Ca va plaire a Bill......peut etre
Je cite:
La "Jeanne-d'Arc" livrée aux Anglais ? La
Jeanne-d'Arc démantelée en Angleterre ?
"Ah non ! Pas ça !"Du simple matelot au chef d'état-major de la marine, la réaction est la même. Les Anglais ont brûlé la pucelle d'Orléans en 1431, ils ne dépèceront pas la carcasse du mythique porte-hélicoptères, du petit morceau de France à bord duquel tous les cadres de la marine nationale ont été formés depuis 1964. Que l'ancien porte-avions
Clemenceau soit désossé sur le chantier britannique Able UK, passe encore. Mais pas la
Jeanne, ce bateau tant aimé, à la fois vaisseau de guerre, navire-école et ambassade flottante.
L'option est pourtant parfaitement réaliste. La
Jeanne-d'Arc est usée par l'âge. En décembre, elle quittera Brest pour son quarante-cinquième et dernier tour du monde, avec à son bord 500 membres d'équipage et plus d'une centaine d'élèves officiers de l'Ecole navale de Brest.
L'équipage fait des miracles, mais on a poussé la Jeanne jusqu'à la limite du raisonnable, explique le commandant Hervé Bléjean.
On n'a pas eu de problème jusqu'à présent, mais il ne faut pas trop tenter la chance."Que faire de sa carcasse de 13 000 tonnes, qui contient, comme tous les navires de cette époque, des matières dangereuses, en particulier de l'amiante ? Un musée ? Trop cher. L'expérience malheureuse du croiseur
Colbert, mis à quai à Bordeaux et fermé en 2006 faute de rentabilité, a servi de leçon. Beaucoup aimeraient voir la
Jeanne-d'Arc coulée, comme du combat.
"Ce serait la plus belle mort", affirme Didier Decoin, président de l'Association des écrivains de marine. Mais la pratique est interdite par des conventions internationales de lutte contre la pollution des fonds marins, dont la France est signataire. Un projet de transformation en héliport au large de Saint-Tropez n'a pas été retenu.Reste le démantèlement après lancement d'un appel d'offres européen, comme dans le cas du
Clemenceau, marché remporté par Able UK, quatre fois moins cher que ses concurrents, donc bien placé pour remporter les suivants. C'est l'option la plus rationnelle financièrement, tous l'admettent.
Mais quand les tripes parlent, c'est autre chose.
"Un navire découpé en morceaux, c'est un navire dénaturé", dit un officier. Et en Angleterre, c'est encore pire. Les marins voient déjà leur chère
Jeanne "brûlée",
"martyrisée",
"démembrée" par les Anglais
"une deuxième fois". Ils trouvent cela
"triste",
"pénible", voire
"inimaginable".La rivalité des deux marines est légendaire.
"Les Anglais sont quand même des Européens, nous avons les mêmes valeurs, temporise le vice-amiral Hubert Jouot, chargé du démantèlement des navires à l'état-major.
Mais, ponctuellement, un certain orgueil national se manifeste, comme dans les compétitions sportives." Il se cristallise, bien sûr, sur le nom du navire.
"Un nom magnifique, porteur de la fierté nationale", rappelle un ancien.
"Jeanne d'Arc, c'est le coeur de la nation française", dit Pierre-François Forissier, le chef d'état-major de la marine.Les marins sont attachés au nom, mais aussi au navire lui-même et à son histoire. La
Jeanne a
"une âme", disent-ils. Elle s'incarne dans un roulis, une vibration, et surtout une odeur particulière, mélange de ferraille, de gazole et de sueur, dont les marins parlent avec tendresse.
"Je ne l'ai jamais retrouvée ailleurs, raconte Xavier Prache, le commissaire du navire, chargé de sa gestion administrative.
En débarquant d'une campagne, ma femme m'a dit : "C'est fou ce que tu sens la Jeanne."" "C'est un bateau extrêmement attachant, comme une vieille dame", conclut un officier. Il a inspiré de nombreux livres, et même des poèmes.
Pour les officiers de la marine nationale, la
Jeanne-d'Arc est un navire initiatique. Pendant leurs trois années de cours à l'Ecole navale, ils sont de simples élèves. A bord, à 20 ans et quelque, ils deviennent des officiers, chargés d'autres hommes.
"Quand on prend son premier quart tout seul, on n'en mène pas large", raconte l'amiral forissier.
"C'est la première confrontation avec la réalité du monde et les gens que nous commanderons plus tard", raconte un ancien. C'est aussi le premier grand départ loin de la famille. Et la première véritable découverte de l'étranger.Les cinq mois à bord, faits de cours théoriques, d'exercices pratiques et de petites nuits, se déroulent dans l'attente des escales. Chacun garde en mémoire la plus marquante : Dakar, Tokyo, Cochin, Clipperton... Le "passage de la ligne", premier franchissement de l'Equateur, est un rite de passage en soi, qui donne lieu à une cérémonie mêlant une comédie - où Neptune tient le premier rôle - et des épreuves que les initiés préfèrent tenir secrètes.Le même désir de lointain anime l'équipage.
"Je suis entré dans la marine pour la Jeanne-d'Arc, raconte le quartier-maître Yannick Le Bouété.
Je travaillais chez Conforama. J'ai eu envie de voir le monde." C'est pour ces escales que le navire-école garde son attractivité, presque sa magie. Malgré un logement à la dure : les matelots dorment à cinquante par chambre, dans les bien nommées "niches". Malgré la vétusté du navire et de son mobilier.
"On la peint, on la retape, on donne le maximum pour qu'elle soit la plus belle possible, raconte le capitaine d'armes Jean-Jacques Nadon.
Elle n'a pas une trace de rouille. Vous avez vu comme elle est magnifique ?"Les machinistes en parlent aussi avec amour.
"C'est une machine à vapeur, extrêmement complexe, explique Didier Nyffenegger, commandant adjoint du navire.
La faire tourner est un challenge. C'est beaucoup plus passionnant qu'un moteur diesel, où il suffit de pousser un bouton." Rien n'est automatisé à bord de la
Jeanne- d'Arc. Cent quatre-vingts matelots se relaient dans la fournaise de la machine, où la température peut atteindre 50 degrés. Etre de sa dernière campagne était
"le voeu le plus cher" du commandant adjoint Nyffenegger, comme celui du capitaine d'armes Nadon, du quartier-maître Le Bouété, et de bien d'autres à bord.Faire la campagne, c'est aussi
"participer au rayonnement de la France", disent les membres d'équipage. Le navire est un petit territoire français, une ambassade mobile dont les escales ont un rôle diplomatique
. "C'est le navire français le plus connu au monde", affirme le commandant. Son parcours change chaque année. Certains pays se plaignent de ne pas la voir assez souvent... Les escales donnent lieu à des réceptions d'anthologie, avec cocktail pour mille invités. La
Jeanne-d'Arc participe aussi à des missions pacifiques : aide aux victimes du tsunami de décembre 2004, participation au sauvetage des otages du
Ponant en avril 2008.
"Cela renforce sans doute son image positive", commente le commissaire Prache.
Voilà pourquoi, dans l'esprit des marins, la
Jeanne-d'Arc ne peut finir ses jours tronçonnée sur le sol anglais.
"Il faut cesser d'être affectifs, nous suivrons la procédure des marchés publics, rappelle toutefois le vice-amiral Jouot.
Le mieux placé dans la compétition l'emportera. Nous n'avons aucune assurance que ce sera le chantier anglais." Mais la marine semble vouloir temporiser.
"On va la garder, en attendant de trouver une solution. On a bien gardé le Clemenceau
dix ans", dit le chef d'état-major de la marine. Le vice-amiral confirme :
"La Jeanne-d'Arc
ne fait pas partie des navires à démanteler en priorité."
Auteur :Gaëlle Dupont
Source : article du site "le monde.fr"
Perfide Albion
Bill, fait quelque chose