SOUS MARINS NUCLEAIRES D'ATTAQUE CLASSE CHURCHILL
(GRANDE-BRETAGNE)Le HMS Churchill AVANT PROPOS Comme puissance navale de première ordre, la Grande Bretagne à joué un rôle majeur dans le dévellopement de l'arme révolutionnaire qu'était le sous marin. Pour la première fois un navire était capable de se dissimuler à l'oeil humain en plongeant dans les profondeurs océaniques. Le 4 février 1901, le lancement du HMS Submarine Torpedo Boat n°1 marqua l'entrée de la Royal Navy dans l'air du submersible (La France y était entrée quelques mois plutôt avec le lancement du Narval).
Cette histoire d'amour tourna rapidement à l'aigre avec le premier conflit mondial. Pendant quatre ans, les submersibles de la Kaiserliche Marine montrèrent leurs capacités en infligeant de cuisants camouflets comme le 22 septembre 1914 où le vieux submersible U9 coula en quelques minutes les croiseurs-cuirassés Aboukir, Hogue et Cressy sans oublier la lutte conre le trafic commercial qui faillit provoquer l'asphyxie de la Grande Bretagne.
On comprend mieux pourquoi les anglais cherchèrent à interdire le sous marin durant les conférences de désarmement de l'entre-deux guerre, considérant probablement qu'il ne s'agissait pas d'une arme de gentleman. Il fallut une alliance de circonstance entre les Etats Unis, la France et le Japon pour faire capoter la demande britannique qui continua d'utiliser les sous marins avec succès surtout en Méditerranée pour empêcher le ravitaillement des unités de l'Axe en Afrique du Nord ou pour déposer des agents dans le sud-est asiatique (les tentatives de destruction des U-Boot à la sortie des ports français furent peu concluants) sans parler de la tentative des sous marins de poche pour couler le cuirassé allemand Tirpitz.
Le HMS Tally Ho, sous marin classe T En 1950, la flotte sous marine britannique se composait de 16 sous marins de classe A, 25 sous marins de classe T, 22 sous marins de classe S et 4 sous marins de poche classe XE. La flotte sous marine britannique avait perdu 74 sous marins durant le premier conflit mondial, avait coulé 35 submersibles ennemis et 9 commandants avait reçu la prestigieuse Victoria Cross.
Sortant épuisée de la guerre, la Grande Bretagne ne pouvait pas se lancer dans la construction d'une vaste flotte sous-marine. Elle devait donc se contenter le plus souvent de moderniser les sous marins en service avant guerre ou mis en service durant le second conflit mondial, modernisation liée aux progrès effectués par les allemands et dont les alliés qu'ils soient occidentaux ou soviétiques commençaient à avoir un aperçu.
Depuis l'apparition des premiers sous-marins y compris les plus rudimentaires comme ceux de la guerre de Sécession dans la seconde moitié du 19ème siècle, les marins ont pensé ou ont rêvé au sous marin autonome, un sous marin qui n'aurait pas besoin de revenir à la surface pour recharger ces batteries.
Ce rêve était ancien puisque dès les années trente les premiers essais de propulsion anaérobie furent réalisés en France et surtout en Allemagne puisqu'en 1934, le professeur Helmut Walter mis au point la turbine qui porta son nom, turbine qui utilisait comme comburant le peroxyde d'hydrogène (eau oxygènée). Le péroxyde d'hydrogène concentré à 90% (appelé perhydrol par les allemands) produisait de l'oxygène et de l'eau en passant par un catalyseur; l'oxygène mélangé à du gazole brûlait dans une chambre à combustion, produisant de la vapeur qui alimentait une turbine . Entre 1940 et 1943, l'Allemagne construisit ainsi dix bâtiments type XVII, l'un d'eux, le U794 pouvant filer à 25 noeuds.
Ces bâtiments de 310 tonnes furent tous sabordés en 1945 mais deux d'entre eux furent relevés et testés par la marine britannique et la marine américaine. Un XXVIIB fût relevé par la marine britannique et rebaptisé HMS Météorite. Les essais débouchèrent sur un projet de construction de six navires mais l'économie britannique encore convalescente ne pouvait supporter un tel effort et seulement deux navires non armés furent construits :les HMS Explorer et Excalibur mais les essais furent si décevants que la construction d'autres sous marins fût abandonnée d'autant qu'à l'époque la propulsion nucléaire était bien plus prometteuse.
Le HMS Meteorite et le HMS Explorer Caractéristiques Techniques des Excalibur et Explorer
Déplacement : surface 1100 tonnes en plongée 1200 tonnes Dimensions : longueur 78.7m largeur 4.8m tirant d'eau 3.25m Propulsion : propulsion diesel-électrique avec un diesel Paxman pour la propulsion en surface, un moteur électrique et une turbine Walter, le tout entrainant une hélice
Vitesse maximale : 6.5 noeuds en surface 26.5 noeuds en plongée Armement : aucun. Les américains arrivèrent également à la même conclusion. Ils récupèrent un type XVII à Cuxhaven, le U1406 est relevé et testé jusqu'en 1948. Cela débouche côté américain sur le sous marin de poche X1 mais il est évident dès cette époque que c'est une voie sans issue. L'avenir est décidement au nucléaire.
A noter que les soviétiques ont aussi étudié ce mode de propulsion que ce soit une version améliorée du projet 611 Zulu (projet 611 bis) avec une turbine Walter de 6500ch sur la ligne d'arbre centrale avec une vitesse prévue de 22 noeuds (projet abandonné dès 1950); le projet 615 Quebec dont 30 exemplaires furent construits mais qui se révèlèrent plus dangereux pour leurs équipages que pour un hypothétique adversaire avec de nombreuses fuites d'oxygène; le projet 617 Whale (un exemplaire construit) qui se révéla aussi raté que le précédent (vibrations excessives, bruit qui empêchait la mise en oeuvre du sonar).
LA GRANDE BRETAGNE ET LE SOUS MARIN NUCLEAIRE Comme chacun le sait, les Etats Unis sont les pionniers dans ce domaine puisque dès 1939, le professeur Ross Gunn soumet à l'US Navy un projet de sous marin nucléaire. Il faut cependant attendre 1946 pour que le projet ne démarre réellement avec la mise en place à Oak Ridge d'une équipe de cinq officiers dirigée de fait par le capitaine de vaisseau Hyman Rickover.
Début 1949, Rickover décide de dévelloper un réacteur à eau préssurisée (PWR Pressurised Water Reactor). Le prototype baptisé STR (Submarine Thermal Reactor) Mk1 est construit par Westinghouse et diverge en mars 1953, son quasi-jumeau, le MkII est installé à bord du Nautilus, le premier sous marin à propulsion nucléaire de l'histoire.
Le Nautilus (projet SCB64) financé au budget 1952 est mis sur cale aux chantiers Electric Boat de Groton dans le Connecticut le 14 juin 1952 lancé en janvier 1954 et admis au service actif le 30 septembre 1954. La première sortie à la mer à lieu le 17 janvier 1955 et envoie le message «Underway on nuclear power» (en mer avec l'énergie nucléaire).
Le USS Seawolf Une alternative est proposé par General Electric avec un réacteur dont le refroidissement est assuré par du sodium liquide. Baptisé SIR (Submarine Intermediate Reactor) Mark A, il diverge au printemps 1955, un second exemplaire baptisé Mark B étant installé à bord du Seawolf. Ce projet se révéla décevant et le Seawolf terminera sa carrière avec un réacteur à eau préssurisé.
Ces deux sous marins pouvaient mener des missions de combat mais il était évident que leur rôle principal était l'expérimentation et la mise en place de «canons» techniques pour les futurs SSN (Strike Submarine Nuclear).
Le Nautilus et le Seawolf sont ainsi suivis des Skate, Swordfish, Sargo et Sea Dragon mis en service entre 1957 et 1959 et qui resteront en service jusqu'au début des années quatre-vingt.
Les premiers sous marins nucléaires vraiment opérationnels sont cependant les Skipjack qui vont combiner la coque en goutte de l'Albacore et la propulsion nucléaire, donnant naisance à un design jamais remis en cause par les américains.
La Grande Bretagne à compris l'intérêt du sous marin nucléaire et travaille sur ce nouveau mode de propulsion depuis 1946 mais les recherches sont suspendues en octobre 1952, le pays étant incapable de financer un tel projet. Pour éviter d'être distancé, les américains demandent un réacteur
L'amiral Arleigh Burke, CNO est favorable mais l'amiral Rickover, le père des sous marins nucléaires est contre tout transfert de la technologie pour préserver le monopole américain sur la propulsion nucléaire.
Rickover maintien son véto jusqu'en 1956 mais lord Mountbatten fait jouer de son entregent pour obtenir le système de propulsion américain le plus perfectionné à savoir celui des Skipjack qui sont propulsés par un réacteur S5W alors que le père des sous marins nucléaires américains était prêt à autoriser le transfert d'un réacteur de première génération de type S3W qui équipait la classe Skate.. Cet échange est validé par le traité anglo-américain de 1958 (US-UK Mutual Defence Agreement).
Les britanniques avaient obtenu le réacteur et pour la coque, ils avaient choisit un design entièrement national même si les ingénieurs britanniques prirent langue avec Electric Boat Corporation de Groton dans le Connecticut pour obtenir des informations sur les tracés de coque les plus adaptés ce qui explique la relative ressemblance du premier Strike Submarine Nuclear (SSN) britannique avec les les navires de la classe Skipjack.
Le HMS Dreadnought -Le HMS Dreadnought (S101) est mis sur cale aux chantiers navals de la Vickers Shipbuilding Engineering Ltd installés à Barrow-in-Furness (Cumbria) le 12 juin 1959, lancé le 21 octobre 1960 et admis au service actif le 17 avril 1963. Le premier sous marin nucléaire d'Europe Occidentale connait une carrière assez courte puisqu'il est désarmé en 1982 et attend depuis son démentelement, la partie nucléaire ayant été débarquée et stockée à terre.
Caractéristiques Techniques du HMS Dreadnought
Déplacement : en surface 3556 tonnes en plongée 4064 tonnes
Dimensions : longueur : 81m largeur : 9.5m tirant d'eau (surface) 7.9m
Propulsion : un réacteur nucléaire Westinghouse S5W alimentant en vapeur deux turbines à engrenages dévellopant une puissance totale de 15000ch et entrainant une hélice.
Performances : vitesse maximale en surface 20 noeuds vitesse maximale en plongée 28 noeuds
Electronique: un radar de navigation type 1006, un sonar type 2001, un sonar type 2007 et un intercepteur type 167
Armement : 6 tubes lance-torpilles de 533mm concentrés à la proue pour des torpilles (24 ou 30 selon les sources) Mk8 et Mk24. Des mines peuvent aussi être embarquées.
Equipage : 113 officiers et marins En dépit de la «Specialrelationship», les britanniques ne veulent pas devenir de simples supplétifs des Etats Unis. Aussi après le Dreadnought est décidé le lancement d'études pour des sous marins britanniques concçus et construits en Grande Bretagne.
Pressés par le temps, ils se contentent d'améliorer le tracé de la coque et les sous-ensembles du Dreadnought pour obtenir les deux SNA de classe Valiant qui comme leur ainé reçurent des noms portés dans le passé par des cuirassés, le Valiant et le Warspite commandés respectivement le 31 août 1960 et le 12 décembre 1962.
Les modifications sont cependant limitées. Il y à bien des améliorations du tracé de coque pour améliorer la signature acoustique, la principale modification est une coque un peu plus large car le réacteur PWR-1 de conception britannique était plus large que le S5W américain.
Le HMS Valiant -Le HMS Valiant est mis sur cale aux chantiers navals de la Vickers Shipbuilding and Engineering Ltd installés à Barrow in Furness (Cumbria) le 21 janvier 1962 lancé le 3 décembre 1963 et admis au service actif le 18 juillet 1966. Il est désarmé le 12 août 1994 et privé de son réacteur attend depuis lors son démantelement
Le HMS Warspite -Le HMS Warspite est mis sur cale aux chantiers navals de la Vickers Shipbuilding and Engineering Ltd de Barrow-in-Furness (Cumbria) le 10 décembre 1963 lancé le 25 septembre 1965 et admis au service actif le 18 avril 1967. Désarmé en 1991, le sous marin à été privé de son réacteur nucléaire et de tout matériel contaminé et attend depuis cette date à Devonport que son avenir soit scellé, probablement une démolition.
Caracteristiques Techniques de la classe Valiant
Déplacement : 4500 tonnes en surface 5000 tonnes en plongée
Dimensions : Longueur 87m Largeur 10.13m Tirant d'eau : 8.2m
Propulsion : un réacteur nucléaire à eau pressurisé Rolls-Royce PWR-1, deux turbines à vapeur, le tout entrainant une hélice. Un diesel générateur Paxman
Vitesse maximale : 20 noeuds en surface 29 noeuds en plongée
Electronique : un radar de navigation type 1006, un sonar type 2001, un sonar type 2007 et un intercepteur type 167
Armement : 6 tubes lance-torpilles de 533mm concentrés à l'avant pouvant tirer un total de 32 torpilles MkVIII ou Tigerfish ou 64 mines. Ultérieurement et à la suite de plusieurs refontes, les Valiant embarquaient 26 torpilles, 6 missiles antinavires UGM-84B Harpoon ou encore des mines Stonefish et Sea Urchin.
Equipage : 103 officiers et marins Après la construction des deux Valiant, la Royal Navy poursuit le dévellopement de sa flotte nucléaire. N'ayant pas le temps de dévelloper une nouvelle classe de submersible, elle se contente de reprendre le design des Valiant mais tirant les leçons de l'utilisation des deux premiers SSN (Strike Submarine Nuclear) 100% britanniques, elle modifie l'aménagement intérieur des trois sous marins de classe Churchill connus également sous le nom de Improved Valiant. Le Churchill est commandé le 21 octobre 1965, le Conqueror le 9 août 1966 et le Courageous connu dans un premier temps sous le nom de Superb le 1er mars 1967.