La longue route vers le sous-marin autonomeType XXI/Type XXIII : trop peu trop tard ?Le sous-marin U-977 (type VII)En septembre 1939 la Kriegsmarine dispose de seulement cinquante sept sous-marins, un chiffre bien insuffisant pour mener à bien la guerre totale au trafic commercial allié, le plan Z prévoyant pas moins de 250 sous-marins à construire.
Très rapidement l'Allemagne abandonne la construction de grandes unités de surface au profit des sous-marins. Hélas pour eux si par périodes les U-Boot coulaient davantage de navires que les alliés pouvaient construire, très vite le chasseur est devenu chassé.
Le U-107 (type IX)Dans cette guerre totale la puissance industrielle alliée va faire la différence en construisant un nombre croissant de navires de charge mais aussi d'escorteurs et de porte-avions d'escorte. A cela s'ajoute des progrès techniques et surtout une supériorité aérienne empêchant les sous-marins allemands de pouvoir naviguer sereinement en surface.
Prenant en compte la nouvelle supériorité aérienne alliée, la Kriegsmarine décide de privilégier le combat sous la surface. Il faut donc améliorer les performances du «sous-marin» sous la surface.
Après l'échec de la turbine à peroxyde d'hydrogène Walter et le sous-marin type XVII, les allemands choisissent une solution techniquement moins avancée mais plus facile à produire à savoir le sous-marin électrique.
Les batteries sont embarquées en bien plus grand nombre, sont plus puissantes, les moteurs diesels peuvent fonctionner sous la surface des flots grâce à une invention néerlandaise le snorchel, l'hydrodynamisme est soigné, le canon de pont abandonné, les capteurs améliorés.
Ces sous-marins doivent être fabriqués en grand nombre pour reprendre la main dans la bataille de l'Atlantique.
Pour accélérer la construction la préfabrication est utilisée, les tronçons prééquipés étant produits à l'intérieur du pays, amenés par voie ferrée dans des chantiers de la mer du Nord et de la mer Baltique pour être assemblés, testés, les équipages entrainés avant d'être engagés au combat.
Le Rolland Morillot (ex-U-2518) est le seul sous-marin type XXI récupéré par la France via la Grande-Bretagne280 type XXIII version côtière du type XXI océanique sont commandés mais seulement 95 ont été mises en chantier, 62 mises en service mais ce nombre ne doit pas faire illusion car mise en service ne veut pas dire opérationnel. Seulement six type XXIII partiront en opérations, effectuant neuf patrouilles pour quatre navires coulés.
Schéma du type XXIIIC'est pire encore pour le type XXI, l'Elektroboot. Du 27 juin 1944 au 20 avril 1945, 118 type XXI sont mis en service mais 84 doivent se saborder pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi. Aucun sous-marin de ce type ne va couler un navire ennemi, le U-2511 interrompant prématurément sa patrouille de combat.
Heureusement pour les alliés ces sous-marins vont arriver trop tard pour changer le cours de la guerre.
Quand ils sont mis en service la Kriegsmarine manque d'hommes, les sous-mariniers expérimentés ont pour la plupart disparu. Il est probable que si les type XXI et les type XXIII avaient été mis en service plutôt ils n'auraient fait que retarder l'inéluctable à savoir la défaite de l'Allemagne nazie.
Après la capitulation allemande, les type XXI et XXIII sont récupérés par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'URSS, intensivement testés y compris par la France qui récupéra deux unités via les britanniques, les alliés excluant Paris du partage.
Après ces tests les occidentaux et les soviétiques vont moderniser leurs sous-marins disponibles et construire de nouveaux sous-marins inspirés des derniers U-Boot donnant naissance aux Narval français, aux Porpoise britanniques, aux Tang américains ou aux Whiskey soviétiques.
Le Narval à la mer. Les premiers sous-marins de l'après guerre doivent beaucoup au couple type XXI/XXIII mais il serait abusif d'en faire de simples copies de U-BootGuppy !Le USS Catfish (SS-339) est un Balao ayant bénéficié du programme Guppy. Il sera ensuite transféré à la marine argentine avant d'être détruit lors de la guerre des MalouinesEn septembre 1945 la flotte sous-marine américaine est imposante, victorieuse mais en voie de déclassement. Les type XXI et XXIII ont mis un sacré coup de vieux aux Fleet Submarine.
Après avoir évalué deux type XXI (U-2513 et U-3008), la marine américaine lance un vaste programme de modernisation baptisé GUPPY ou Greater Underwater Propulsive Power (plus grande puissance propulsive sous l'eau) destiné à améliorer les capacités des Gato, des Balao et des Tench sous la surface de l'eau où les sous-marins doivent désormais opérer.
Dans le cadre de Guppy I, deux sous-marins de classe Tench reçoivent un massif hydrodynamique, une batterie de 126 éléments et quatre moteurs principaux. L'embarquement du snorchel est repoussé, quelques essais supplémentaires se révélant nécessaires. En 1947 au cours d'essais ces deux navires atteignent 18.2 nœuds soit le double de la vitesse en plongée d'origine !
Dans le cadre de Guppy IA, dix sous-marins de classe Balao et un des Tench «Guppy I» sont concernés par cette modernisation (1951-53). Ils sont suivis par deux unités de type Guppy IB transférées à l'Italie et deux autres aux Pays-Bas (1953-55). Le programme Guppy IIA concerne seize navires avec deux batteries de 126 éléments, trois moteurs et un schnorchel (1952-1954).
Dans le cadre du programme Guppy III, six Balao sont transformés entre 1959 et 1962, cinq étant allongés en 4.6m et le sixième (Tiru) est allongé de 3.8m avec trois diesels. En 1962/63, trois classes Tench sont modifiés en Guppy III avec un massif élévé et hydrodynamique, quatre batteries de 126 éléments.
D'autres Fleet Submarine vont être adaptés à des missions particulières comme la chasse aux sous-marins ennemis, l'alerte radar avancée, le transport voir le lancement de missiles Regulus.
D'autres seront transférés à des pays étrangers après une modernisation plus ou moins poussée pour permettre aux marines concernées de renouveler leur force sous-marine à un prix imbattable.
Soixante-huit sous-marins sont cédés par les américains entre 1948 et 1974 avec vingt et un pour la Turquie, onze au Brésil, sept à l'Italie, cinq à l'Espagne et à la Grèce, quatre à l'Argentine, trois au Vénézuela, deux au Canada, à Taiwan, aux Pays-Bas, au Chili, au Pérou et enfin une seule unité au Japon et au Pakistan.
Les Tang les derniers classiques de la marine américaine Le USS Tang (SS-563)La modernisation Guppy n'est qu'un pis aller et rapidement la construction de navires neufs est nécessaire. C'est ainsi que le budget 1947 finance les deux premièrs sous marins classe Tang suivis de deux autres en 1948 et des deux derniers en 1949, bien loin des 80 réclamés un temps par les marins américains, nombre réduit ensuite à dix-sept puis à six après l'apparition du Nautilus.
-Le USS Tang (SS-563) est mis en service le 25 octobre 1951, désarmé le 8 février 1980 après l'abandon du transfert à l'empire d'Iran, la révolution islamique de 1979 annulant le transfert de trois sous-marins de classe Tang. Transféré à la Turquie le 6 août 1987 où il sert sous le nom de TCG Pirireis (S-343) jusqu'en août 2004 date de son désarmement, le navire étant préservé comme musée à Izmir.
-Le USS Trigger (SS-564) mis en service le 31 mars 1952 est désarmé par la marine américaine le 10 février 1973, transféré à l'Italie où il sert sous le nom de Livio Piomarta (S-515) jusqu'à son désarmement le 28 février 1986 puis sa vente à la démolition.
-Le USS Wahoo (SS-565) mis en service le 30 mai 1952. Tout comme le Tang il aurait du être transféré à l'Iran sous le nom de Nahang. Ce projet tombe à l'eau à cause de la révolution islamique et le sous-marin est finalement désarmé le 27 juin 1980 et démoli quatre ans plus tard en novembre 1984.
-Le USS Trout (SS-566) mis en service le 27 juin 1952 sert dans la marine américaine jusqu'au 19 décembre 1978.
Il aurait du devenir le Kousseh de la marine impériale iranienne mais la révolution islamique fait capoter ce projet. Resté à Philadelphie jusqu'en 1992, le sous-marin est transformé en navire télécommandé pour des exercices et des tests ASM. Il à été démoli en mai 2008 après l'échec d'un projet de conservation comme musée.
-Le USS Gudgeon (SS-567) est mis en service le 21 novembre 1952 servant dans la marine américaine jusqu'au 30 septembre 1983.
Loué à la Turquie où il devient le TCG Hizirreis (S-342), le sous-marin est acheté en 1987, servant jusqu'en 2004 date à laquelle il est désarmé. Il est depuis préservé comme musée.
-Le USS Harder (SS-568) est mis en service le 19 août 1952, servant dans la marine américaine jusqu'au 31 janvier 1973.
Il vendu à la marine italienne qui le remet en service le 18 août 1974 sous le nom de Romeo Romei (S-516), le désarmant en 1988 avant de l'envoyer à la démolition.
Caractéristiques Techniques de la classe Tang
Déplacement : en surface 1560 tonnes (début de carrière) 2050 tonnes (fin de carrière)
en plongée 2260 tonnes (début de carrière) 2700 tonnes (fin de carrière)
Dimensions : longueur : 82m (début de carrière) 87 à 92m (fin de carrière) largeur 8.2m tirant d'eau 5.2m
Propulsion : quatre moteurs diesels General Motors GM 16-338 Pancake puis trois moteurs Fairbanks 38D8-1/8 et des moteurs électriques Westinghouse développant 5600ch entraînant deux hélices
Vitesse maximale : 15.5 noeuds en surface 18.3 noeuds en plongée
Distance Franchissable : 10000 miles nautiques à 10 noeuds avec snorchel 7600 miles nautiques à 15 noeuds en surface
Endurance : une heure à 17.5 noeuds sur batterie
Immersion maximale : 210m
Electronique : (données Fdc 2004 sur les Tang turcs) Radar BPS 12; Sonar BQR2B; BQS4;
BQG4 (PUFFS) détecteur WLR-1 Direction de lancement de torpilles Mk106 mod18
Armement : 8 tubes lance-torpilles de 533mm (six avant et deux arrière) pour 21 torpilles Mark 37.
La torpille Mark 37 pèse 649kg avec une charge militaire de 150kg. Elle peut toucher une cible à 21 noeuds et 9140m à 26 nœuds. Les sous marins turcs en fin de carrière utilisaient la Mark 48Le rêve du sous-marin autonome Relevage d'un sous-marin type XVIICe rêve était ancien puisque dès les années trente les premiers essais de propulsion anaérobie furent réalisés en France et surtout en Allemagne puisqu'en 1934, le professeur Helmut Walter mis au point la turbine qui porta son nom, turbine qui utilisait comme comburant le peroxyde d'hydrogène (eau oxygènée).
Le péroxyde d'hydrogène concentré à 90% (appelé perhydrol par les allemands) produisait de l'oxygène et de l'eau en passant par un catalyseur; l'oxygène mélangé à du gazole brûlait dans une chambre à combustion, produisant de la vapeur qui alimentait une turbine. Entre 1940 et 1943, l'Allemagne construisit ainsi dix bâtiments type XVII, l'un d'eux, le U794 pouvant filer à 25 noeuds.
Ces bâtiments de 310 tonnes furent tous sabordés en 1945 mais deux d'entre eux furent relevés et testés par la marine britannique et la marine américaine. Un XXVIIB fût relevé par la marine britannique et rebaptisé HMS Météorite.
Les essais débouchèrent sur un projet de construction de six navires mais l'économie britannique encore convalescente ne pouvait supporter un tel effort et seulement deux navires non armés furent construits :les HMS Explorer et Excalibur mais les essais furent si décevants que la construction d'autres sous marins fût abandonnée d'autant plus facilement qu'à l'époque la propulsion nucléaire était bien plus prometteuse.
Les américains arrivèrent également à la même conclusion. Ils récupèrent un type XVII à Cuxhaven, le U1406 est relevé et testé jusqu'en 1948. Cela débouche côté américain sur le sous marin de poche X1 mais il est évident dès cette époque que c'est une voie sans issue. L'avenir est décidement au nucléaire.
Seuls les soviétiques vont construire des sous-marins de ce type mais avec les mêmes problèmes que les alliés et la même conclusion : la propulsion nucléaire était la seule façon de permettre à un sous-marin d'opérer en totale autonomie sous la surface des flots.
L'US Navy et les sous marins à propulsion nucléaire : Nautilus et Seawolf pour compenserLes Etats Unis sont les pionniers dans ce domaine puisque dès 1939, le professeur Ross Gunn soumet à l'US Navy un projet de sous marin nucléaire. Il faut cependant attendre 1946 pour que le projet ne démarre réellement avec la mise en place à Oak Ridge d'une équipe de cinq officiers dirigée de fait par le capitaine de vaisseau Hyman Rickover.
Officier à la très forte personnalité il est le père de la flotte sous-marine nucléaire américaine, imposant des règles de fonctionnement qui ont jusqu'ici évité à l'US Navy de connaître des accidents graves comme en URSS.
Début 1949, Rickover décide de dévelloper un réacteur à eau préssurisée (PWR Pressurised Water Reactor). Le prototype baptisé STR (Submarine Thermal Reactor) Mk1 est construit par Westinghouse et diverge en mars 1953, son quasi-jumeau, le MkII est installé à bord du Nautilus, le premier sous marin à propulsion nucléaire de l'histoire.
Le premier sous-marin à propulsion nucléaire répond au projet SCB64. Le design de la coque est comme pour tous les sous-marins de l'époque est une copie du type XXI allemand.
Il sera mis sur cale deux mois après celle de l'Albacore, un sous-marin qui dévellopait une coque en forme de goutte d'eau, une forme de coque devenue standard pour les sous-marins conventionnels comme les sous-marins nucléaires.
L'autorisation de construction est accordée par le Congrès le 15 juillet 1951 et donc financé au budget 1952. Le 12 décembre 1951, ce pionnier est baptisé Nautilus en référence au sous-marin du capitaine Némo du roman «20000 lieues sous les mers», succédant à trois autres navires ayant déjà porté ce nom au sein de l'US Navy.
Le USS Nautilus (SSN-571) à la mer-Le USS Nautilus (SSN-571) est mis sur cale aux chantiers navals de l'Electronic Boat Company (filiale de General Dynamics) installés à Groton (Connecticut) le 14 juin 1952 lancé le 21 janvier 1954 et commissioné (armé pour essais) le 30 septembre 1954.
Naviguant sous le pôle, opérant essentiellement dans le Pacifique, le premier sous-marin nucléaire de l'histoire est désarmé le 3 mars 1980, rayé du Naval Vessel Register. Il est remorqué à Groton dans le Connecticut où depuis le 11 avril 1986 il est ouvert comme navire musée.
Le USS Nautilus (SSN-571)Caractéristiques Techniques du USS Nautilus (SSN-571)
Déplacement : surface 3533 tonnes plongée 4092 tonnes Dimensions : longueur 97.5m largeur 8.5m tirant d'eau 7.9m Propulsion : un réacteur à eau préssurisé ST2 ultérieurement rebaptisé S2W entraînant des turbines développant 13400ch connectées à deux lignes d'arbre. Performances : vitesse maximale 22 noeuds en surface et 25 noeuds en plongée Armement : 6 tubes lance-torpilles de 533mm concentrés à l'avant avec 18 armes Equipage : 13 officiers et 92 officiers mariniers et matelotsA cette époque la propulsion nucléaire est encore dans l'enfance. On essaye, on expérimente beaucoup pour connaître la meilleure configuration.
C'est ainsi que le deuxième sous-marin nucléaire d'attaque américaine, le USS Seawolf (SSN-575) va recevoir un autre modèle de réacteur utilisant comme système de refroidissement non pas de l'eau mais du sodium liquide.
Baptisé SIR (Submarine Intermediate Reactor) Mark A, il diverge au printemps 1955, un second exemplaire baptisé Mark B étant installé à bord du Seawolf. Ce projet se révéla décevant et le Seawolf terminera sa carrière avec un réacteur à eau pressurisé.
Le USS Seawolf (SSN-575)-Le USS Seawolf (SSN-575) est mis sur cale aux chantiers navals de l'Electronic Boat Company (filiale de General Dynamics) installés à Groton (Connecticut) le 7 septembre 1953 lancé le 21 juillet 1955 et commissioned le 30 mars 1957.
Les essais du nouveau modèle de réacteur vont se révéler décévants et entre le 12 septembre 1958 et le 30 décembre 160 le réacteur d'origine est remplacé par un réacteur à eau pressurisé.
Après une carrière de trente ans jour pour jour, le SSN-575 est
decommissioned le 30 mars 1987, rayé le 10 juillet 1987 puis envoyé à la démolition.
Caractéristiques Techniques du USS Seawolf (SSN-575)
Déplacement : surface 3260 tons plongée 4150 tons
Dimensions : longueur 103m largeur 8.5m tirant d'eau 7m
Motorisation : réacteur au sodium liquide S2G puis à eau pressurisée S2Wa, turbines à engrenages 15000ch deux hélices
Performances : vitesse maximale 23 nœuds en surface 19 nœuds en plongée
Armement : six tubes lance-torpilles de 533mm (nombre de torpilles inconnu)
Equipage : 101 officiers et marins Après ces deux isolés l'US Navy se sent suffisamment à l'aise avec le sous-marin nucléaire d'attaque pour obtenir quatre sous-marins nucleaires d'attaque.
Ces quatre sous-marins sont baptisés USS Skate (SSN-578), Swordfish (SSN-579), Sargo (SSN-583) et Seadragon (SSN-584), continuant la tradition de l'US Navy de baptiser ses sous-marins avec des poissons avec la légende d'espèces inventées pour baptiser le nombre très important Fleet Submarine.
Les deux premiers sont financés au budget 1955 et les deux derniers au budget 1956.
C'est le modèle SCB-121 avec une coque inspirée du duo Nautilus/Seawolf et un réacteur à eau pressurisée S3W, une évolution de celui du Nautilus.
Le USS Skate (SSN-578)Si les Skate et Sargo possèdent le réacteur S3W, les Swordfish et Seadragon disposent d'un réacteur S3W mais qui utilisent l'architecture du modèle suivant, le S4W. Avec les quatre Skate, l'US Navy rétablit les tubes lance-torpilles de la poupe.
A suivre