Avenger, Guardian et TrackerLa paix revenue, les anciens alliés s'empressent de récupérer les dernières trouvailles de la recherche allemande et notament les fameux sous marins type XXI qu se partagent les Etats Unis, la Grande Bretagne et l'URSS, la France obtenant un type XXI de la part des anglais qui décidément bien versatiles avaient d'abord refusé que la France récupère les 13 type XXI sur cale à Brème.
Les tests montrent que ces sous marins périment toutes les tactiques mises au point durant la guerre contre des sous marins «classiques», les type VII et les type IX. Sa vitesse en plongée de 17.5 noeuds permettant au type XXI d'attaquer où et quand il le décide, de rester longtemps en plongée et de pouvoir même distancer en vitesse pure certains escorteurs.
L'hydrodynamisme soigné des derniers nés des chantiers de sous marins allemands rend désormais obligatoire l'emploi de capteurs pour la détection de sous marins, le temps où le simple oeil humain pouvait suffir à détecter un submersible appartient définitivement au passé.
La Seconde Guerre Mondiale à permis un formidable dévellopement de l'électronique qu'il s'agisse de l'ASDIC (inventé durant le premier conflit mondial), du radar ou du nouvellement arrivé MAD (détecteur d'anomalie magnétique). Ce formidable dévellopement ne concerna cependant pas la miniaturisation (nous n'étions pas encore à l'époque du micro processeur) et l'électronique des années quarante était lourde, encombrante et d'une fiabilité parfois aléatoire.
Si pour les avions à terre, cet encombrement ne pose pas de réels problèmes en dehors de la longueur de la piste nécessaire au décollage, ce n'est pas la même chose pour les avions embarqués qui ne peuvent compter que sur un pont d'envol et d'un hangar d'une taille limitée sans parler des catapultes hydrauliques qui ateignent des limites de sécurité, limites qui ne seront franchis que dans les années cinquante avec les catapultes à vapeur.
Les américains décident donc d'employer deux appareils à bord de leurs porte-avions. Le premier le chasseur (Hunter) embarque l'équipement électronique tandis que le second le tueur (Killer) emporte torpilles, grenades ASM, roquettes.
Le Grumman Avenger commença sa carrière comme avion torpilleur et la termina comme avion ASMLe premier appareil à répondre au concept est le Grumman Avenger. Cet appareil avait été tout d'abord conçu comme un avion torpilleur mais dès 1942, il fût employé dans l'Atlantique depuis les onze porte-avions d'escorte déployés par l'Oncle Sam (un de classe Sangamon le Santee, cinq de classe Bogue les Bogue Core Card Croatan et Block Island et cinq de classe Casablanca les Mission Bay Guadalcanal Tripoli Solomons et Wake Island) pour courir sus aux U-Boot en couverture directe des convois puis rapidement au sein de groupes de chasse (Hunter Killer Group) qui pouvaient manoeuvrer indépendamment des convois et ainsi traquer pendant des jours une meute jusqu'à ce qu'elle soit totalement neutralisé.
Le USS BogueChaque CVE (Carrier Vessel Escort) embarque un Composite Squadron (Vessel Composite VC) avec le plus souvent douze Avenger et six à douze Wildcat. La tactique rapidement mise au point consiste à attaquer le sous marin surpris en surface par le chasseur pour mettre la Flak hors de combat ou faire plonger le sous marin et permettre ainsi à l'Avenger d'intervenir avec ses charges de profondeur ou une torpille auto guidée Mk24 Fido. Avec le temps, le nombre d'Avenger va augmenter au détriment des Wildcat pour atteindre trois Wildcat et seize TBM Avenger en avril 1945, le sous marin n'étant alors que rarement en surface grâce au schnorchel.
Si Wildcat céda la place aux Hellcat sur les porte-avions d'escadre, il resta en service sur les porte-avions d'escorte en raison d'un pont d'envol mal adapté au Hellcat On ne soulignera jamais assez le rôle capitale du porte-avions d'escorte dans la bataille de l'Atlantique. Au total pas moins de 58 sous marins allemands et 1 japonais ont été coulés entre l'Arctique et l'Atlantique Sud. On peut y ajouter neuf sous marins dont un allemand dans l'Océan Indien/océan Pacifique et le sous marin français Sidi Ferruch soit un total de 68 plus un capturé, le U505. Sur ses 68 sous marins, 31 furent coulés par les Avenger.
L'Avenger est également engagé dans des missions ASM dans le Pacifique, la neutralisation progressive de la flotte de surface nippone rendant moins prégnant le besoin d'avions torpilleurs mais les sous marins japonais en dépit de quelques coups spectaculaires (destruction du croiseur lourd Indianapolis, des porte-avions Wasp et Yorktown........) ne montrèrent jamais le même mordant que leurs homologues allemands et les tableaux de chasse des Avenger dans cette région furent loin d'égaler ceux de leurs homologues dans l'Atlantique.
La fin de la seconde guerre mondiale ne marque pas la fin de la carrière de l'Avenger qui abandonne définitivement sa première mission d'avion torpilleur au profit de la lutte ASM.
Suivant le concept Hunter-Killer, l'Avenger donne naissance à deux appareils, le Hunter (chasseur) étant immatriculé TBM-3W2 est équipé d'un radar APS 20 qui cherche les cibles au profit du second, le Killer (tueur) immatriculé TBM-3S armés de roquettes, de charges de profondeur et de torpilles.
Un TBM-3W au premier plan et un TBM-3S au second planSa carrière est courte, l'Avenger étant tout de même un avion en fin de carrière. Il est retiré des unités de première ligne en 1954 après avoir participé à la guerre de Corée. En effet, au moment où les nords coréens attaquent, les américains craignent une intervention massive des sous marins soviétiques de la flotte du Pacifique. C'est ainsi que deux porte-avions vont déployer des Avenger ASM en Corée :
-Le Sicily (CVE 118) qui quitte San Diego le 4 juillet avec le squadron VS-21, arrivant à Yokosuka le 26 après une escale à Guam où il débarqua ses Avenger qui sont remplacés au Japon par les Corsair du VMF-214, la célèbre unité du major Greg «Papy» Boyington.
Après avoir débarqué ses Corsair qui vont opérer depuis la terre, le CVE 118 réembarque le VS-21 à Guam pour un court moment puisque les Avenger sont débarqués le 3 décembre pour réembarquer les Corsair le 7 décembre alors que les troupes onusiennes doivent se replier devant la poussée chinoise.
Le second porte-avions concerné est le Bairoko (CVE 115) qui embarque le VS-21 puis le VS-23 équipés d'Avenger, opérant dans les eaux coréennes au printemps 1951.
A la différence des anglais et des français qui franchissent rapidement le stade de l'avion ASM embarquant capteurs et armes (Fairey Gannet pour les uns et Bréguet Alizé pour les autres), les américains poursuivent dans la veine du concept Hunter-Killer peut être parce qu'ils ont le luxe de pouvoir attendre.
Autre couple Hunter/Killer : le Grumman AF-2W Guardian (Hunter) au premier plan et le Grumman AF-2S (Killer) au second planA l'Avenger succède une autre création de la maison Grumman, le Guardian. La genèse de cet avion est particulièrement difficile. Tout commence en 1944 avec l'étude du XTB2F, un nouvel avion torpilleur, un gros bimoteur capable d'embarquer 1633kg de charge militaire et une distance franchissable de 5950km mais il est abandonné car trop gros pour les Essex. Grumman reprend alors l'étude à partir du F7F Tigercat, son nouveau chasseur bimoteur embarqué mais le XTSF-1 est également abandonné car le Tigercat était trop gros même pour les Midway.
Grumman qui décidement ne manque pas de ressources, propose alors au BuAer (Bureau of Aeronautics) une étude interne, le Model G-70 désigné par la Navy sous le nom de XTB3F. C'était un avion à propulsion mixte avec un Pratt & Whitney Double Wasp et un turboréacteur Westinghouse à l'arrière (Le turboréacteur fût cependant rapidement abandonné).
Le XTB3F était un biplace côte à côte monomoteur monoplan avec un armement composé de deux canons de 20mm et une charge militaire (bombes, torpilles et roquettes) de 1814kg qui effectua son premier vol le 19 décembre 1945. Cinq jours plus tard, le 24 décembre 1945, l'US Navy informa Grumman qu'elle ne cherchait plus un avion torpilleur mais un avion de lutte ASM.
Bien que le Guardian soit plus grand que l'Avenger, il était encore impossible pour l'US Navy d'obtenir un avion combinant capteurs et armes. Aussi le concept Hunter Killer fût appliqué au nouvel appareil.
Baptisé XTB3F-1S (Hunter), le premier prototype du Guardian effectua son premier vol en novembre 1948 et comme l'Avenger de lutte ASM, il était équipé d'un radar de veille surface APS-20 avec quatre membres d'équipage au lieu de deux. Il fût suivit en janvier 1949 par le premier vol du «Killer», le XTB3F-2S qui avait perdu les canons de 20mm mais conservait la soute à bombe avait reçut un troisième homme d'équipage, un projecteur et un radar à courte portée.
Une fois mis en service en octobre 1950, le Guardian «Hunter» fût rebaptisé AF-2W et le Guardian «Killer» AF-2S devint le plus gros avion à moteur à piston de l'US Navy, 359 exemplaires de cette version étant construits (190 AF-2S et 159 AF-2W).
Les AF-2 furent suivis par des AF-3S qui était une première tentative d'avion polyvalent, cet appareil construit à 40 exemplaires embarquant des armes et un MAD (détecteur d'anomalies magnétiques).
Le dernier Guardian fût livré à la marine américaine en mars 1953. Après une brève apparition en Corée, le Guardian est retiré du service dès août 1955 après à peine cinq années de service, l'appareil étant remplacé par le Grumman S2 Tracker, premier appareil de lutte ASM américain à combiner capteurs et armes dans une cellule suffisament compacte pour pouvoir opérer depuis les petits porte-avions de classe Essex (petits par rapport aux Forrestal bien entendus).
Le Guardian fût encore utilisé quelques années par les unités de réserve à bord des porte-avions et des bases à terre en compagnie des Lockeed P2V Neptune.
Trois Grumman S-2 Tracker en volLe programme qui allait donner naissance au Grumman Tracker est lancé le 30 juin 1950. Le prototype baptisé XS2F-1 (G-89 pour son constructeur) effectue son premier vol le 4 décembre 1952, la première unité équipée, la VS-26 reçoit ses appareils en février 1954. La production du Tracker s'éleva au total à 1185 exemplaires auxquels s'ajoute 99 appareils produits sous licence par De Havilland Canada.
Le Tracker est donc utilisé par l'US Navy pendant 23 ans de 1954 à 1977. Ils vont donc participer à la guerre du Vietnam, étant embarqués sur les Essex modernisés (c'était d'ailleurs une des conditions du programme : pouvoir opérer sans difficulté depuis un Essex et non depuis un Forrestal bien plus gros).
-Le USS Yorktown (CVS-10) dans la campagne qu'il assura de février à mai 1965, embarqua le CVSG-55 (Carrier Vessel Submarine Group/Groupe aérien ASM 55) qui comprenait entre autres, les VS-23 (Vessel Submarine-23) et VS-25, toutes les deux équipées de S-2E. Ce même porte-avions effectua une autre campagne avec le même groupe aérien de février à juillet 1966 puis de mars à juin 1968 (même groupe aérien)
-Le USS Hornet (CVS-12) au cours de la campagne qu'il mène du 25 avril au 18 octobre 1967 embarque le CVSG-57 qui comprend entre autres les VS-35 et VS-37 équipées de S-2E. Il effectue une autre campagne avec ce même groupe de novembre 1968 à avril 1969.A noter que c'est la VS-35 est la détentrice d'un triste privilège puisqu'elle perdit le seul Tracker abattu par l'ennemi en janvier 1966.
Un S-2 Tracker au catapultage sur le Bennington en novembre 1967-Le USS Bennington (CVS-20) au cours de la campagne qu'il mène de juillet à septembre 1965 embarque le CVSG-59 qui comprend notament les VS-33 et VS-38 équipées de S2-E. Le Bennington effectua une autre campagne avec le même groupe aérien de décembre 1966 à avril 1967 puis une autre de juin à octobre 1968.
-Le USS Kearsarge (CVS-33) au cours de la campagne qu'il mène du 19 juin au 16 décembre 1964 embarque le CVSG-53 qui comprenait entre autres, la VS-21 Fighting Redtails et la VS-29 Yellowtails équipées de S-2F. Ce porte-avions effectua une autre campagne avec le même groupe aérien du 11 juillet au 11 décembre 1966 puis une autre du 12 octobre 1967 au 28 mars 1968 toujours avec le CVSG-53. Le CVSG-53 est encore une fois sur la brèche d'avril à août 1969.
Au total 1185 Tracker furent construits plus 99 par De Havilland Canada soit un total de 1284 exemplaires
Outre la marine américaine, de nombreux pays ont employé le Tracker : le Canada, l'Australie, l'Argentine, le Brésil et les Pays Bas à bord de leurs porte-avions classe Colossus/Majestic; le Japon, l'Uruguay, Taiwan, l'Italie, la Corée du Suf, la Thaïlande, la Turquie, le Venezuela et le Pérou depuis la terre.
Genèse du Viking Un des prototypes du Viking baptisés YS-3ALe dévellopement du Viking commença au milieu des années soixante. A cette époque, le Grumman S2 Tracker était l'appareil ASM embarqué standard de l'US Navy mais il ne sera pas éternel et son remplacement s'impose.
L'US Navy lança le programme VSX pour remplacer le Tracker en recherchant une forme de rupture technologique. En août 1968, deux équipes répondirent au concours de l'US Navy : Lockeed d'un côté qui s'adjoignit les services Ligth Temco-Vought pour compenser son manque d'expérience dans le domaine des avions embarqués (le constructeur du Corsair II et du Crusader étant notament responsable des ailes repliables, de la dérive, des nacelles des moteurs et du train d'aterissage) et de l'autre le duo Convair/Grumman. La firme sperry Univac était elle chargée du dévellopement du système de mission.
Le 4 août 1969, l'équipe Lockeed/LTV fût sélectionnée et huit prototypes désignés YS-3A furent commandés. Le premier prototype effectue son premier vol le 21 janvier 1972, les essais qui suivirent se déroulèrent sans problèmes majeurs ce qui explique que la commande de série fût passé dès avril 1972.
Les essais de qualification à l'appontage et au catapulte commencent en novembre 1973. C'est à la suite de ces essais que le S-3A reçoit le surnom de Viking, étant mis en service le 20 février 1974 au sein du VS-41 basé à NAS North Island (San Diego, Californie), squadron chargé de former pilotes et mécaniciens sur le nouvel appareil. La première unité opérationnelle à être équipé du Viking fût le VS-21 en 1977