SOUS-MARIN USS NAUTILUS (SSN-571)
(ETATS-UNIS)Le USS Nautilus à la mer INTRODUCTION Du torpilleur submersible au sous-marin électriqueL'homme n'a jamais manqué d'idées pour s'entretuer et après avoir appris à combattre sur la mer, il pensa pouvoir combattre sous la surface de la mer. C'est ainsi que le 19ème siècle vit l'apparition du sous-marin qui allait révolutionner l'approche du combat naval même si les débuts furent laborieux car si la première attaque d'un sous marin contre un navire de surface se révéla fructueuse (17 février 1864, l'aviso nordiste Housatonic fût coulé par le Hunley) ce fût après deux tentatives qui échouèrent faute d'un sous-marin suffisamment au point (problème de stabilité).
Le CSS HunleyCe fût d'ailleurs le problème du sous-marin jusqu'au 19ème siècle, les capacités techniques n'étaient pas à la hauteur des potentialités tactiques. Les premiers sous marins étaient ainsi propulsés à la vapeur en surface, la stabilité était imparfaite tout comme l'équipement de détection et l'armement.
Le sous-marin véritablement opérationnel est donc né avec le vingtième siècle. A deux reprises, il faillit faire basculer le cours de la guerre, à chaque fois les U-Boot faillirent asphyxier la Grande Bretagne et faire gagner la guerre à l'Allemagne.
Cependant le véritable sous-marin n'était pas encore né. En effet, les premiers sous-marins étaient plus des torpilleurs pouvant plonger que de véritables submersibles.
Preuve en est que la vitesse en surface était plus importante que la vitesse plongée à la fois pour des raisons techniques (puissances diesels plus importante que celle des moteurs électriques, hydrodynamisme défaillant) mais aussi tactiques, les différentes amirautés rêvant de sous marin pouvant suivre l'escadre ce qui expliquait dans les années, une vitesse de surface de vingt à vingt-cinq nœuds qui d'ailleurs ne sera jamais atteinte sauf par deux sous marins.
Maquette de la classe KLa première est la classe K britannique qui se révéla être une telle plaie qu'ils furent rebaptisés «Kalamity», leur propulsion à la vapeur les rendant vulnérable aux voies d'eau et interdisant les plongées d'urgence (5 minutes entre l'arrêt des chaudières et la submersion, le record étant de 3 minutes 25) et la classe KD6 japonaise (23.5 nœuds en surface mais seulement 8.25 en plongée).
Le sous-marin type XXI Wilhem Bauer préservé comme muséeIl faut donc attendre la seconde guerre mondiale pour que le sous marin devienne vraiment submersible. Les type XXI allemands marquèrent une véritable rupture dans ce domaine. Les allemands acculés par les alliés, ayant compris qu'un sous marin en surface ne sert à rien supprimèrent tous le superflu : l'artillerie lourde disparu et la coque souvent disgracieuse avaient perdu toutes les aspérités qui gênaient l'hydrodynamisme et faisaient perde de précieux nœuds en plongée.
C'est ainsi que pour la première fois, un sous marin était plus rapide en plongée (17.2 nœuds) qu'en surface (15.75 nœuds). Fort heureusement pour les alliés, seulement deux sous marins étaient réellement opérationnel.
Il est bien entendu difficile de vouloir faire l'histoire mais si ce sous marin avait été prêt plutôt, l'Allemagne aurait perdu la guerre mais les pertes alliées auraient été bien plus élevées et la guerre peut être prolongée de plusieurs mois.
Le USS TangCe modèle marqua les différentes marines occidentales et soviétiques qui s'en inspirèrent pour leurs nouveaux submersibles : les américains récupérèrent ainsi deux type XXI qui donnèrent naissance au programme Guppy (
Greater Underwater Propulsive Power/Augmentation de la puissance propulsive en immersion) avant de mettre au point la classe Tang, les anglais s'en inspirèrent pour la classe Porpoise et la classe Oberon, les français pour la classe Narval et enfin les soviétiques pour les classe Zulu ( 26 exemplaires) et Whiskey (215 exemplaires).
Un sous-marin de type Whiskey préservé à Saint PetersbourgLes progrès issus des type XXI avaient certes fait progresser la guerre sous marine mais il restait toujours un problème : le sous marin devait revenir en surface (ou à proximité avec le schnorchel) pour recharger ses batteries ce qui rendait le submersible vulnérable. De même la vitesse restait plafonnée à 20-25 nœuds alors que les navires de surface pouvaient allégrement dépasser les 30 nœuds et même avec des torpilles, cinq de nœuds d'écart c'est une différence énorme.
Les marines du monde étaient donc à la recherche du sous marin autonome, l'arme absolue qui pouvait faire basculer la guerre.
Le rêve du sous marin autonome Ce rêve était ancien puisque dès les années trente les premiers essais de propulsion anaérobie furent réalisés en France et surtout en Allemagne puisqu'en 1934, le professeur Helmut Walter mis au point la turbine qui porta son nom, turbine qui utilisait comme comburant le peroxyde d'hydrogène (eau oxygénée).
Le peroxyde d'hydrogène concentré à 90% (appelé perhydrol par les allemands) produisait de l'oxygène et de l'eau en passant par un catalyseur; l'oxygène mélangé à du gazole brûlait dans une chambre à combustion, produisant de la vapeur qui alimentait une turbine . Entre 1940 et 1943, l'Allemagne construisit ainsi dix bâtiments type XVII, l'un d'eux, le U794 pouvant filer à 25 nœuds.
Ces bâtiments de 310 tonnes furent tous sabordés en 1945 mais deux d'entre eux furent relevés et testés par la marine britannique et la marine américaine. Un XXVIIB fût relevé par la marine britannique et rebaptisé HMS Météorite.
Les essais débouchèrent sur un projet de construction de six navires mais l'économie britannique encore convalescente ne pouvait supporter un tel effort et seulement deux navires non armés furent construits :les HMS Explorer et Excalibur mais les essais furent si décevants que la construction d'autres sous marins d'autant qu'à l'époque la propulsion nucléaire était bien plus prometteuse.
Le U-1406 relevé par les américainsLes américains arrivèrent également à la même conclusion. Ils récupèrent un type XVII à Cuxhaven, le U1406 est relevé et testé jusqu'en 1948. Cela débouche côté américain sur le sous marin de poche X1 mais il est évident dès cette époque que c'est une voie sans issue. L'avenir est décidément au nucléaire.
Le sous-marin X1A noter que les soviétiques ont aussi étudié ce mode de propulsion que ce soit une version améliorée du projet 611 Zulu (projet 611 bis) avec une turbine Walter de 6500ch sur la ligne d'arbre centrale avec une vitesse prévue de 22 nœuds(projet abandonné dès 1950); le projet 615 QQuébecdont 30 exemplaires furent construits mais qui se rrévélèrentplus dangereux pour leurs équipages que pour un hypothétique adversaire avec de nombreuses fuites d'oxygène; le projet 617 Whale (un exemplaire construit) qui se révéla aussi raté que le précédent (vibrations excessives, bruit qui empêchait la mise en oœuvre du sonar).
Sous-marin type 615 "Québec"A cela s'ajoute des projets abandonnés sur la planche à dessin comme le projet 617M/647 (plus grande endurance et meilleurs moyens de détection), le projet 635/643 (1660 tonnes 22 nœuds 8 tubes lance-torpilles puis 1866 tonnes), le projet 621 (sous marin de transport avec 745 hommes) le projet 612 abandonné au profit du projet 615, le projet 618 lui aussi abandonné au profit du projet 615, le projet 630 version plus lourde du projet 615 et le projet 623 de sous marins mouilleurs de mines.
Et le sous-marin devint nucléaire............Les Etats Unis sont les pionniers dans ce domaine puisque dès 1939, le professeur Ross Gunn soumet à l'US Navy un projet de sous marin nucléaire. Il faut cependant attendre 1946 pour que le projet ne démarre réellement avec la mise en place à Oak Ridge d'une équipe de cinq officiers dirigée de fait par le capitaine de vaisseau Hyman Rickover.
"The Father of Nuclear Navy", l'amiral Herman G. RickoverJusque là le programme nucléaire américain était géré par le projet Manhattan mais cette organisation était une organisation du temps de guerre. A la fin de 1946 est créée l'Atomic Energy Commission (AEC) qui est une organisation militaire et une organisation civile qui reprend le projet le Manhattan et son Naval Group est repris par l'AEC le 1er janvier 1947.
Le 7 juin 1947, l'amiral Nimitz, Chef des Opérations Navales approuve un plan de développement du nucléaire naval militaire pour des sous-marins à propulsion nucléaire et des sous-marins lance-missiles. Il va s'en dire que bientôt les premiers et les seconds ne feront qu'un.
Début 1949, Rickover décide de développer un réacteur à eau pressurisée (PWR Pressurised Water Reactor). Le développement à lieu à l'Argonne National Laboratory près de Chicago avec l'Oak Ridge National Laboratory dans le Tennessee.
Le prototype baptisé STR (Submarine Thermal Reactor) Mk1 est construit par Westinghouse et diverge en mars 1953, son quasi-jumeau, le MkII est installé à bord du Nautilus, le premier sous marin à propulsion nucléaire de l'histoire.
Le premier sous-marin à propulsion nucléaire répond au projet SCB64. Le design de la coque est comme pour tous les sous-marins de l'époque est une copie du type XXI allemand.
Il sera mis sur cale deux mois après celle de l'Albacore, un sous-marin qui développait une coque en forme de goutte d'eau, une forme de coque devenue standard pour les sous-marins conventionnels comme les sous-marins nucléaires.
L'autorisation de construction est accordée par le Congrès le 15 juillet 1951 et donc financé au budget 1952. Le 12 décembre 1951, ce pionnier est baptisé Nautilus en référence au sous-marin du capitaine Némo du roman «20000 lieues sous les mers», succédant à trois autres navires ayant déjà porté ce nom au sein de l'US Navy.