anglaises pas aidées il est vrai par un temps maussade et une visibilité qui pourrait être meilleure.
Le cargo danois NJ FjordLes batailles ont souvent pour origine un événement banal et fortuit. La bataille du Jutland n'échappe pas à la règle car c'est l'apparition d'un vieux cargo danois, le
NJ Fjord qui va provoquer le début de la plus grande bataille navale de l'histoire (ce navire sera coulé par le sous-marin UC-31 le 5 avril 1917).
Les britanniques comme les allemands aperçoivent le cargo en même temps et envoie en même temps des navires pour le reconnaître. Les britanniques envoient le croiseur léger HMS Galatea dont les vigies repèrent un torpilleur allemand poursuivant le cargo danois. Le croiseur ouvre le feu manque le torpilleur Elbing qui plus adroit touche le croiseur léger mais l'obus n'explose pas. C'est ainsi que commence la bataille du Jutland (Skagerrak pour les allemands).
Le Galatea repère alors les croiseurs légers éclairant la force de croiseurs de bataille de l'amiral et ouvre le feu à 14000m. Le commandant de la 1ère escadre des croiseurs légers, le commodore Sinclair ordonne à tous les croiseurs légers qui est suivie par les croiseurs de bataille de Beatty de mettre cap au nord pour attirer Hipper vers les cuirassés de Jellicoe qui à 65 miles de là ont mis cap au sud est mais Hipper comme si il avait pressenti le piège me cap au sud pour rejoindre les cuirassés de l'amiral Scheer.
Sans le savoir, les deux camps adoptent des stratégies similaires : Beatty veut engager Hipper (et inversement) pour l'affaiblir et surtout attendre l'arrivée des cuirassés de Jellicoe (ou de Scheer pour l'amiral allemand) pour écraser la flotte ennemie.
Commence alors la phase de la bataille appelée «La course au sud», le cap adoptée par les deux flottes. La visibilité avantage les allemands qui voient parfaitement les silhouettes des navires britanniques alors que les navires allemands sont noyés dans le brouillard. A cela s'ajoute la meilleure qualité des instruments optiques allemands.
A 15.30, Beatty aperçoit les croiseurs d'Hipper se dirigeant au nord-ouest. Hipper infléchit sa route pour amener Beatty sur les cuirassés de Scheer. A 15.45, les navires de Hipper étaient à portée de tir, les deux flottes suivant deux routes parallèles à 9 miles (environ 14km) l'une de l'autre.
Beatty avait ordonné que chaque navire engage un navire allemand mais en raison de l'erreur de Beatty _qui ne répercuta pas l'ordre aux cuirassés rapides d'Evans-Thomas_ , le croiseur de bataille Derfflinger fût sauté et pu manœuvrer comme à la parade.
Le talent des canonniers allemands (qui avaient remporté de nombreux concours de tir avant guerre) et la qualité de leurs optiques et de leurs systèmes de conduite de tir permis aux allemands de porter de rudes coups aux britanniques, trois croiseurs de bataille étant touchés avant qu'un navire allemand n'encaisse un coup.
Le HMS IndefatigableLe HMS Lion perdit sa tourelle Q et sans le sacrifice du major Harvey, le croiseur de bataille aurait sauté. Il à plus de chance que l'Indefatigable qui après avoir encaissé trois obus de 280mm du Von der Tann plus une autre salve du même croiseur de bataille explosa ne laissant que 2 survivants sur 1019 membres d'équipage.
Le HMS Queen MaryLa chance d'Hipper tourna alors avec l'arrivée des cuirassés rapides de l'amiral Evans-Thomas bien plus puissants que les navires allemands mais l'amiral allemand n'était pas inquiet car il savait Scheer sur ses talons. A 16.25, le Derfflinger, The Iron Dog/Le chien de fer frappe de ses obus de 305mm le croiseur de bataille Queen Mary qui explose, ne laissant que 9 survivants sur 1275 membres d'équipage. En apprenant de ce désastre, Beatty confia au commandant du Lion, le capitaine Chatfield «On dirait que quelque chose ne va pas aujourd'hui avec nos maudits vaisseaux».
Le SMS DerfflingerA 16.30, le croiseur léger Southampton aperçu les cuirassés de l'amiral Scheer (16 dreadnoughts et 6 prédreadnought) qui ouvrirent le feu pendant qu'au milieu les destroyers s'étripaient joyeusement, le Seydlitz fut torpillé tout comme deux torpilleurs coulés par les allemands qui envoyèrent un nombre équivalent de destroyers britanniques par le fond.
Beatty en infériorité numérique rompt le combat à 16.45 et décide de remonter vers le nord et Jellicoe en espérant attirer la flotte allemande. C'est la Course vers le Nord
Duel de cuirassés en mer du Nord-ouestComme précédement, Beatty fût incapable de prévenir Evans-Thomas du changement de tactique et les cuirassés rapides Malaya Warspite Barham Valiant continuèrent à filer vers Scheer et quand enfin la 5ème escadre manœuvra, elle le fit en échelon, offrant des cibles aux allemands qui endommagèrent gravement le Malaya.
Le cuirassé MalayaJellicoe avait une connaissance bien imparfaite de la situation et envoya en reconnaissance la 3ème escadre de croiseurs de bataille du contre-amiral Horace Hood chargé de faire la jonction avec Beatty. A 17.30, c'est cependant le croiseur cuirassé Black Prince qui repéra les croiseurs légers de l'amiral Beatty en même temps que les allemands.
Le croiseur de bataille Invincible met hors de combat le croiseurs léger Wiesbaden, forçant les trois autres croiseurs légers du contre-amiral Boedicker à se replier, ces derniers annonçant avoir prit contact avec la flotte britannique ce qui pousse Hipper pour gagner du temps à ordonner à ses torpilleurs de lancer une charge folle pour gagner le temps nécessaire aux cuirassés de Scheer de se mettre en position de combat.
Beatty ordonne alors à tous ces navires de se regrouper, espérant encore attirer les navires allemands vers Jellicoe dont les vingt-quatre cuirassés foncent à pleine vitesse sur six colonnes parallèles couvertes par des croiseurs légers et des destroyers.
Le croiseur cuirassé HMS DefenceLes deux flottes firent leur jonction vers 18.00 et Jellicoe ordonna de mettre cap à l'est pour barrer le T à la flotte allemande. Beatty traversa les dreadnoughts de Jellicoe pour rejoindre les croiseurs de bataille de Hood, manquant d'éperonner le croiseurs-cuirassé Defence qui fût peu après détruit par les cuirassés et croiseurs de bataille allemand pendant que le Warrior était sérieusement touché, sauvé par l'irruption du Warspite qui encaissa treize obus mais parvint à rentrer au port.
Peu après la destruction du Defence, l'Invincible toucha le Lützow à deux reprises sous la ligne de la flottaison mais la réaction allemand est terrible, le Lützow et le Derfflinger envoient une bordée d'obus de 305mm qui provoquent l'explosion de l'Invincible qui cassé en deux ne laisse que six survivants dont ne fait pas partie le contre-amiral Horace Hood dont la mémoire allait être bientôt célébrée comme celle de cette grande famille de marins par le croiseur de bataille du même nom.
Le HMS InvincibleA 18.30, la chance souria à nouveau aux britanniques qui furent en mesurent de barrer le T, dix cuirassés de Jellicoe ouvrant le feu faisant clairement comprendre à l'amiral Scheer qu'il était en très mauvaise posture. A 18.33, Scheer ordonne à la flotte de se replier en profitant de la fumée des tirs et du brouillard suivit à distance par Jellicoe qui craignaient les torpilles.
A 18.55, le commandant de la Hochseeflot ordonna une folle manœuvre à savoir de mettre cap à l'est en plein sur les navires de Jellicoe mais l'amiral anglais barrait toujours le T et infligeait des pertes sérieuses à un ennemi menacé clairement d'annihilation ce qui explique pourquoi Scheer ordonna à nouveau de se replier à 19.17, couvert par les torpilleurs (six seront coulés) soutenus par quatre croiseurs de bataille.
En dépit d'un feu nourri, les cuirassés allemands parvinrent à échapper à leurs homologues britanniques en profitant de la nuit d'autant que Jellicoe connaissant les faiblesses de sa flotte dans le combat nocturne avait décidé d'attendre l'aube pour reprendre le combat.
Scheer lui n'avait aucunement l'intention de se plier aux souhaits de Jellicoe, passant dans le sillage de la flotte britannique pour regagner ses bases et ce sans que les éclaireurs britanniques placés par l'amiral britannique ne repère quoi que ce soit.
La bataille n'en était pas moins terminé, des escarmouches opposèrent les deux flottes, le Southampton coulant le croiseur léger Frauenlob à 22h23 qui fût «vengé» par le cuirassé Thüringen qui coula le croiseur-cuirassé Black Prince qui avait confondu les deux flottes (2h00).
Le prédreadnought allemand SMS PommernPeu après, les destroyers des deux camps se livrèrent un féroce combat, cinq destroyers britanniques étant coulés contre le prédreadnought allemand Pommern alors que le croiseur léger Rostock est touché par une torpille. Entre-temps, le Lützow avait du être sabordé tandis que l'Elbing avait du être sabordé après avoir été abordé par le cuirassé Posen.
Comble de malchance pour Jellicoe, les services de renseignement à Londres avait intercepté des communications radio donnant la position de la flotte de l'amiral Scheer mais le message arriva trop tard pour être utile.
A l'aube en ce 1er juin 1916, la plus grande bataille navale de l'histoire se terminait sur un amer goût d'inachevé.