RAVITAILLEURS DE COMBAT (AFS) CLASSE MARS
(ETATS-UNIS)Le USS Mars (AFS-1) AVANT-PROPOSGénéralités sur le soutien logistique à la merLongtemps la logistique à été une question secondaire de la guerre navale (et de la guerre en général). Les premières batailles navales se déroulaient à proximité des côtes, de jour et les seuls besoins logistiques concernaient la nourriture nécessaire pour la chiourme (les rameurs) et les soldats embarqués.
Une trière grecquePlus les batailles navales se déroulaient au large et plus la logistique prenait une place importante, plus le besoin de bases parfaitement outillées devenait indispensable.
En ce qui concerne les ravitailleurs les grandes découvertes voyaient souvent l'envoi d'un ou deux navires «opérationnels» avec un ravitailleur transportant l'eau de boisson, le vin, la nourriture, navire qui était souvent sacrifié surtout quand le manque de marins rendait impossible la manœuvre des navires opérationnels et du ravitailleur.
C'est surtout l'apparition de la machine à vapeur qui fit exploser les besoins en la matière puisqu'il fallait ravitailler en carburant (charbon puis pétrole alors qu'avant c'était le vent ou le muscle qui faisaient avancer le bateau), en nourriture, en munitions, assurer la maintenance mais également le soutien sanitaire.
Pour faire face à ces besoins les marines du XIXème préféraient multiplier les points d'appui ce qui explique en partie la course coloniale lancée par les puissances européennes puis par la jeune mais gourmande puissance américaine.
En Afrique, en Asie mais aussi dans les Caraïbes ou dans le Pacifique des points d'appui sont mis sur pied avec des dépôts de charbon, des dépôts de nourriture et de munitions voir parfois de véritables arsenaux pour assurer la maintenance.
Il y à donc assez peu de navires de soutien en dehors des charbonniers et des pétroliers. Le ravitaillement à la mer se fait d'ailleurs au mouillage et non en mer.
Peu à peu des navires spécialisés sont mis sur pied notamment quand l'utilisation de bases devient impossible.
C'est ainsi que l'Allemagne se dote de ravitailleurs spécialisés pour une future guerre de course et que les croiseurs auxiliaires qu'elle prévoit d'engager sur les océans doivent à la fois couler les navires ennemis mais également ravitailler sous-marins et corsaires de surface.
Le KMS Atlantis un croiseur auxiliaire allemand du second conflit mondialQuand le second conflit mondial éclate, le nombre de navires de soutien spécialisé est plutôt maigre en dehors des pétroliers.
Le ravitailleur d'aviation USS Wright (AV-1)C'est ainsi que l'US Navy n'aligne alors que deux ravitailleurs d'aviation, huit ravitailleurs de destroyers, cinq ravitailleurs de sous-marins, trois navires-ateliers, deux transports de munitions, une vingtaine de pétroliers, un navire-hôpital et deux transports de troupes.
C'est beaucoup mais bien peu quand on connait les contraintes logistiques monstrueuses du théâtre d'opérations Asie-Pacifique. Les japonais n'ont jamais pu disposer d'un train d'escadre digne de ce nom et ont perdu face aux américains qui aidés par une industrie surpuissante à pu disposer de tous les navires de soutien nécessaires.
L'US Navy et la logistique : une machine monstrueuseEn guise d'avant-proposDepuis 1905 et la défaite de la Russie face au Japon la question n'est pas de savoir si il y aura une guerre entre Washington et Tokyo mais quand. Les deux pays deviennent rivaux pour le contrôle de l'immense océan Pacifique.
Ce théâtre d'opérations gigantesque impose des navires très endurants, disposant d'un rayon d'action très important mais même en privilégiant le rayon d'action sur la vitesse, les cuirassés, croiseurs et autres destroyers doivent être ravitaillés en carburant, vivres et munitions, réparés en cas d'avaries, les marins nourris, évacués et soignés..... .
L'US Navy ne peut se permettre de négliger totalement la logistique et sa flotte auxiliaire est conséquente surtout si on la compare à une marine aux responsabilités mondiales comme la Royal Navy.
Cette dernière dispose de nombreuses bases qui compensent (un peu) ce manque mais cette dépendance aura de sérieuses conséquences quand Londres enverra une flotte conséquente (deux cuirassés, quatre porte-avions, des croiseurs et des destroyers) opérer aux côtés des américains dans le Pacifique (British Pacific Fleet BPF) dans une région où les bases britanniques ne sont pas si nombreuses que cela et où le tempo des opérations impose de «durer» à la mer.
Dès la fin des années trente de nouveaux navires de soutien sont construits mais ce ne sera rien par rapport à l'effort considéral réalisé pendant le conflit avec la construction de navires auxiliaires conçus dès l'origine comme tels mais également de l'utilisation de navires marchands adaptés à tous les besoins.
Cette utilisation à été anticipée par la Maritime Commission créée le 29 juin 1936 pour stopper le déclin de la flotte marchande américaine durement touchée par le krach boursier de 1929 et ses conséquences telluriques.
Cet organisme doit favoriser le maintien d'un nombre suffisant de navires réquisitionnables en temps de guerre mais également permettre la modernisation des chantiers pour accélerer la montée en puissance une fois le conflit entamé.
En 1937, la Commission Maritime prévoit la construction de cinquante navires par an pendant dix ans, des navires standardisés pour accélérer la production et faciliter réquisition et utilisation. Le programme initial est doublé une première fois en 1939 (cent navires par an) puis une second fois en août 1940 (200 navires par an répartis entre 19 chantiers).
De ce programme massif sont issus les «Liberty Ship» et «Victory Ship» mais surtout les cargos C2 et C3 et une imposante flotte de pétroliers. Douze pétroliers type T3-S2-A1 sont commandés le 5 janvier 1938 pour des compagnies pétrolieres mais ils vont en réalité être réquisitionnés par l'US Navy formant la classe Cimarron qui au final comptera 35 navires (quatre ultérieurement transformés en porte-avions d'escorte).
le pétrolier USS Cimarron (AO-22)Entre 1939 et 1945, la Commission Maritime à fait construire 4490 coques de cargos ou de paquebots soit 31629422 tonnes de jauge brut dont 2680 «Liberty Ship», 534 «Victory Ship», 60 cargos type Ocean pour les britanniques et 684 pétroliers (T1,T2 et T3). Les cargos type C3 sont construits à 258 exemplaires avec 28 modèles différents mis sur cale entre 1939 et 1951 dans douze chantiers.
Le S.S Lane Victory et ci-dessous le S.S Hat Creek, un pétrolier type T-2La distance n'est pas le seul facteur dimensionant de la logistique américaine dans le Pacifique. Les terres emergées sont rares et les infrastructures inexistantes.
Ce sont de véritables bases navales qui vont devoir se déplacer, l'atoll d'Ulithi devenant une base parfaitement outillée pouvant réaliser les réparations les plus importants et éviter les aller et retour chronophages en direction d'Hawaï ou de la côte ouest.
Le conflit terminé la flotte auxiliaire est certes drastiquement réduite mais de précieuses leçons ont été tirées en vue d'un potentiel nouveau conflit qui ne pourrait être que nucléaire.
Face à cette apocalypse programmée, émerge une théorie baptisée broken back (reins brisés) qui doit permettre aux armées occidentales de continuer la lutte même en ayant perdu l'accès à leurs bases.
Dans ces conditions les besoins en navires auxiliaires sont gigantesques. De nombreux navires spécialisés sont construits, certains étant confiés au Military Sealift Command (MSC), un organisme paramilitaire avec des équipages civils plus des détachements de l'US Navy gérant une flotte de navires de soutien.
Si dans un premier temps les navires du MSC n'étaient que des cargos, paquebots, porte-conteneurs et autres rouliers peu à peu ce commandement à prit à son compte le ravitaillement des navires militaires au point qu'aujourd'hui c'est le MSC qui gère les ravitailleurs rapides et les pétroliers militaires américains.
Suite à la fin de la guerre froide les budgets sont revus à la baisse, il faut faire mieux avec moins ce qui explique pourquoi les ravitailleurs cessent d'être spécialisés pour devenir polyvalents et capables de ravitailler tous les types de navires.
Le USNS Lewis & Clark (T-AKE-1) et ci-dessous le USNS Henry J. Kaiser (T-AO-187)Actuellement l'épine dorsale du MSC est assurée par les quatorze ravitailleurs rapides classe Lewis et Clark associés à quinze pétroliers classe Henry J. Kaiser qui doivent prochainement être remplacés par de nouveaux navires.
Maudit Pacifique !Le vice-amiral William L. CalhounInstallé à Pearl-Habor, le vice-amiral William L. Calhoun est le grand manitou de la logistique, dirigeant le
Service Force Pacific Fleet qui s'assurait que les porte-avions, cuirassés, croiseurs, destroyers,escorteurs, sous-marins et navires amphibies disposent de tout ce dont ils ont besoin pour combattre.
Les besoins comme nous le savons maintenant sont colossaux. Il faut ravitailler les navires en carburant (mazout, gazole, carburant aviation), en munitions, en vivres, en pièces détachées. Il faut également assurer la maintenance mais aussi s'occuper des hommes (évacuation sanitaire, soins hospitaliers).
La flotte auxiliaire américaine déjà importante en septembre 1939 (et qui à augmenté entre l'automne 1939 et décembre 1941) explose littéralement durant le conflit. On trouve quelques navires auxiliaires «militaires» mais surtout énormément de navires marchands adaptés aux besoins du moment.
Bien que le ravitaillement à la mer ait été développé avant guerre, le ravitaillement se fait souvent à flot à l'arrière et non en route sur le front. Le ravitaillement en munitions se fait un temps au mouillage mais en février 1945 ont lieu les premiers ravitaillement en route de munitions et de charges solides. Le système est si bien huilé que la Fast Carrier Task Force (TF38/58) reste treize semaines sur seize à la mer entre le 6 octobre 1944 et le 26 janvier 1945.
La part la plus importante du ravitaillement est naturellement consacrée au carburant ce qui explique la construction de nombreux pétroliers. Entre 1939 et 1946, 525 pétroliers type T2, 63 pétroliers T3 _plus grands que les précédents_ et 113 T1 plus petits que les T2 soit 701 navires plus 95 construits par des armateurs privés soit un total de 796 navires. Sur ces 796 navires, l'US Navy arme pour ses besoins propres 35 pétroliers T3 et 47 pétroliers T2.
La consommation de carburant est importante la 5ème flotte en avril 1945 consomme 26500 mètres cubes de mazout et 1750 mètres cubes d'essence d'aviation par jour !
Une véritable «route du pétrole» traverse le Pacifique. Les pétroliers de l'avant font la navette entre les groupes de combat et Ulithi aux Mariannes (principale base avancée de la marine américaine dans le Pacifique) où 16000 mètres cubes sont stockés en permanence.
Ce stock recomplété par d'autres pétroliers qui effectuent la navette entre Ulithi et les stocks de Saïpan, Guam, Kwajalein et Pearl Harbor (795000 mètres cubes), stocks eux même ravitaillés par des pétroliers depuis les Etats Unis.
On image aisément ce qui se serait passé si les japonais avaient pu et/ou avaient voulu se lancer dans une bataille du Pacifique comparable à celle de l'Atlantique. Il est évident que cela aurait sérieusement ralentit la contre-offensive américaine.
Les navires n'ont pas seulement besoin de carburant, il leur faut également des munitions, des pièces détachées, des vivres ce qui pousse les américains à aménager des cargos pour le ravitaillement à la mer. Des pétroliers sont même aménagés pour le ravitaillement et la distillation de l'eau.
La logistique c'est aussi la réparation des navires ce qui implique la construction de docks flottant dont certains pouvaient caréner un porte-avions de type Midway (même si le USS Midway est arrivé trop tard pour participer au conflit).
Le dock-flottant ABSD-1 Des bases avancées sont construites au fur et à mesure de l'avance, du «saut de puce» à travers le Pacifique : Majuro, Kwajalein, Eniwetok, Manus, Guam (où s'installe le commandement en chef de la flotte du Pacifique, l'amiral Chester Nimitz) Saïpan, Ulithi, Leyte et enfin Okinawa.
En ce qui concerne les groupes aériens, des porte-avions d'escorte officieusement appelés CVET (Carrier Vessel Escort Transport) sont chargés du transport d'appareils et d'équipages pour compléter les effectifs des groupes aériens embarqués.
Lors des ravitaillement à la mer, ces CVET transfèrent les équipages et des appareils neufs et récupèrent les appareils réparables (les britanniques auront le même objectif en construisant l'Unicorn bien vite utilisé comme porte-avions standard puis en transformant le Pioneer et le Perseus, deux porte-avions léger de classe Colossus en navires-ateliers pour l'aviation embarquée).
C'est ainsi qu'en mars 1945 est constitué à Ulithi, le Logistic Support Group 50.8 ou Servron 6 (Service Squadron 6) qui sous le commandement du contre-amiral Donald B. Beary (croiseur Détroit CL-
comprend deux groupes composé de pétroliers, de transports de munitions et de vivres, de remorqueurs et bâtiments d'escorte et deux groupes de porte-avions d'escorte de soutien (CVET). Le LSG 50.8 devient le TG 30.8 le 27 mai 1945.
Génèse de la classe MarsLe second conflit mondial terminé, les Etats-Unis s'empressent de démobiliser pour permettre à l'économie de reprendre son cours «normal».
Les effectifs sous les drapeaux sont considérablement réduits, de nombreux navires sont soit désarmés et démolis (pour les plus anciens), mis en réserve sous cocon (pour les plus récents).
La logistique tire les leçons du second conflit mondial. Désormais le ravitaillement se fait en route pour le carburant mais aussi les charges solides. Ultérieurement, l'arrivée de l'hélicoptère permettra également le ravitaillement à la verticale. La capture du ravitailleur allemands KMS Dithmarschen devenu le USS Conecuh (AO-110) permet aux américains d'affiner les caractéristiques de leurs futurs ravitailleurs.
Le USS Conecuh (AO-110) ex-KMS DithmarschenLa logistique à la mer prend d'autant plus une importance capitale que les risques de voir les bases navales et les ports anéantis par des frappes nucléaires soviétiques sont importants. C'est la théorie des «reins brisés» qui doit permettre aux forces armées occidentales de pouvoir continuer à combattre même sans leurs bases.
De nouveaux bâtiments-bases sont ainsi construits pour créer de véritables bases navales mobiles notamment pour les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins qui imposaient des servitudes logistiques particulièrement importantes.
Holy Loch base avancée des SNLE américains en EcosseGrâce à l'évaluation du ravitailleur allemand, les américains comprennent l'utilité de regrouper sur une même coque un pétrolier et un ravitailleur, donnant naissance au concept de pétrolier-ravitailleur.
Le USS Sacramento (AOE-1)Quatre Fast Combat Support Ship (AOE) de classe Sacramento sont ainsi construits de 1963 à 1970 suivis des sept Wichita, plus petits construits entre 1968 à 1976 avant que quatre nouveaux AOE de classe Supply soient construits à la fin des années quatre-vingt et dans les années quatre-vingt dix.
Le USS Wichita (AOR-1) et ci-dessous le USS Supply (AOE-6)En dépit de cette construction de navires polyvalents des ravitailleurs spécialisés comme les ravitailleurs de munitions sont construits (classe Suribachi, classe Kilauea) mais aussi des ravitailleurs de combat.
C'est l'acte de naissance de la classe Mars, des navires classés AFS, des navires qui peuvent transporter du carburant mais qui surtout se spécialisent dans le transport de vivres et de rechanges notamment pour l'aviation.
Sept navires vont ainsi être construits, navires ultérieurement complétés par trois ravitailleurs ex-britanniques de classe Lyness (NdA qui ne seront naturellement pas étudiés dans cet article).
Ces navires appartenaient à la Royal Fleet Auxiliary (RFA) ce qui à entraîné une erreur dans l'Encyclopédie des Armes Editions Atlas qui cite P1067 T.5 «
L'US Navy ne devrai acquérir aucun autre bâtiment de type AFS avant les années quatre-vingt dix, car elle à devancé ses besoins en achetant à l'Allemagne fédérale trois unités de classe Ness.»
Ces navires combinent sur une même coque un bâtiment-dépôt (AF), un transport de matériel (AKS) et un transport de pièces détachées pour l'Aviation (AVS).
Ils intègrent comme les Kilauea une plate-forme et un hangar à hélicoptères pour assurer le ravitaillement vertical (VERTREP pour VERTical REPlenisment), un système de manutention particulièrement automatisé et l'installation des premiers équipements informatiques pour favoriser la gestion des stocks.
Le USS Mars (AFS-1) à la merA SUIVRE