Un rappel: 27 mai 1905;bataille de Tsoushima

Le cuirassé russe Borodino; les quatre cuirassés de cette classe constituaient la force principale de la flotte russe.

En août 1904 les japonais entament le siège de Port Arthur, le gouvernement russe décide alors d'envoyer la flotte de la Baltique, dont les quatre cuirassés récents de la classe Borodino pour tenter de rompre le siège; la flotte commandée par l'amiral Rojesvensky forte de 45 navires au total appareille à l’automne 1904.
S'en suit un long périple de 8 mois, autant de l'Afrique, la flotte russe est obligée en effet de passer par le Cap de Bonne Espérance les anglais alliés des japonais ayant fermés le canal de Suez.La flotte russe doit avec difficulté se ravitailler en charbon; les navires qui ne peuvent caréner ont les coques salies par les algues et les coquillages ce qui ralenti l'allure.
En janvier 1905 Port Arthur capitule, la flotte russe décide donc de rejoindre Vladivostok en passant par le détroit de Tsoushima entre la Corée et le Japon.

La flotte japonaise sous les ordres de l'amiral Togo appareille pour intercepter la flotte russe. En début d’après midi le 27 mai 1905, les deux flottes sont en contact visuel, l'amiral Togo vire en contremarche pour barrer la route à la flotte russe, cette manœuvre audacieuse puisqu'il présente un moment le flanc aux russes, est payante, en effet les japonais sont plus rapides que les russes dont les coques sales ralentissent la vitesse, ils ouvrent le feu; leur tir est plus précis que celui des russes, l'artillerie secondaire à tir rapide japonaise fait des ravages dans la flotte russe, par deux fois Togo barre le T aux russes, ce qui a pour effet de désorganiser leur flotte, qui devient ainsi la proie des torpilleurs japonais qui prennent le relais à la nuit tombante, et coulent ou achèvent plusieurs cuirassés russes. L'amiral Rojesvensky blessé sur le cuirassé Souvorof est remplacé par l'amiral Nebogatof qui se rend aux japonais.
Sur la flotte russe de la Baltique; 26 navires ont été coulés; six pris par les japonais; six autres se réfugièrent dans les ports neutres, seuls trois navires parvinrent à rejoindre la flotte du Pacifique à Vladivostok; les japonais n'ont perdus que trois torpilleurs; leur victoire à Tsoushima est totale.
Les russes n'ont des lors d'autre choix que de signer le traité de paix de Portsmouth le 5 septembre 1905.


Pla de la bataille de Tsoushima.


La tactique de l'amiral Togo a été payante; les japonais ont été plus réactifs, plus compétents, en outre ils étaient prés de leur base, ils ont eu de bout en bout la maîtrise de la situation, alors que les russes, arrivant au combat avec des équipages fatigués avec des navires à la coque sale ont subi cette situation; Rojesvensky a commis des erreurs; en outre les munitions japonaises étaient de meilleure qualité, les équipages plus expérimentés.

La bataille de Tsoushima mit en évidence aussi l'efficacité plus grande d'une artillerie de gros calibre homogène plutôt que les batteries de différents calibres, la Grande Bretagne qui a étudié de très prés le déroulement de la bataille en tira des enseignements, et accéléra la mise sur cale secrète des le mois d'octobre 1905 du cuirassé Dreadnought, qui surclassa immédiatement tous les cuirassés existant de par le monde, et fit date dans la construction navale.

Alain

Pour le jour anniversaire de la bataille de Tsoushima quelques photos.


Les cuirassés japonais


Les cuirassés russes


Apparemment un cuirassé russe que je n'ai pu identifier, si quelqu'un à une idée de son nom; il s'agit semble-t-il d'une photo contrairement aux deux précédents, qui semblent être des tableaux assez idéalisés, je ne pense pas que les navires aient navigués au cours de la bataille aussi bien alignés!

Bonjour,
Excellente initiative!
Notre camarade Dima 11 devrait pouvoir identifier plus précisément le dernier cliché du cuirassé en difficulté, mais, après avoir, moi-aussi, un peu fouiller dans ma doc, j'ai la nette impression qu'il s'agit, là, d'une allégorie peinte, façon réaliste, car il y a des "détails" qui ne collent pas avec une classe précise. Cà ressemblerait assez au Tsessarevicht, mais, par exemple, la position des écubiers par rapport au franc-bord ne colle pas.

Niala a écrit:

il s'agit semble-t-il d'une photo contrairement aux deux précédents, qui semblent être des tableaux assez idéalisés, je ne pense pas que les navires aient navigué au cours de la bataille aussi bien alignés!

Ben, si, car les évolutions en ligne des cuirassés, y compris au combat, étaient la règle. Çà donnait lieu à des exercices incessants et monotones, répétés à l'envie dans toutes les marines de l'époque, qui avaient tendance à "miner" les jeunes officiers de marine qui rêvaient de naviguer à bord de bâtiments "hors ligne", qui, eux, n'étaient pas astreints à ce type de formation.

Au combat,  la formation en ligne des "navires de ligne" (d'où leur nom) était strictement respectée. Si un bâtiment dans la ligne était contraint de ralentir ou s’arrêter après avoir été touché (ou tout autre motif), son suivant avait ordre de manœuvrer pour se remettre à la file!  

A dater de la mise en service de la vapeur, la distance réglementaire entre deux bâtiments était, selon la vitesse, de l'ordre d'une à deux encablures (l'encablure valant, à la louche, 200 m), pour éviter les collisions, la capacité de "freinage" sur son erre (en gros, l'équivalent de la longueur) n'étant pas la qualité première des cuirassés et des croiseurs-cuirassés, qui, endivisionnés, étaient, eux-aussi, sensés évoluer en ligne. Çà sera, par exemple, leur cas à Dogger Bank en 1915 et au Jutland, en 1916.

NIALA a écrit:

La bataille de Tsoushima mit en évidence aussi l'efficacité plus grande d'une artillerie de gros calibre homogène plutôt que les batteries de différents calibres, la Grande Bretagne qui a étudié de très prés le déroulement de la bataille en tira des enseignements, et accéléra la mise sur cale secrète des le mois d'octobre 1905 du cuirassé Dreadnought, qui surclassa immédiatement tous les cuirassés existant de par le monde, et fit date dans la construction navale.

En fait, à l'époque où le conflit russo-japonais s'était déclenché, la flotte nippone s’apprêtait à inaugurer le concept du "All Big Guns", sur des unités en construction; mais l'embargo international avait, alors, frappé la livraison des pièces de gros calibre, notamment celles que la firme Vickers était sensée leur fournir et les japonais avaient été contraints d'en revenir à compléter leurs bâtiments, avec ce qu'il avait sous la main.

Au passage, les Américains, de leur côté,  à la même époque, avaient, déjà, eux-aussi, planifié la construction de "All Big Guns", mais, comme chez les nippons, il s'agissait de bâtiments à machine alternative.

La supposée révolution "Dreadnought" des britanniques ne repose, de fait, que sur deux éléments, la vitesse intentionnelle de la construction du susdit et sa machinerie à turbines, mais les Allemands,  à quelques mois près, ne leur avaient pas lâché les mollets.  

Il n'y a que deux marines qui, à l'époque, s'étaient ramassées, la russe, bien évidemment, qui essayait, alors, de panser ses plaies, et la française, mais cette dernière sans pour autant louper la transition machinerie alternative/turbines. En parallèle, en France, nous avions des difficultés métallurgiques et sidérurgiques pour réaliser des pièces de gros calibres (supérieurs à 30 cm), entre autres parce que le minerai de fer national était d'une teneur assez tristounette, ce qui compliquait d'autant la production d'acier, avec un outil industriel qui n'était pas, non plus, adapté.

"En parallèle, en France, nous avions des difficultés métallurgiques et sidérurgiques pour réaliser des pièces de gros calibres (supérieurs à 30 cm), entre autres parce que le minerai de fer national était d'une teneur assez tristounette, ce qui compliquait d'autant la production d'acier, avec un outil industriel qui n'était pas, non plus, adapté".
Ne pas oublier qu'en France c'est l'époque néfaste de la "Jeune école" anti cuirassé par principe remplacé par une ribambelle de petits torpilleurs inutilisables et d'inventions plus loufoques les une que les autres: navire canon; croiseur porte torpilleurs etc... qui ont par la faute de joyeux drilles comme le ministre  Camille Pelletan; l'amiral Aube ou le journaliste Gabriel Charmes qui ont fait perdre 20 ans a notre marine alors que les autres progressaient.

NIALA a écrit:

Ne pas oublier qu'en France c'est l'époque néfaste de la "Jeune école" anti cuirassé par principe remplacé par une ribambelle de petits torpilleurs inutilisables et d'inventions plus loufoques les une que les autres: navire canon; croiseur porte torpilleurs etc... qui ont par la faute de joyeux drilles comme le ministre  Camille Pelletan; l'amiral Aube ou le journaliste Gabriel Charmes qui ont fait perdre 20 ans a notre marine alors que les autres progressaient.

Entièrement d'accord avec ton résumé de la situation navale politique existante et les excès d'interprétation des "préceptes" de la Jeune École. Mais Aube avait rapidement décédé après son ministère et ses "thuriféraires" avaient largement dépassé sa pensée et ses intentions initiales.

Quant à Camille Pelletant, il s'agissait d'une incompétence ministérielle crasse et patente, dans le cadre du portefeuille de la Marine. Républicain aux idées affirmées très à gauche - j'aurais ma petite idée pour le classer de nos jours!  -,  il avait passé l'essentiel de son temps à chercher à éliminer, au sein de la Marine, les officiers "cathos" et, au passage, souvent issus de l'ancienne noblesse, qui constituaient, alors, le gros du corps des officiers de marine.

Il ne faut jamais oublier que, durant ses deux ministère, juin 1902 - janvier 1905, on était alors, en pleine  bourre politique, pour créer la laïcité républicaine, où il avait pris une part active non négligeable, qui avait débouché sur le vote, en décembre 1905, de la loi de Séparation de l’Église et de l’État.  Accessoirement, sa gestion du Ministère et des mises en chantier avaient été totalement déplorable. Il véhiculait une vieille idée "républicaine", à l'origine très incertaine, mais, très probablement, issue des pires moment du Comité de Salut de Salut, qui, lui-même, avait mis à mal la construction de vaisseaux de ligne. Les cuirassés, étant leurs successeurs modernes, constituaient le symbole de la réussite des maitres de forge et, aussi, des repères  supposés d'officiers de marine réactionnaires. .

Dans ce contexte politique très compliqué, ces successeurs, notamment, Thomson (1905-1908), puis Picard (1908-1909) avaient, au moins, eu le mérite de sauver une partie des meubles. Sauf que le temps nécessaire de construction d'un cuirassé, à la louche 4-5 ans, n'avait pas permis à la Marine Nationale de rattraper son retard avant août 1914.

NIALA a écrit:

Pour le jour anniversaire de la bataille de Tsoushima quelques photos.

Apparemment un cuirassé russe que je n'ai pu identifier, si quelqu'un à une idée de son nom; il s'agit semble-t-il d'une photo contrairement aux deux précédents, qui semblent être des tableaux assez idéalisés, je ne pense pas que les navires aient navigués au cours de la bataille aussi bien alignés!

Selon ce site et sauf erreur je comprends que c’est l’Asahi , l’avant enfourné qui tire sur le Borodino

http://tsushima.su/RU/raznoeru/poddelki-ru/

"Бородино" накрывает залпом "Асахи"
"Borodino" reprend avec une volée "Asahi"


https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f3/Japanese_battleship_Asahi.jpg

Bravo ARMEN56, cela colle tout a fait avec l'Asahi, qui a perdu une cheminée dans la bagarre; merci pour votre identification.

NIALA a écrit:

Bravo ARMEN56, cela colle tout a fait avec l'Asahi, qui a perdu une cheminée dans la bagarre; merci pour votre identification.

Vu le contexte des pertes russes c’était trompeur …ceci dit le design des ancres et écubiers ainsi le macaron en haut d’étrave inclinaient vers du Nippon.

Restait l’unique et déconcertante cheminée …me suis dit qu’elle pouvait être masquée par les panaches , ne savait pas qu’il s’était fait dégommer une dans la confrontation.

Sais pourquoi il enfourne comme çà , à laisser penser qu’il a les tranches avant envahies , qu’il sombre….ou alors il est en giration d’esquive en se prenant la houle ?

Effectivement vu les pertes russes à Tsushima j'ai pensé à un navire russe en perdition, mais je ne voyais pas lequel et pour cause, je ne me souvenais pas que l'Asahi avait été aussi endommagé, là il parait très mal en point, en tout cas il a survécu et a été réparé, il a fini sa carrière comme navire atelier.

ARMEN56 a écrit:

Selon ce site et sauf erreur je comprends que c’est l’Asahi , l’avant enfourné qui tire sur le Borodino

http://tsushima.su/RU/raznoeru/poddelki-ru/

"Бородино" накрывает залпом "Асахи"
"Borodino" reprend avec une volée "Asahi"


https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/f3/Japanese_battleship_Asahi.jpg

Jolie, l'identification! Comme Niala, j'étais resté bloqué sur un bâtiment russe.

Ce cliché "Alamy" (Asahi-1900), pris sur l'autre bord, en confirme l'exactitude...