Avis sur Jacques Gravereau?

Bonjour le bord,

quel est votre avis sur les écrits de Jacques Gravereau?

Son dernier ouvrage s'intitule "Taïwan, une obsession chinoise : Intimidations, zones grises et jeux de guerre mondiaux", chez Hémisphères Editions, vient tout juste de paraître.
Avant de me le procurer de m'y plonger, j'aurais aimé bénéficier de vos conseils, car ce sera mon premier ouvrage en français sur le sujet.

ClaudeJ a écrit:

[…] quel est votre avis sur les écrits de Jacques Gravereau ?

Son dernier ouvrage s'intitule "Taïwan, une obsession chinoise : Intimidations, zones grises et jeux de guerre mondiaux", […]

Le bonhomme semble assez bien formé (universitairement parlant) et formaté économie.

Expert éminent des questions économiques et politiques liées à l'Asie.

Professeur dans plusieurs universités chinoises et japonaises, il sillonne l'Asie depuis de nombreuses années.

Donc ses analyses et opinions ne sont pas négligeables.
Mais il n'a pas obligatoirement une approche géostratégique de la question.
Biais économique avant tout ?

C'est, probablement, un gros poil, une publication trop récente - novembre 2023 - pour s'en faire une opinion.
Par contre, en lisant, sur le Oueb, un tel résumé...

Citation :

Les menaces de la Chine sur Taïwan ont pris une nouvelle dimension. Depuis que la Russie a envahi l'Ukraine, ce qu'un régime autoritaire fait en Europe, un autre peut le faire en Asie.

... cà me parait être, de la part du libraire qui l'a formulé, un raccourci "erroné". Depuis 1949, la République socialiste chinoise "continentale" n'a jamais accepté la sécession "taïwanaise"; néanmoins, en fonction de ses priorités intérieures, elle l'avait, au mieux, tolérée, en attendant des "jours meilleurs" pour la "traiter". On est, dès lors, très loin, du contexte de l'actuel conflit russo-ukrainien, qui, lui, date au plus tôt, de 1991 et de la partition de l'ancienne Union Soviétique, négociée entre deux "beuveries" d'Eltsine et, souvent, alors, intentionnellement concoctée juste pour faire un pied de nez à Gorbatchev.

Un bon exemple, celui de la Crimée, à propos de laquelle la future dirigeance ukrainienne, fraichement convenue, s'étant, alors, elle-même, posée des questions sur la légitimité de son "intégration". Intégration au sein du territoire de l'URSS, accordée (un peu trop vite, mais çà ne mangeait pas de pain), en 1955, par Nikita Khroutchev, alors dirigeant en place et premier Secrétaire du Parti, pour essayer, ainsi, de "panser les plaies" d'une Ukraine, qui, après-guerre, avait subi les pires foudres de Josef Staline, en raison de l'existence de réseaux indépendantistes armés (ses derniers représentants n'avaient été "définitivement" éradiqués qu'en 1954!), sachant que leur "mise sur pied" avait été largement encouragée, précédemment, par l'occupant allemand! Pas simple, tout çà!

La situation de l'Ukraine passe, de toute manière, très largement au-dessus du béret des Chinois, qui, eux, par contre, depuis 74 ans, font une fixette constante et très sérieuse sur les "sécessionnistes" taïwanais. D'autant plus que, depuis 1971, la République populaire chinoise est désormais considérée, au sein de l'ONU, comme la seule entité chinoise officielle reconnue! La république taïwanaise est, certes, tenue à bout de bras par les Etats-Unis - bon nombre d'entreprises américaines y ayant des participations financières très importantes - mais, commercialement et industriellement, les deux "entités" chinoises sont, aussi, largement impliquées... au même titre que la Corée du Sud, qui n'hésite pas, elle, non plus, à faire appel à la puissance de l'outil industriel chinois, pour y faire fabriquer ses composants et "produits finaux", comme, par exemple, l'électronique "grand public", etc.!-. Trop long à expliquer, mais les technologies et compétences techniques détenues jusqu'au début de la décennie 1990, par l'industrie nippone, étaient progressivement passées, d'abord, en tant que sous-traitances, en Corée du Sud et Taïwan, avant, dans un premier temps, d'être assimilées, puis exploitées par les mêmes, puis, par "contagion logique", aboutir en Chine Populaire!

Je me souviens, encore, fin 1987, de la joie générale de notre direction, au plus haut niveau du groupe Thomson, après avoir réussi à fourguer "à vil prix", aux chinois, nos vieilles chaines de montage de téléviseurs "à coins ronds", qu'on mesuraient, alors, encore, en "pouces". Moins de vingt ans plus tard, nos grandes entreprises européennes et américaines - souvent, elles-mêmes, rachetées, précédemment, par les mêmes grands groupes européens (Philips, Thomson) - étaient, déjà, toutes, à la ramasse, face à la concurrence du Sud-Est asiatique, y compris celle provenant de la Chine, qui fournissait, alors, déjà, le bas de gamme ou le produit d'appel, en tête de gondole! En 1987, l'industriel chinois avait été quasiment considéré, à tort, comme un "aimable coolie", pieds nus, coiffé d'un chapeau pointu, engoncé, de surcroit, dans une structure hiérarchique de type soviétique, à qui on avait condescendu de vendre une vieille chaine de production usée, en se marrant d'avance sur les difficultés qu'il allait rencontrer pour l'exploiter! Gravissime erreur!

Je peux surement me tromper, mais cette histoire, avec le temps, va finir par se régler, un jour ou l'autre, sans effusion de sang particulière, avec un "gentleman agreement" à la "chinoise". Il convient, néanmoins, de laisser, jusque-là, la "Chine Populaire" goûter encore un peu plus aux "charmes (supposés) du système capitaliste", sauf que, avec 1,5 milliard d'individus, çà risque fort de ne pas correspondre à nos aimables "critères occidentaux", car, actuellement, ce n'est pas beaucoup mieux en Inde, où le système des castes est toujours d'actualité!

Je n'irai pas jusqu'à dire que les Américains et Européens "pètent de trouille" devant la menace industrielle extrême-orientale et sa puissance démographique, mais, néanmoins, il s'agit, là, à court terme, d'un problème très sérieux! Sans parler de la part financière des investissements américains que possède, désormais, la Chine, plus de 300 milliards de dollars, au bas mot, sans parler du reste!

A vérifier, dans l'ouvrage que tu évoques, si l'auteur fait mention de cette situation économique existante.

Merci Douglas.
En effet, mais pourquoi pas, les approches pluridisciplinaires ne me rebuttent  pas.

Loïc, bien entendu qu'il est un peu tôt pour avoir un retour précisement sur cet ouvrage. C'est pour celà que je sollicitais des retour sur ses écrits, sous-entendu "précédents"

Et bien je garderai en en tête tes observations pour tenter de le comparer avec ce qu'en dit l'auteur, et je tenterai de faire un retour intelligible.

PS:[ /i] en tout cas, Jacques Gravereau est très abordable:

(posté en public sur Linkedin, aucune indiscrition commise en le relayant ici)

[i]PSbis: en relisant à tête reposée ton apport, Loïc, ça me rappele quelques articles que j'ai vu passer, mais pas encore absorbés:
- "Russia's Contribution to China's Surface Warfare Capabilities : Feeding the Dragon", Paul Schwartz, Center for Strategic & International Studies, CSIS Reports, 2015
- "The European Union and the Modernisation of the People’s Liberation Army Navy. The Limits of Europe’s Strategic Irrelevance", Mathieu Duchâtel and Alexandre Sheldon-Duplaix, China Perspectives, 2011/4
- "Arming China: Major powers’ arms transfers to the People’s Republic of China", Hugo Meijer,Lucie Béraud-Sudreau,Paul Holtom &Matthew Uttley, Journal of Strategic Studies: Vol 41, No 6, 2017

Infobésité...

En outre, la dette extérieure envers la Chine ne se limite pas aux États-Unis. Je trouve peu de données concernant les pays europées, de l'Ouest, mais j'ai quelques doutes.

Autre son de gong: https://web.archive.org/web/20221219191040/http://fr.china-embassy.gov.cn/fra/zfzj/202212/t20221219_10992262.htm
Par contre notre dépendance technologique est bien concrête, je pense (coucou la 5G).

le cas de Taiwan ne se règlera pas par un gentleman agreement, les état unis ont besoin de cette ile pour empêcher les chinois d'avoir accès à l'océan pacifique, et le retour de Formose à la chine continental ferai un trou béant dans le système de défense américains.

marsupulami a écrit:

le cas de Taiwan ne se règlera pas par un gentleman agreement, les État-Unis ont besoin de cette ile pour empêcher les Chinois d'avoir accès à l'océan Pacifique, et le retour de Formose à la Chine continentale ferait un trou béant dans le système de défense américain.

Autre hypothèse, mais acceptable, celle-là : le retour du continent sous le régime du Kuomintang.

DahliaBleue a écrit:

Autre hypothèse, mais acceptable, celle-là : le retour du  continent sous le régime du Kuomintang.

La Chine populaire continentale n'est pas franchement pressée de "réintégrer" dans son giron l'entité Formose/Taïwan. La situation actuelle lui va plutôt bien, sauf qu'elle s'efforce, à grands renforts de moulinets plus ou moins "menaçants", de limiter certains effets des intentions militaires américaines.