En grossissant intentionnellement le trait, à l'amiral Aube, nous devons les petits torpilleurs "numérotés", contraints de rester à quai, quand le mer était de "mauvaise humeur", tandis que les Brits doivent à Fisher, le Dreadnought.
Cela dit, la "Jeune École" avait, aussi, caricaturé à l'excès les intentions premières de l'Amiral Aube.
La IIIème République avait, certes, hérité de Napoléon III de cassettes bien garnies, mais la Guerre de 1870 et les "indemnités de guerre" que la France avait été contrainte de payer à son vainqueur avaient, néanmoins, coûté bonbon. En plus, après la fessée militaire et la "cata" de la mobilisation de l'été 1870, il avait été décidé de mettre sur pied, à l'horizon des trois prochaines décennies, une armée terrestre "immédiatement disponible" de 800 000 hommes (engagés, appelés sous les drapeaux, réservistes, hors mobilisation générale), objectif qui avait été atteint dans la première décennie du XXème siècle, l'armée impériale allemande alignant, alors, un effectif sensiblement comparable; sauf que nos ressources nationales n'étant pas "extensibles à l'infini", leurs répartitions avaient, alors, avantagé le Ministère de la Guerre, au détriment du budget attribué au Ministère de la Marine. Par comparaison, en 1900, l'armée de terre de Sa Royale Majesté ne comptait que 75 000 hommes, l'armée française, près de dix fois plus; à çà, il convient de rajouter l'indispensable parc de bourrins, d'armes, etc.
Du côté de la Marine Nationale, il y a, également, d'autres paramètres à prendre en compte. Par exemple, les chaufferies à charbon de nos bâtiments fonctionnaient, essentiellement, au "charbon de Cardiff", acheté, bien évidemment, aux Brits, la production de houille de qualité "marine" par les mines du Nord de la France étant notoirement insuffisante pour satisfaire aux besoins.
Même motif, même punition, à propos de notre minerai de fer national, car la "minette" de Lorraine avait une très faible teneur (+/- 35%), comparée à celle des minerais allemands et anglais. Nous avions, certes, des "maitres de forges" très compétents et réputés mondialement, mais le coût du produit final était nécessairement beaucoup plus élevé. Cà, explique, en partie, pourquoi, la marine française était entrée en guerre, en 1914, avec, à bord de ses cuirassés les plus récents, une artillerie principale constituée, essentiellement, de pièces de 30 cm, alors que les Brits alignaient, déjà, des canons de 35 et 38 cm. L'industrie militaire française savait faire, mais, en temps de paix - période essentielle pour la construction des navires de ligne -, çà coûtait la "peau des fesses" au ministère concerné.
La France avait bien eu droit, elle-aussi, à sa propre "révolution industrielle", au cours du XIXème siècle, mais, à son entrée en guerre, en 1914, 55 % de sa population, sur près de 40 millions d'habitants, était rurale et s'adonnait, pour l'essentiel, à l'agriculture (sur de petites parcelles!), alors que, au même moment, en Allemagne (68 millions) et en Grande-Bretagne (46 millions), la "paysannerie" n'en constituait, déjà, plus guère que 20%.
Loin de moi l'idée de vouloir en tirer une conclusion, totalement hors sujet, sur la situation actuelle de la paysannerie française, au sein de l'Union Européenne, mais, d'une certaine manière, elle paye, malheureusement, de nos jours, de par sa particularité historique nationale, très lourdement le tribut de l'industrialisation intensive de l'agriculture