Des seconde main pour commencerLe DixmudeLe Biter futur Dixmude sous un pont suspenduLa défaite de juin 1940 à des conséquences terribles pour l'aéronavale française puisqu'elle stoppe en plein vol un formidable développement qui aurait pu aboutir à la mise en ligne d'ici 1948 de trois porte-avions : deux de 16000 tonnes, les Joffre et Painlevé et un plus gros de 20000 tonnes destiné à remplacer le Béarn qui au moment de la défaite ne sert plus que de transport d'or, de transport d'avions américains en attendant de servir de ravitailleurs pour les gros hydravions de reconnaissance.
La marine française traverse la seconde guerre mondiale sans aucun porte-avions opérationnel, le Béarn immobilisé aux Antilles jusqu'en 1943 n'est tout de façon plus en état pour mettre en œuvre des appareils modernes et sera rapidement transformé en transport d'aviation aux chantiers Avondale de la Nouvelle Orléans.
De plus les différentes demandes auprès des anglais et des américains restent lettre morte. La France demande un porte-avions d'escadre et un porte-avions d'escorte aux américains et au final, les britanniques acceptent de céder le porte-avions d'escorte
Biter.
Le cargo type C3 Rio Parana est mis sur cale aux chantiers navals de la Sun Shipbuilding and Drydock Company de Chester (Pennsylvanie) le 20 février 1939 et lancé le 18 décembre 1940. Acquis par l'US Navy en mai 1941, il est transformé en porte-avions et transféré le 6 avril 1942 à la Royal Navy où il est baptisé Biter.
Utilisé pour des missions de transport d'avions et d'escorte de convois, il est désarmé le 21 août 1944 et rétrocédé à la marine marchande. Il est probable que sa reconversion en cargo aurait été réalisée sans l'incendie à quai à Greenock le 23 août 1944.
Jugé peu économique de le réparer, il est mis en réserve et rétrocédé le 9 avril 1945 à l'US Navy qui accepte de le céder à la France où il devient le Dixmude du nom d'une bataille où les fusiliers marins de l'amiral Ronarc'h se sont illustrés durant le premier conflit mondial.
Remis en état, il est d'abord utilisé pour transporter des avions entre les Etats Unis et la France avant de gagner l'Indochine où il sert essentiellement de transport et de bâtiment base, n'étant utilisé comme porte-avions que très peu de temps entre 1946 et 1949.
Ramené en France en 1956, il sert de ponton flottant notamment pour le Corps Amphibie à Saint Mandrier jusqu'en 1963 quand il est rétrocédé aux Etats Unis et utilisé comme but de tir par la 7ème flotte en juin 1966.
Caractéristiques techniques du porte-avions Dixmude
Déplacement : standard 7438 tonnes pleine charge 13716 tonnes
Dimensions : longueur (hors tout) 150m (entre perpendiculaires) 141.7m largeur : (flottaison) 21.2m (hors tout) 31.1m tirant d'eau : 8m
Propulsion : deux diesel 6 cylindres Doxford développant 8500ch et entrainant une hélice
Performances : vitesse maximale 16 noeuds distance franchissable 14550 miles nautiques à 10 noeuds
Armement : 3 canons de 102mm en affûts simples et 10 canons de 20mm
Installations aéronautiques et groupe aérien : un ascenseur, une catapulte hydraulique H2, neuf brins d'arrêt et trois barrières.
Groupe aérien : 15 appareils.
Equipage : 555 officiers et marins L'ArromanchesLe HMS Colossus arborant le pavillon français (29 septembre 1946)Devant opérer dans des mers essentiellement fermées sous la menace de l'aviation basée à terre et des batteries côtières sans réelle possibilité de s'esquiver, les britanniques se préoccupent de la protection passive de leurs porte-avions d'escadre. C'est ainsi que Sir Stanley Goodall invente le porte-avions blindé. Ces porte-avions au nombre de sept (
Ark Royal, Illustrious, Formidable, Victorious, Indomitable, Indefatigable, Implacable) étaient cependant très longs et très coûteux à construire avec une capacité aéronautique assez faible encore que pour l'usage qu'en faisait les britanniques s'était finalement assez adapté.
Or les besoins britanniques sont importants entre l'appui des opérations amphibies, la protection des convois et des lignes de communications. D'où l'idée d'un porte-avions très simple à mi-chemin entre le porte-avions d'escorte _une construction de circonstance_ et le porte-avions d'escadre.
Les Arsenaux étant surchargés, ce sont les chantiers travaillant habituellement pour la marine marchande qui sont chargés de la construction de ces navires.
Le design est donc très simple, la vitesse faible (environ 25 noeuds), la protection absente et la défense limitée à une DCA légère. Dix navires (Colossus, Glory, Ocean, Perseus, Pioneer, Theseus, Triumph, Venerable, Vengeance et Warrior) sont commandés plus six autres formant la classe Majestic (Hercules, Leviathan, Magnificent, Majestic, Powerful et Terrible).
Sur les dix Colossus, quatre sont engagés dans le Pacifique (Colossus Glory Venerable et Warrior), un cinquième est mis en service en août 1945 sans participer à la guerre (Ocean), trois en 1946 (Vengeance Triumph et Theseus), les deux derniers étant achevés comme navires de maintenance aéronautique. Quand aux six Majestic, seuls cinq seront achevés, le Leviathan n'entrant jamais en service alors que les autres équipèrent des marines du Commonwealth (Inde, Canada, Australie).
D'autres pays vont aussi recevoir ces porte-avions comme les Pays-Bas, l'Argentine et le Brésil.
-Le
HMS Colossus est mis sur cale aux chantiers
Vickers-Armstrong de High Walker sur le Tyne en juin 1942 lancé le 30 septembre 1943 et
commissioned le 16 décembre 1944. Embarquant des chasseurs bombardiers Chance-vought F4U Corsair et des avions-torpilleurs Fairey Barracuda, il est déployé au sein de la British Pacific Fleet (BPF) et participe aux opérations des britanniques dans le Pacifique mais en seconde ligne en raison de la menace des kamikazes.
Loué pour cinq ans par la marine nationale le 6 août 1946, il est rebaptisé Arromanches (commune de Normandie où se trouvait l'un des ports artificiels construits par les alliés après le débarquement du 6 juin 1944) en 1947 puis acheté le 4 août 1951.
Il participe aux opérations en Indochine et à l'opération Mousquetaire à Suez avant d'être progressivement relégué aux missions d'entrainement et de servir de porte-hélicoptère pour les opérations héliportées et la lutte ASM. Il est désarmé le 5 septembre 1974, condamné puis démantelé en 1977/78.
Caractéristiques du porte-avions Arromanches
Déplacement : standard 14000 tonnes pleine charge 17000 tonnes
Dimensions : longueur 211.25m largeur (flottaison) 24.50m tirant d'eau (en charge) 7.15m
Propulsion : turbines à engrenages Parson alimentées par quatre chaudières type Amirauté développant une puissance totale de 40000ch et entrainant deux hélices
Performances : vitesse maximale 25 noeuds distance franchissable 12000 miles nautiques à 14 noeuds
Armement : 43 canons de 40mm en six affûts quadruples Vickers et dix-neuf Bofors en affûts simples
Installations aéronautiques et Groupe aérien : une catapulte à l'avant, deux ascenseurs axiaux, dix brins d'arrêt. Hangar de 135.63x15.84x5.33m. 24 avions et un hélicoptère de sauvetage.
Equipage : 42 officiers et 777 officiers mariniers et quartiers maitres et matelots pour la conduite du navire et environ 200 hommes pour le groupe aérien Le Bois Belleau et le La FayetteLes porte-avions légers Bois Belleau et La Fayette appartiennent à la Classe Independence, neuf croiseurs légers de classe Cleveland transformés sur cale en porte-avions légers, des navires efficaces à défaut d'être des modèles d'esthétique.
A la fin du conflit ces porte-avions vite déclassés par les progrès de l'aviation sont rapidement désarmés et sont donc disponibles pour des marines étrangères. Si l'Espagne n'allait mettre en œuvre qu'un porte-avions, la France allait mettre en œuvre deux porte-avions de classe Independence.
Les besoins de la marine française pour assurer la protection des convois en cas de conflit en Europe et le soutien des troupes au sol en Indochine (vu d'abord par les américains comme un conflit colonial avant d'être vu au moment de la guerre de Corée comme une défense du monde libre contre la subversion communiste) va entrainer le prêt de deux porte-avions légers (trois étaient prévus à l'origine) qui vont permettre de reconstituer l'aéronavale française avec l'Arromanches et préparer la mise en service du Clemenceau et du Foch.
Le USS Langley (CVL-27) futur La Fayette-Le
USS Langley (CVL-27) à été mis sur cale le 11 avril 1942 aux chantiers navals de la
New-York Shipbuilding Corporation de Camden . Initialement conçu comme croiseur de classe Cleveland sous le nom de Fargo (CL-85), il à été lancé le 22 mai 1943 et admis au service actif le 31 août 1943. Après avoir participé aux opérations de la guerre du Pacifique, il est affecté le 31 mars 1946 à la Flotte de Réserve de l'Atlantique basé à Philadelphie où il est désarmé le 11 mai 1947.
Au titre du
Mutual Defense Assistance Programm, le USS Langley (CVL-27) est prêté à la France le 8 janvier 1951 et rebaptisé La Fayette (R96). Passant sous pavillon français le 2 juin, il est basé à Toulon. Il effectue plusieurs déploiements en Indochine, participe aux opérations de secours après le tremblement de terre d'Agadir en mars 1960 puis aux premières évacuations d'Algérie.
Il est ensuite restitué aux Etats Unis le 20 mars 1963 après avoir parcouru près de 350000 miles nautiques sous pavillon français et réalisé 19805 appontages. Il est vendu à la démolition à Baltimore en 1964.
Le Bois Belleau-Le
USS Belleau Woods (CVL-24) fût mis sur cale aux chantiers navals de la
New York Shipbuilding Corporation de Camden (New Jersey) comme un croiseur léger de classe Cleveland sous le nom de New Heaven (CL76) le 11 août 1941. Reclassé CV-24 le 16 février 1942 et rebaptisé le 31 mars 1942, il fût lancé le 6 décembre 1942 et admis au service actif le 31 mars 1943. Il participe aux opérations dans le Pacifique puis à l'opération Magic Carpet avant d'être désarmé en janvier 1947.
Loué à la France pour cinq ans, il est transferé au titre du Mutual Defense Assistance Act le 5 septembre 1953, il participe aux dernières opérations en Indochine avant d'évacuer troupes et civils du Nord pour le Sud-Vietnam. Il participa ensuite aux différentes opérations de l'Escadre en Méditerranée avant d'être restitué aux Etats Unis le 12 septembre 1960 puis d'être vendu à la démolition.
Caractéristiques Techniques des porte-avions de classe Independence
Déplacement : standard 11000 tonnes pleine charge : 14300 tonnes
Dimensions : longueur hors tout 189.74m largeur : 21.78m (pont d’envol) 33.3m (maximale) tirant d’eau : 7.92m
Propulsion : 4 groupes de turbines à vapeur General Electric alimentées par 4 chaudière Babcox et Wilcox développant une puissance totale de 100000ch et actionnant 4 hélices
Performances : vitesse maximale : 31 nœuds distance franchissable : 13000 miles nautiques (24000km) à 15 nœuds (28 km/h)
Armement : L’armement prévu initialement est de deux canons de 127mm (un à la poupe et à la proue) de huit affûts doubles de 40mm Bofors et de dix canons de 20mm Oerlikon. Le 127mm de proue est rapidement remplacé par un affût Bofors de 40mm quadruple et celui de poupe à été également remplacé par un affût quadruple. A noter que seul l’USS Independence à été livré avec deux canons de 127mm qui sont rapidement remplacés par deux affûts quadruples de 40mm.
Installations aéronautiques : Pont d’envol de 186m de long sur 18 (avant) à 22m (arrière) de large Hangar de 65.63m sur 17.67m (hauteur : 5.28m celle des Colossus et des Essex est de 5.33m). Une puis deux catapultes hydrauliques H2. 9 brins d’arrêt. Deux ascenseurs axiaux, un de 13.4m et un autre de 12.8m
Groupe aérien : Les Independence peuvent embarquer une trentaine d’appareils même si leur nombre est souvent réduit pour faciliter les opérations aériennes.
Equipage : 1569 officiers et marins (groupe aérien compris) L'échec instructif du PA-28Maquette du PA-28Comme nous l'avons vu plus haut la défaite de 1940 stoppe l'Aéronavale française en plein élan modernisateur. Ah qu'es-ce que je donnerai pour imaginer le Richelieu et le Joffre accompagnant l'Illustrious pour attaquer Tarente un soir de novembre 1940...... .
La défaite n'à pas mis fin aux études que ce soit à Alger ou à Vichy mais bien entendu ces études sont pleinement théoriques et se heurtent moins à l'absence de compétences qu'à l'impossibilité d'accéder aux dernières informations sur l'utilisation du porte-avions. On s'entête même à poursuivre dans une voie que l'on peut difficilement comprendre à savoir le cuirassé porte-avions.
On trouve par exemple un projet de PA-1, un navire de 241m de long, un déplacement de 28764 tonnes et une tourelle quadruple de 305mm posée à l'arrière.
Les projets de porte-avions conventionnels sont également nombreux comme le PA-5A, un navire de 39000 tonnes (41575 au déplacement d'essais), une longueur entre perpendiculaires de 238m et une largeur à la flottaison de 29.4m, une puissance propulsive de 85000 ch, un armement composé de 8 tourelles doubles de 115mm et 32 canons de 25mm et un groupe aérien d'une quarantaine d'appareils.
Le transfert du Dixmude et de l'Arromanches ne sont que des solutions d'attente avant la construction de porte-avions de conception française. La construction de porte-avions s'inscrit dans un projet plus global celui de construire une flotte composée de rares bâtiments d'origine française usés et techniquement dépassés, de bâtiments américains et anglais et bientôt allemands et italiens.
En novembre 1947, la marine estime avoir besoin d'ici 1960 de deux bâtiments de ligne (Jean Bart et Richelieu _le premier étant à achever_), quatre porte-avions légers, trois porte-avions d'escorte, trois croiseurs, six croiseurs antiaériens, trente destroyers, trente escorteurs et vingt-cinq à trente sous marins.
Le plan «50» du 9 avril 1948 prévoit un premier porte-avions (le PA-28) dans la tranche de 1948 avec un autre navire de 20000 tonnes dans la tranche de 1951. Un projet de statut naval est présenté le 2 août 1949, avec quatre puis six porte-avions d'environ 20000 tonnes mais il n'est pas discuté.
La construction ne fait pas l'unanimité mais l'Assemblée Nationale autorise la construction en votant les crédits le 14 août 1947. Le 1er septembre 1947, le ministère de la marine confie la construction du PA-28 à l'Arsenal de Brest.
La mise en chantier est différée suite à un décret du 9 octobre 1947 qui interdit tout nouvel engagement de dépense sur le budget extraordinaire de la Défense Nationale. L'arrêt des travaux est prescrit par le ministre de la Défense Nationale Paul Ramadier le 7 mars 1949 et tout travail cesse sauf la réception du matériel déjà commandé.
L'arrêt officiel de la construction de ce navire baptisé officieusement Clemenceau est décidé le 31 mai 1949. En compensation, les américains prête à la France le porte-avions USS Langley rebaptisé La Fayette le 2 juin 1951.
Au final l'abandon de ce projet fût vu comme un mal pour un bien car son l'amiral Nomy cela aurait aboutit à «une mauvaise copie de l'Arromanches qu'il aurait fallu rapidement refondre pour permettre la mise en œuvre d'avions à réaction».
Caractéristiques Techniques
Déplacement : 15700 tW (20110 tonnes pC)
Dimensions : Longueur (hors tout)229.50m (entre perpendiculaires) 215m Largeur (hors tout) 36m (entre perpendiculaires) 25m Tirant d'eau : 6.50m
Propulsion : Deux groupes de turbines alimentées par Quatre chaudières développant une puissance totale de 105000ch et entrainant deux hélices
Performances : vitesse maximale : 32 noeuds distance franchissable : 7700 miles nautiques à 18 noeuds 4700 miles nautiques à 24 noeuds
Protection : aucune
Armement : 16 canons de 100mm en huit tourelles doubles répartis en quatre groupes latéraux (deux à tribord et deux à bâbord) et 16 canons de 57mm en huit tourelles doubles (un à la poupe, un à la proue, trois à tribord et trois bâbord)
Installations aéronautiques : Pont d'envol de 220m de long sur 36m de large relié au hangar (130m de long sur 24.40m de large et haut de 8.50m) par deux ascenseurs de 12 tonnes. Deux catapultes à l'avant et 8 brins d'arrêts plus trois barrières.
Groupe aérien : Le nombre varie selon les sources de 31 à 47 appareils. Le hangar unique peut abriter en permanence 22 bimoteurs-torpilleurs NC1070 ou Nord 1500 plus 5 chasseurs lourds SE582 soit 27 appareils. Il était également prévu que 22 SE582 puisse être accrochés au plafond du hangar.
Equipage : 1806 officiers et marins. Enfin des porte-avions : le Clemenceau et le FochGenèseComme nous venons de le voir l'abandon du PA-28 fût avec le recul une excellente chose. Les ingénieurs français purent remettre le métier sur l'ouvrage et bénéficier d'un contexte tactique et technologique favorable.
Non seulement la Corée avait montré que le porte-avions était indispensable à toute marine digne de ce nom mais en plus une série de progrès techniques pilotés par les britanniques allait permettre aux ponts plats de s'adapter parfaitement aux avions à réaction.
C'est la mise au point après plusieurs années de recherche de la piste oblique qui permet à un avion ayant manqué son appontage de remettre les gaz et de tenter une nouvelle approche (au lieu de s'écraser dans la barrière).
Cette piste oblique permet au moins en théorie de réaliser simultanément l'appontage et le catapultage d'avions.
La catapulte hydraulique atteignant ses limites et devenant dangereuse ? On invente la catapulte à vapeur d'un fonctionnement plus sur et permettant de mettre en œuvre des avions plus lourds à plus grande vitesse.
Enfin le batman est remplacé par le miroir d'appontage qui donne les indications pour l'un des manœuvres les plus délicates de l'aéronautique. L'humain reste dans la boucle avec l'officier appontage, un pilote expérimenté chargé de guider un confrère pour lui permettre de poser son appareil sans problème.
En juillet 1952, un statut naval est voté prévoyait une marine de 450000 tonnes avec quatre porte-avions, trois devant servir au sein de l'OTAN. La construction de porte-avions nationaux est jugée urgente car les français ne peuvent pas utiliser comme il le souhaite, les porte-avions légers prêtés par les américains.
Le Conseil Supérieur du 15 juillet 1952 va plus loin et conclut à la nécessité de disposer de cinq porte-avions dont deux légers de 12500 tonnes réservés aux missions dans le cadre de l'Union Française.
Le 16 mars 1954, le rapporteur spécial de la commission des Finances, Henri Dorey, annonce la construction d'un porte-avions à l'Assemblée Nationale dans le cadre de la tranche 1954. A l'origine, la tranche 1955 ne comprend pas de porte-avions mais un second bâtiment est prévu dans la tranche 1956.
L'arrêt de l'aide américaine en 1954 précipite les choses et la tranche 1955 prévoit un porte-avions, quatre escorteurs d'Union Française et deux sous marins de chasse. Un vrai miracle se produit : le Parlement accepte de reconduire en 1955 le budget 1954. Deux porte-avions sont donc financés successivement, le PA54 étant baptisé Clemenceau et le PA55 Foch.
Carrière opérationnelle-Le
Clemenceau est mis sur cale à l'
Arsenal de Brest dans le bassin 9 du Laninon le 15 décembre 1955 lancé (ou plutôt mis à l'eau) le 21 décembre 1957 en présence de Michel Clemenceau fils du Tigre et admis au service actif le 22 novembre 1961.
Il est successivement basé à Toulon de 1961 à 1965, subit un grand carénage en 1966 avant d'être basé à Brest à partir de juin 1967 et jusqu'en octobre 1975 quand il retourne à Toulon où il sera basé jusqu'à son désarmement le 1er octobre 1997.
Sa démolition traine en longueur avec plusieurs fiasco notamment en Inde avant d'être enfin vendu au chantier de démolition Able UK Ltd le 1er juillet 2008, le Q790 arrivant à Hartepool le 7 février 2009 pour y être promptement démantelé.
-Le
Foch est mis sur cale aux
Chantiers de l'Atlantique dans la forme Jean Bart le 15 février 1957 mais le 7 octobre 1957 l'entreprise issue de la fusion des ACL et des Ateliers et Chantiers de St-Nazaire-Penhoët ont mis sur cale le paquebot France et rapidement, le chantier nazairien demande à être déchargé de la construction du porte-avions pour se concentrer sur celle du paquebot. L'Arsenal de Brest ayant des disponibilités, il est décidé de le transférer après la mise à l'eau à l'Arsenal de Brest.
La mise à l'eau à lieu le 13 juillet 1959 et cinq jours plus tard, le 18 juillet, la coque quitte à la remorque Saint Nazaire pour Brest où elle arrive le 20 juillet, coque qui est immédiatement échouée dans le bassin 9 du Laninon.
La mise à l'eau officielle à lieu le 23 juillet 1960 mais les travaux d'achèvement sont retardés par le manque de crédits et le Foch n'est admis au service actif que le 15 juillet 1963, jour de son arrivée à Toulon. Il effectue plusieurs déploiements extérieurs notamment dans le Pacifique pour la force Alfa destinée à surveiller les essais nucléaires du CEP en 1966.
Après un grand carénage en 1967/68, le Foch est basé à Brest de 1968 à 1976 puis de nouveau à Toulon de 1976 à 2000, subissant plusieurs modernisations pour lui permettre de tenir jusqu'en 2001 date de son hypothétique remplacement par le deuxième PAN (le premier remplaçant le Clemenceau). Un temps, il est prévu de mettre le Foch en réserve au moment de la mise en service du Charles De Gaulle pour pouvoir compenser l'absence d'un deuxième PAN lors de la première immobilisation en 2005 mais en 1998, il est décidé de le désarmer.
Le Brésil qui cherche à remplacer son vieux Minas Gerais (type Majestic) se montre intéressée. Les premiers marins brésiliens arrivent en septembre 1998 pour se familiariser avec le navire. Le Foch est acheté le 26 septembre 1998 pour 12 millions de dollars et peu à peu, les brésiliens sont plus nombreux que les français. Le Foch est désarmé le 1er octobre 1998.
Le Sao Paulo en compagnie du USS Ronald Reagan (CVN-76)Le Foch quitte définitivement Toulon le 2 novembre 2000 et arrive à Brest le 9 novembre. Le Foch est transféré au Brésil le 15 novembre 2000 au cours d'une cérémonie très émouvante, le pavillon auriverde étant hissé sur le Foch devenu Sao Paulo. Après les derniers travaux, le Sao Paulo quitte Brest le 1er février pour y arriver le 17 février 2001, le Sao Paulo étant véritablement opérationnel le 3 septembre 2001 mais son indisponibilité est sujette à caution.
En effet la carrière tropicale de notre Foch va être un chemin de croix avec une succession de périodes d'indisponibilités et plus grave de plusieurs incidents dont un le 17 mai 2005 qui provoqua la mort de trois marins. Le porte-avions est immobilisé de 2005 à 2009 pour modernisation, le porte-avions étant de nouveau disponible en août 2010.
En 2011 une évaluation repousse sa disponibilité en 2013 mais en 2012 il est victime d'un nouvel incident important. En septembre 2016 on parle de remplacer la propulsion et les catapultes mais le 14 février 2017 la marine brésilienne décide d'arrêter les frais. Il faut dire que le projet aurait couté au bas mot 250 millions d'euros.
Pour une marine très sollicitée par son programme sous-marin et par le renouvellement de sa flotte de surface c'est beaucoup trop (surtout pour un navire aussi ancien). Et dire qu'en 2011 le Brésil parlait de construire un nouveau porte-avions !
Le Sao Paulo est désarmé le 22 novembre 2018. Un projet de musée au Brésil hélas échoue et le 12 mars 2021 on annonce sa vente à Cormack Maritima, représentant local de la société turque SÖK Denizcilik, qui a remporté la mise pour un peu plus de 1,6 millions d’euros.
L’ex-Foch va donc de nouveau traverser l’Atlantique à la remorque pour rejoindre le chantier naval d’Izmir, au plus tard en juin prochain.
PA-58 et PA-59 : des projets et uniquement des projets hélasSchéma représentant les grandes lignes du PA-58Après la construction de deux porte-avions la marine nationale espéra construire une troisième unité si possible plus grosse pour pouvoir mettre en œuvre des bombardiers capable de délivrer le feu nucléaire.
L'aéronavale française après avoir raté le coche avant guerre déborde de projets ambitieux pour la marine nationale renaissante de l'après guerre. Elle estime en effet avoir besoin d'au moins quatre porte-avions en 1949 mais en 1952, elle montre ce chiffre à six.
Cependant dès 1953, la Royale doit admettre qu'elle ne pourra disposer que de trois porte-avions de premier ligne : un pleinement opérationnel, un deuxième disponible pour l'entrainement et un troisième en grand carénage.
Les caractéristiques du nouveau porte-avions sont établies le 5 mars 1957. C'est un navire de 30000 tW pouvant mettre en œuvre six bombardiers moyens à capacité atomique (ils doivent aussi jouer le rôle de ravitailleur), une flottille de huit intercepteurs tout temps, une flottille de 24 intercepteurs légers ou d'assaut (Bréguet 1100 ou Etendard IV), une flottille ASM composée de 12 Bréguet Br1050 Alizé et de six hélicoptères SE3200 Frelon, un groupe AEW avec 6 Bréguet Br1050 et deux Alouette pour le sauvetage et la liaison.
La disposition du pont d'envol est identique à celle du PA54 à l'exception des ascenseurs qui sont placés sur les côtés et pour ce qui concerne la DCA, le schéma à quatre groupements indépendants est repris mais avec une rampe Masurca et deux canons de 100mm.
Les études évoluent et aboutissent au final à un navire de 35000 tW et de 42000 tonnes en charge. L'avant projet est approuvé par le ministre le 30 juillet 1957 mais l'armement doit être revu même si le temps presse car il est estimé à l'époque que la décision ferme de construction doit être prise en juillet 1958 pour permettre à l'Arsenal de Brest de commencer la construction mi-1959.
Reste à obtenir le financement nécessaire. Le budget de la marine pour 1958 est discuté entre décembre 1957 et février 1958. Soucieuse de mettre toutes les chances de son côté, la marine décide de supprimer sa demande pour deux escorteurs rapides de la tranche 1957, faisant du PA-58, le seul bâtiment financé par ce budget.
Malgré ça, le ministre de la défense André Morice refuse d'inscrire le porte-avions dans le budget mais l'envisage dans le cadre d'une loi programme.
Un programme naval à bien été voté en 1957 par anticipation sur l'exercice 1958 pour la marine mais il est finalement supprimé à la mi janvier 1958 et le PA-58 Verdun (
NdA j'ignore si ce nom est officiel ou non) qui aurait donné à la France une force de bombardement atomique embarquée ne verra pas le jour.
En cas de construction du Verdun, il était prévu de désarmer l'Arromanches en 1962 mais au final le vénérable porte-avions le sera en 1974 après près de trente années de bons et loyaux service.
Caractéristiques Techniques du PA-58
Déplacement : 35000 tW, 38450 tonnes lège, 42000 tonnes en charge normale, 45550 tonnes à pleine charge
Dimensions : Longueur (hors tout) 286m (entre perpendiculaires) 262m Largeur : (hors tout) 58m (à la flottaison) 34m Tirant d'eau : 9.50m à pleine charge
Propulsion : Quatre groupes turboréducteurs alimentées par Huit chaudières à mazout développant une puissance totale de 160000ch et entrainant deux hélices
Performances : vitesse maximale 32.5 noeuds distance franchissable : 8000 miles nautiques à 20 noeuds
Protection : caisson blindé protégeant les soutes à munitions, l'appareil propulsif et une partie des soutes à carburant.
Armement : 8 canons de 100mm, deux rampes Masurca et une rampe Malafon
Installations aéronautiques :
-Pont d'envol de 260m de long sur 58m de large et Piste oblique à 8.5° de 190m de long
-Deux catapultes à vapeur de 75m de long
-Quatre brins d'arrêt et deux barrières.
-Deux ascenseurs latéraux de 15m
Groupe aérien : 60 appareils
Equipage : 200 officiers, 790 officiers mariniers et 1900 quartiers maitres et matelotsLe PA-59 Après l'échec du PA58, la marine nationale ne désarme pas et espère toujours pouvoir mettre en ligne en permanence deux porte-avions ce qui nécessite un troisième navire qui aurait l'avantage de remplacer l'Arromanches.
Une fiche du 7 novembre 1958 établit les projets de constructions sur dix ans avec deux plans quinquennaux. Le plan 1959-1964 prévoit ainsi la mise en chantier d'un SNLE, d'un porte-avions type Clemenceau, de trois croiseurs-escorteurs lance-engins (les futurs FLM _Frégates Lance-Missiles_ classe Suffren qui ne seront au final que deux, la troisième étant remplacée par la commande de 42 Crusader), quatre sous marins de chasse, des navires amphibies et des navires auxiliaires, une réponse aux carences relevées lors de l'opération de Suez en 1956 et celle du Liban en 1958. Le plan 1965 à 1969 prévoit deux SNLE, trois croiseurs escorteurs lance-engins, le prototype d'un nouvel escorteur (si possible à propulsion atomique !), des navires amphibies et des auxiliaires.
Cependant dès le 17 décembre 1958, le ministre de la Défense demande une réduction du 1er plan quinquennal et les premières victimes sont deux sous marins de chasse. Si le projet du PA59 s'était concrétisé, la mise sur cale était prévue pour 1962 et une admission au service actif en 1967 mais le projet est enterré en 1961, la mise en place de la Force de Frappe absorbant une grande partie des crédits de la marine.
Sur le plan technique, le PA-59 aurait été un Clémenceau amélioré avec une DCA composée uniquement de missiles notamment des Terrier américains.
Caractéristiques Techniques de classe ClemenceauDéplacement : standard 26942 tonnes pleine charge 32569 tonnes
Dimensions : Longueur (hors tout) 257.50m (entre perpendiculaires) 238m Largeur : 29.30 puis 31.70m tirant d'eau moyen : 7.26m maximum : 10.24m
Propulsion : Deux groupes de turbines à engrenages Parson alimentées par six chaudières développant une puissance maximale standard de 126000ch (145000ch réalisés aux essais) entrainant deux hélices
Performances : vitesse maximale : 32 noeuds (33 noeuds réalisés aux essais), distance franchissable : 7300 miles nautiques à 18 noeuds, 5450 miles nautiques à 24 noeuds et 3270 miles nautiques à 31 noeuds
Protection : caisson blindé de 30 à 50mm, pont d'envol 45mm
Electronique : un radar de veille air DRBV-22C puis DRBV-23, un radar de veille aérienne éloignée DRBV-20C, un duo de veille aérienne et d'altimétrie DRBI-10C, un radar de veille surface et de navigation DRBV-50, radar de navigation DRBN-31 puis DRBN-32 (DRBN-34 pour le Clemenceau), radar d'approche pour l'appontage NRBA-50, quatre radars de conduite de tir DRBC-31C puis 31D et 32. Brouilleurs ARBB-31 puis BSM, deux Sagaie et un bruiteur SLQ-25 Nixie (Foch 1985). Système Syracuse, Immarsat et Fleetsacom
Armement : 8 canons de 100mm en quatre groupements de deux. Le Clemenceau remplaça quatre de ses canons de 100mm par deux lanceurs Crotale Edir alors que le Foch perdit ses quatre dernières tourelles par des lanceurs Sadral. Cinq mitrailleuses de 12.7mm sont embarquées en 1985.
Installations aéronautiques :
-Pont d'envol de 8800 m² (259m de long) avec une piste oblique de 8.4° (165.50m de long sur 20m de large)
-Deux catapultes à vapeur BS5 de 52m (une axiale et une latérale)
-Deux ascenseurs (17m sur 13m pour l'ascenseur axial et 16m sur 11m pour l'ascenseur tribord arrière)
-Hangar de 3100m² (134m de long sur 24m de large et 6.90m de haut)
-Quatre brins d'arrêt
-Une grue fixe de 15 tonnes
Groupe aérien : maximum 40 avions et hélicoptères généralement 34 à 36. Les principaux appareils ayant embarqué sur le Clem' et le Foch sont l'Aquilon, le Crusader, l'Etendard IV (M et P), l'Alizé, le Super Etendard ainsi que différents modèles d'hélicoptères.
Equipage : A l'origine 2239 officiers et marins (groupe aérien inclus). En 1986, l'équipage se compose de 1365 hommes en statut PA1, 1016 hommes en statut PA2. Le Foch en 1999 dispose de 1185 hommes.[/i]