Le souvenir de la Marine Impériale

Une visite guidée de la batterie de Chiyogasaki après son aménagement pour le public :

https://www.youtube.com/watch?v=UQ9EbqUCC0s

C’est un sujet qui ne ferait pas l’objet d’un livre en France. L’éditeur japonais Kōjinsha NF Editions publie pour la somme modique de 913¥ le résultat des recherches de Takamori Naofumi, un ancien officier de la Force Maritime d’Autodéfense devenu spécialiste de la diététique. Le titre ? « Le curry dans la marine de guerre : histoire et recettes ».


On y apprend où l’ancienne Marine Impériale s’approvisionnait en poudres de curry, pourquoi et comment les rondelles de carotte et les oignons émincés sont devenus les ingrédients standards de toute recette, pourquoi la cébette était préférée à l’oignon à bord des premiers navires de la marine de Meiji avant de céder la place à l’oignon avant la fin de la susdite ère. On apprend dans le livre que, historiquement, les recettes au curry dérivent toutes de celle du 肉じゃが (nigijaga, viande aux pommes de terre) qui était évidemment servi accompagné d’un bol de riz et qui était un plat du dimanche. Le curry est progressivement ajouté aux recettes pour relever un peu le 肉じゃが avant que cébette, oignon et carotte y soient ajoutés en diverses proportions selon les habitudes de chaque cuisine, habitudes progressivement érigées en traditions de chaque cuisine, donc de chaque navire.

Les recettes reproduites dans le livre sont tirées d’anciens manuels de cuisine de la Marine Impériale. Enrichi de nombreuses anecdotes sur la Marine Impériale et ses currys, l’ouvrage révèle quelle recette vous aurait été servie à bord du cuirassé Yamato. Les instruments de cuisine utilisés à l’époque sont également mentionnés : ils étaient assez rustiques, le couteau, l’économe, la planche à découper et la simple marmite à fond rond étant privilégiés. Inutile donc de vous précipiter sur le rayon des robots de cuisine si vous voulez essayer une des recettes. En supposant évidemment qu’il reste couteaux, planche et marmite dans votre cuisine digitalisée et robotisée.

Un chapitre brosse un tableau de qu'il reste de cette tradition de la Marine Impériale dans la Force Maritime d'Autodéfense.

Takagi a écrit:

C’est un sujet qui ne ferait pas l’objet d’un livre en France. […] Le titre ? « Le curry dans la marine de guerre : histoire et recettes ». […]
Un chapitre brosse un tableau de qu'il reste de cette tradition de la Marine Impériale dans la Force Maritime d'Autodéfense. : marin:

Qui sait ?
Il pourrait même faire recette, non ?

, sujet sympa, car, à l'origine, il devait probablement se référer à la ou aux méthodes de cuisine qui permettaient d'élaborer, à bord, un "rata" mangeable, avec des denrées périmées, voire pires!

Réglementairement, un navire de guerre, depuis le XVIIIème siècle, est sensé embarquer 180 jours de vivres; jusqu'à la mise en service des premières installations  "réfrigérées", à la fin du XIXème siècle, çà tournait vite au très sérieux problème, car même la viande de bœuf ou de porc en saumure ne supporte guère cette durée de stockage, notamment en zones chaudes.

En plus, les intendances navales, quelque soit leur nationalité, négociaient les fournitures au prix le plus bas; ce qui est économiquement parfaitement logique, sauf que les fournisseurs, pour améliorer leur marge "rikiki, se "rattrapaient" sur la teneur du contenu! Du temps des tonneaux en bois, contenant de la viande en saumure, il était courant de disposer, dans le haut du tonneau, des  morceaux sensés satisfaire à la réglementaire inspection, et, au fond, les morceaux fibreux, immangeables ou, déjà, avariés! Seuls, les vaisseaux pouvaient embarquer de la viande sur pied, mais le mal de mer y faisait rapidement des ravages, tandis que les poules et les canards étaient, le plus souvent, réservés à l'état-major. De leurs côtés, les légumes, féculents, la flotte et, même, les piquettes qui servaient de pinard s'avariaient et pourrissaient rapidement!

Il existe, ainsi, de vieux ouvrages, rédigés dès la moitié du XVIIIème siècle, par des "scientifiques" et des médecins", qui traitaient de la conservation des denrées, où lesdites recommandations étaient, aussi, généralement doublées de conseils "péremptoires" de menus quotidiens, plus ou moins, farfelus! La ration quotidienne du mataf était, certes, généralement, très généreuse et bien supérieure à celle du "peuple", mais la fraicheur et le goût étaient très rarement au rendez-vous, surtout quand la croisière se prolongeait! D'où l'emploi d'épices diverses pour tenter de faire passer la pilule!

A noter, par exemple, que, dans la marine française, pendant longtemps, il était strictement interdit de ne pas finir sa ration, sous peine d'être puni! Les mutineries de Spithead et de la Nore, en 1797, dans la Royal Navy, trouvent en partie leur origine dans un problème de "qualité de bouffe" à bord d'escadres au mouillage!  La mutinerie du cuirassé russe Potemkine, à l'été 1905, avait, également, été, au départ, la conséquence d'une histoire de rata immangeable.

La Reichswehrimpériale et la Kaiserliche Marine avaient plus ou moins réglé le problème, en instaurant le même menu quotidien, réalisé avec les mêmes ingrédients, qui était servi du simple "pinpin" ou mataf au général ou amiral, la seule différence se résumant à la qualité de la vaisselle!

Loïc Charpentier a écrit:

, sujet sympa, car, à l'origine, il devait probablement se référer à la ou aux méthodes de cuisine qui permettaient d'élaborer, à bord, un "rata" mangeable, avec des denrées périmées, voire pires! (...)

Il est parfois hasardeux de croire que telle ou telle histoire locale est universelle. Un plat à base de viande et de pommes de terre, dans le Japon de la fin du XIX^e siècle, était un mets après lequel beaucoup de gens auraient couru, que ce soit à la campagne ou en ville. Et vu que le curry était un plat du dimanche dans la marine (une des premières administrations à adopter les conserves, un luxe), je doute qu'il se fût agi d'un rata de denrées immangeables.

La rade de Maizuru est dominée par la silhouette du mont Takebe (建部山, Takebeyama en japonais). Jusqu’au XIX^e siècle, ce sommet de 315m d’altitude avait une forme arrondie régulière et ne changeait guère d’aspect quel que soit l’emplacement d’où on le regardait. Cette particularité qu’il partageait avec le Fuji, ce qu’avait souligné le grand prêtre du temple Keirinji (Maizuru), lui avait valu le surnom de Fuji du Tango, une ancienne province aujourd’hui englobée dans la préfecture de Kyōto sur laquelle se trouve Maizuru.


En 1901, lors de la création de la base navale de Maizuru, le Takebeyama, admirablement situé dans l’axe du goulet qui mène aux ramifications de la rade intérieure, s’est vu confier un rôle clé dans la protection de la base : son sommet a été arasé pour accueillir une batterie d’artillerie lourde, modifiant irrémédiablement la silhouette du mont. Une piste muletière en pente douce a été aménagée avec force ouvrage d’art tels que ponts, tranchées et murs de soutènement, pour pouvoir monter en cariole les munitions jusqu’aux dépôts de munitions creusés et bâtis dans l’emprise de la batterie.


La batterie d’artillerie a été désaffectée dans l’entre-deux-guerres, les navires de la flotte tsariste ne risquant plus de tenter de pénétrer dans la rade pour y surprendre les navires de la Marine Impériale au mouillage. Pendant la guerre du Pacifique, les batteries ont été remplacées par des canons antiaériens, la menace ayant changé. Puis ces pièces ont été démontées et ferraillées après la guerre, le site est tombé à l’abandon et la végétation a repris ses droits.


Aujourd’hui, le sommet du Takebeyama est devenu un lieu d’excursion, l’ancienne piste muletière le rend facile d’accès et l’ancienne batterie offre un point de vue exceptionnel sur toute la rade.

Et pour finir, le HYŪGA, l’ex-MATSUYUKI et une vue de la ville moderne de Nishimaizuru (la « nouvelle Maizuru » qu’on pourrait nommer chez nous Villeneuve-lès-Maizuru) dans la rade ouest avec le Takebeyama en arrière-plan :

Merci Takagi intéressant, on se cultive avec vous