Les erreurs de conception révélées au
combat :Tout a été dit et écrit quant à la faiblesse de la
protection des croiseurs de bataille britanniques contre les projectiles de
gros calibre. Leur protection était considérée comme insuffisante et mal
répartie. Par exemple sur le Hood le poids du blindage représentait certes 33,5
% du déplacement contre 31% au Barham. Mais le concept du «tout ou rien» ne
sera jamais repris par les britanniques alors qu’il sera généralisé dans le
monde après guerre. Ainsi pour un poids de blindage assez considérable, les
soutes à munitions, la propulsion et l’armement principal seront néanmoins
relativement moins protégés sur le Hood que sur les productions étrangères
ultérieures. Il en allait de même pour ses prédécesseurs. Sur les navires
britanniques la répartition du blindage était très homogène sans une véritable
concentration sur les zones sensibles.
Navire | longueur | poids blindage vertical | poids blindage horizontal | déplacement en charge |
Inflexible | 172.8 | 2020 t. | 1200 t. | 20.078 t. |
Princess Royal | 213.4 | 3900 t. | 2300 t. | 29.680 t. |
Tiger | 214.6 | 4750 t. | 2300 t. | 35.710 t. |
Repulse | 242 | 2440 t. | 3300 t. | 30.835 t. |
Hood | 262.1 | 6750 t. | 7500 t. | 45.200 t. |
Seydlitz | 200.5 | 5200 t. | 2400 t. | 28.100 t. |
On voit bien que le Seydlitz pour une longueur relativement ramassée disposait d'un poids de blindage supérieur au Tiger et au
Repulse pourtant beaucoup plus longs. La proportion du poids de blindage par
rapport au déplacement total était de 16% pour l'Invincible, 20% pour le Lion,
19% pour le Tiger, seulement 18% pour le Repulse mais 27% pour le Seydlitz.
L’intégration des croiseurs de bataille à la flotte de ligne et l'action contre leurs homologues allemands révélèrent des
erreurs de conception et les dangers d'un emploi tactique aux côtés des
cuirassés.
En fait les croiseurs de bataille britanniques
souffraient de deux tares importantes jamais vraiment solutionnées. Les
engagements du Dogger Bank et surtout du Jutland mirent ces défauts en lumière
aux yeux d'une opinion publique longtemps maintenue dans le mythe de
l'invicibilité de ces navires.
Des dégagements de fumée très importants qui génaient considérablement la conduite du navire.Outre l'espaces qu'elles requéraient, les 31
chaudières des Invincible (39 sur le Tiger, 42 pour les Lion) associées à la
chauffe mixte charbon/mazout entraînaient des dégagements de fumée
considérables. Ainsi sur le Lion les postes de combats sur les passerelles du
mât tripode étaient tout simplement intenables à grande vitesse du fait que la
cheminée avant qui évacuait la chaleur de pas moins de 14 chaudières (contre 6
sur le cuirassé Orion) se trouvait quasiment à l'aplomb de ces passerelles. La
chaleur irradiée rendait les postes de combat sur la passerelle de conduite de
tir insupportables. Les dégagements de fumée rendaient le positionnement au
vent de l'ennemi particulièrement défavorable.
Une protection qui s'est révélée insuffisante contre les obus de gros calibre à trajectoire semi-tendue ou plongeante.La principale carence de ces navires fut de ne
leur procurer qu’une protection contre les obus d’un calibre inférieur ou égal
à 280 mm. Leurs vastes coques étaient totalement vulnérables aux obus de 305 mm
et il s’est avéré dès l’engagement du Dogger Bank que de nombreuses zones
pouvaient être percées par les obus de 11 pouces y compris d’ailleurs certaines
parties de la cuirasse verticale. Ainsi par exemple durant le Jutland au début
de l'engagement des croiseurs de bataille vers 16h53 un obus de 280 mm (11 pouces) perfora la barbette de 230 mm de la tourelle X du Tiger avant de finir sans éclater entre les deux pièces mettant la tourelle hors de combat.
Durant le même combat du Jutland l’Inflexible, la Queen Mary, l’Indomitable et le Lion furent atteints par des obus de 280 et de
305 mm qui dans chaque cas percèrent le
toit des tourelles d’artillerie principale ou le blindage horizontal au dessus
des soutes à munitions. Les distances d'engagement furent comprises entre 13
000 et quasiment 20 000 mètres. Ainsi la salve fatale à la Queen Mary fut tirée
entre 13 500 et 13 200 mètres. Le Von derTann coula l'Indefatigable à une
distance de 16 200 mètres. Dans le cas des impacts sur les toits de tourelles
(Lion, Invincible et Queen Mary) le flash des impacts se communiqua rapidement aux charges de cordite stockées en tourelles et dans les fûts entraînant des incendies quasi instantanés et incontrôlables qui se communiquèrent aux soutes à munitions.
Seule l’action désepérée d’un membre d’équipage
empêcha le Lion de subir le sort de ses trois «confrères».
Dans tout les cas l’absence de portes anti-souffle dans les voies d’acheminement des charges de cordite dans les fûts de tourelles
et la faible épaisseur du blindage au dessus des magasins à poudre expliquent
la disparition de ces navires dans des explosions catastrophiques. Il en sera
d'ailleurs un peu de même pour le Hood en mai 1941.
Il est frappant de constater que les croiseurs de bataille allemands ne souffrirent pas des même maux malgrè le déluge d'obus qui s'abattirent sur eux. Artillerie principale hors de combat (Von der Tann, Derfflinger -reçu 26 coups au but-, Seydlitz -23 coups au but-), entrées d’eau massives (Lützow -24 coups au but- , Derfflinger, Seydlitz), mais jamais d’explosion catastrophique entraînant une réaction en chaîne incontrôlable.
Ainsi par exemple à 17h20 (durant le Jutland) le Von der Tann fût touché par un obus de 343 mm (vraisemblablement de la Queen Mary) qui traversa la barbette de la tourelle avant. L'explosion qui en suivit ne dégénèra pas en réaction incontrôlable, les effets incendiaires
secondaires se révélant très faibles.
Les enseignements du Jutland:La qualité de l'opposition allemande souligna la vulnérabilité des croiseurs de bataille britanniques.
En moyenne l'artillerie principale anglaise mit au but 2,17% des obus tirés contre 3,33% à l'artillerie principale allemande. Pour les croiseurs de bataille par exemple on a les résultats suivants au Jutland
Le New Zealand tira 420 coups de 305 et en mit seulement 4 au but.
Le Tiger tira 303 coups de 343 et en mit seulement 3 au but.
L’Indomitable tira 176 coups de 305 et en mit 5 au but.
Le Dogger Bank et le Jutland furent les premiers et uniques combats qui virent s’opposer des croiseurs de bataile voir des croiseurs de bataille contre des cuirassés. La résistance des croiseurs de bataille allemands fut expliquée par deux éléments majeurs. La piètre qualité des obus britanniques et surtout la solidité et la cohérence de leur
construction qui leur permit de supporter des dommages de combat considérables –le Seydlitz rentra dans la Jade avec 5329 tonnes d’eau à bord, le Derfflinger avec 3350 tonnes. Le seul à succomber, le Lützow fut sabordé, étant devenu incapable de suivre la Flotte de Haute Mer dans son replis.
Les navires allemands avaient une efficacité de
tir d’artillerie principale supérieure (meilleure optique Zeiss, équipes de tir
très entraînées) malgrè le fait que la conduite de tir anglaise Watkins
associée aux télémètres Barr fut considérée comme supérieure.
Les rajouts de blindage horizontal opérés sur les survivants anglais du Jutland entre 1916 et 1918 ne devaient néanmoins pas
permettre un retour en grâce de ces navires auprès de l’Amirauté.
Les classes 1906 /1908 /1912/1914 furent ferraillées en application du traîté de Washington.
Les Glorious, Courageous (leurs tourelles se retrouvèrent sur le Vanguard en 1944) et Furious furent transformés en
portes-avions.
On ne conserva que les deux Repulse et le Hood,
les plus rapides, équipés de 381 mm. Deux furent coulés en 1941 on peut estimer
que le survivant le Renown eut de la chance au long de sa longue carrière...