Celui-ci fut mon premier essai "sérieux" avec le papier; mais avant d'en venir au modèle lui-meme, un petit peu d'histoire...
Le
Leone Pancaldo était un des douze scouts du type "Navigatori", classe qui est en quelque sorte liée à la France en ce qu'elle fut conçue en réponse aux Ct (contre-torpilleurs) type "Chacal", dont les qualités de vitesse et d'armement impressionnèrent l'état-majeur de la Regia Marina. Suite aux classes
Turbine et
Sauro, qui étaient des Ct traditionnels sans trop de surprises, on conçut donc une nouvelle classe de gros Ct à opposer aux "fauves" français, devant etre plus rapides et mieux armés que ces derniers.
Le projet fut préparé par le général Giuseppe Rota; les nouveaux navires, classés explorateurs pour signaler leur supériorité par rapport aux "communs mortels" des classes précédentes, s'éloignaient de la lignée des Ct italiens non seulement par leurs dimensions, mais aussi par des solutions empruntées aux croiseurs, comme la séparation des chaufferies AV et AR, et la prédisposition pour l'embarquement d'un hydravion. Le projet originaire, assez peu réaliste à vrai dire, prévoyait une passerelle sur trois étages, un hangar pour un hydravion, une catapulte sur la plage AV et un système de stabilisation par gyroscope. Seule la passerelle sur trois étages fut réellement construite, perdant aussitot son étage intermediaire pour une question de stabilité.
La puissance installée, quoique supérieure à celle des autres Ct italiens de l'époque, n'était pas si démésurée: 55000 chevaux, générés par quatre chaudières et deux turbines Belluzzo qui agissaient sur des hélices de 3.40 m. Pour atteindre des vitesses dans l'ordre des 40 noeuds, on comptait surtout sur les formes très fines de la coque.
Cette finesse excéssive des formes fut un défaut commun à tous les navires italiens de la deuxième moitié des années 20; ils le partageaient avec les quatre croiseurs du type "Condottieri" et les huit Ct type "Dardo", par exemple. Mais, si le
Dardo chavira dans le port de Palerme tandis qu'on le remorquait au chantier et le
Giovanni delle Bande Nere risqua de faire naufrage dans la bourrasque qui suivit la deuxième bataille de la Sirte, il faut dire que les Navigatori n'encoururent jamais des vrais problèmes de ce genre.
L'armement principal consistait de six canons de 120 mm / 50 calibres, modèle Ansaldo 1926, en trois affûts bitube. Ce canon aussi a une histoire longue et tourmentée. Spécifiquement conçu pour armer les nouvelles classes de Ct, il empruntait le tube au canon de 120/50 modèle 1909 et, meme si on voulait en faire un complexe très léger, il réussit trop lourd pour la manoeuvre à la main: on dut par conséquent installer des moteurs éléctriques pour le pointage et le poids du complexe augmenta encore. La vitesse initiale des obus, qui était à l'origine de 950 m/s, dut aussi etre réduite à cause de la dispersion excessive constatée aux essais de tir. La portée théorique atteignait les 22000 m et la cadence de tir était de 6 coups par minute. Si cet affût n'était pas une merveille technologique, du moins il était très robuste et fiable et un bon directeur du tir pouvait bien s'en servir, ce qui fut démontré par le
Da Recco qui eut l'occasion de descendre d'une seule volée trois Swordfish.
L'armement torpilleur était sacrifié aux exigences de poids, ne comprenant que six tubes en deux installations triples, l'agencement standard pour les Ct italiens. Rien n'était à l'origine prévu pour la lutte ASM et la DCA ne comptait que deux canons Vickers-Terni de 40/39 et quatre mitrailleuses Breda '31 de 13.2 mm.
Les douze navires portaient des noms d'explorateurs italiens de la Rénaissance (sauf Vespucci et Colombo qui furent mis à coté pour les deux vaisseaux qui allaient etre mis sur cale dans peu de temps); Leone Pancaldo, né à Savone en 1488, participa à la circumnavigation du monde de Magellan, rédigeant un des deux journaux officiels de l'expédition (l'autre étant rédigé par Antonio Pigafetta) et servant ensuite de capitaine pour le navire amiral. La dévise de ce navire était un vers d'un poème de D'Annunzio: "D'aquila penne, ugne di leonessa", ce qui signifierait au peu près "Plumes d'aigle et griffes de lion".
Sa construction fut confiée aux Cantieri Navali del Tirreno de Riva Trigoso; il fut le deuxième de sa classe à etre livré à la Marine, entrant en service en Novembre 1929. Moins d'une année après, en Septembre 1930, il rentra à l'arsenal pour la modification de sa passerelle; en Décembre, il suivit son régroupement dans l'Atlantique, à l'occasion de la première croisière transatlantique des hydravions d'Italo Balbo. Entre 1936 et 1938, il fut mobilisé pour la Guerre Civile. En 1938, il fut declassé à contre-torpilleur. En 1939, le voilà à nouveau aux chantiers, ceux du Muggiano à La Spezia cette fois, pour le deuxième grand cycle de travaux. L'abaissement de la passerelle avait déjà amelioré la stabilité de ces navires, ce qui avait été prouvé par la croisière en Atlantique, mais on croyait pouvoir faire mieux avec une intervention plus radicale qui comportait l'élargissement de la coque d'un mètre et l'ajout d'une nouvelle étrave du type dit "atlantique"; la modification fit augmenter la stabilité, la tenue à la mer et l'autonomie en dépit de la vitesse qui descendit à 28 noeuds: par conséquent, ces navires seraient destinés prioritairement à l'escorte des convois, n'ayant plus la vitesse nécessaire pour accompagner la Flotte. Seuls le
Nicoloso Da Recco et le
Antoniotto Usodimare ne furent pas modifiés.
Le
Leone Pancaldo sortit du chantier en Janvier 1940; sa guerre ne fut pas des plus chanceuses: il fut le batiment de sa classe qui navigua le moins, ayant été deux fois coulé.
Meme si les Navigatori avaient été destinés, comme on l'a dit, à l'escorte des convois, lors de la Bataille de Punta Stilo du 9 Juillet la XIV Squadriglia Ct, dont le
Leone Pancaldo faisait partie, fut adjointe à l'escadre de l'Amiral Campioni. Suivant son chef de section, le
Ugolino Vivaldi, il partit meme pour une attaque à la torpille mais les cuirassés anglais étaient encore hors de portée lorsqu'ils furent rappelés. Les deux Ct rentrèrent donc à Augusta pour le ravitaillement; le soir du 10, le
Leone Pancaldo était mouillé dans la rade, derrière un filet pare-torpilles. Trois Swordfish du porte-avions
Eagle apparurent avec leur feux de navigation allumés, visant à se faire prendre pour des avions italiens: la ruse réussit, deux des Swordfish visèrent le Ct immobile et lancèrent leur torpilles profitant d'un coin ouvert de l'enceinte des filets; la première frola l'arrière du navire et se perdit, mais la deuxième toucha la coque sur la droite, à la hauteur de la passerelle, avec un angle d'impact de 150° (tandis que le troisième Swordfish torpilla le sémaphore de Torre Avalos qu'il avait pris pour un pétrolier...). A 21h 39, 14 minutes après le torpillage, le navire se posait sur le fond, emportant 16 hommes de son équipage avec lui.
Comme il gisait à 29 m de profondeur, mais rélativement intègre et sans bande, on en envisagea de suite le renflouement, qui fut accompli en un an au juste: le 26 Juillet 1941, le
Leone Pancaldo revenait à la surface; il faut noter que, mélés aux scaphandriers du Génie maritime, il y avait aussi des plongeurs de la Decima MAS qui profitaient de ces travaux (auxquels, bien entendu, ne participaient pas) pour garder sous secret leurs entrainements.
Le 27 Octobre, le Ct était pret pour etre rémorqué à Genes. Là, aux chantiers Ansaldo, il fit l'objets des véritables travaux de réparation, qui s'étendaient aussi aux modifications que l'emploi des Navigatori dans la guerre des convois avait rendu nécéssaires; le navire qui en sortit disposait de 9 canons de 20/66 modèle Breda '35, deux canons de 37/54 dans une plateforme mise à la place des tubes AR, deux grénadeurs, quatre mortiers ASM du type Krupp et des prédispositions pour l'embarquement d'un sonar et d'un radar; il avait aussi une nouvelle livrée "disruptive" et la cheminée AR abaissé pour elargir le secteur utile des canons de 20 mm.
Après une dernière visite à l'arsenal de La Spezia pour embarquer le sonar, un SAFAR de production italienne, et le radar, un Ec3/Ter "Gufo", il réprit le service le 12 Décembre 1942. Mais l'entrainement du nouveau équipage le tint loin du canal de Sicile jusqu'en Mars 1943.
A cette époque, meme son équipement à la pointe de ce qui était disponible ne pouvait pas lui garantir une longue vie dans les eaux du canal: après avoir accompli quelque mission de transport de troupes en Tunisie, il fut coulé par des P 40 de l'USAAF le 30 Avril à 11 h 30, à deux milles seulement de Cap Bon. Cette fois, 156 hommes perdirent leur vie; les survivants furent 124; dans la meme occasion, le Ct allemand ZG-3
Hermes et l'italien
Lampo furent également coulés.
(la description du modèle, ce post étant déjà un peu long, à suivre
)