Les Américains avaient une trouille bleue des Japonais, dont, ne seraient-ce que le respect et le suivi des traditions historiques nationales dépassaient très largement leur entendement.
L'entrée des européens au Japon avait pendant longtemps été très compliquée; la caste guerrière ou militaire nippone était, certes, loin d'être majoritaire, mais, historiquement, elle a, tout aussi longtemps, occupé une place essentielle dans l'histoire complexe du Japon.
Il convient, aussi, de se mettre à la place du rare voyageur américain, à la fin du XIXème siècle; en se promenant, dans la banlieue proche de Tokyo, il tombait, par exemple, sur le temple Sengaku-ji, ou, depuis le tout début du XVIIIème siècle, est soigneusement entretenue la mémoire des "
47 Rônin", samouraïs sans maitre, qui après être entrés dans la "clandestinité", avaient vengé sa mort, puis, dès lors, accusés de meurtre, avaient été autorisés, par le Shogun, à se faire seppuku, lors d'un suicide collectif...
Attaque vengeresse,
Chūshingura, le 14 décembre 1702, des "47 rônin" contre l'auteur,
Kira, de l'insulte "mortelle" envers leur ex-maitre
Asano (visiblement, il neigeait, ce jour-là.
)...
Nota 1: Je n'ai pas dénombré le nombre d'assaillants, mais on ne doit pas être loin du compte!
Nota 2 : Cette aquarelle d'Hokusaï date de la fin du XVIIIème siècle.
... Même si, côté japonais, à propos de ce "suicide collectif", il y a débat d'experts, car, pour certains d'entre eux, la vengeance était beaucoup trop tardive - en gros une petite année - pour respecter le code Bushido, il convient juste de se mettre à la place d'un "visiteur occidental", et plus particulièrement américain. L'histoire des colonies anglaises d'Amérique n'est, certes, pas avare en actes personnels glorieux, de même, que les nations européennes, mais il n'existe aucun cas comparable de suicide collectif, tout à la fois, autorisé, par le plus haut personnage de l'Etat, et sciemment exécuté!
On rajoute à çà, que l’Ère
Meji (1868-1912), marquée par "l'européanisation" plus ou moins contrainte et orchestrée par ses propres dirigeants (!) avait eu, en contre-point, une importante résurgence nationaliste.
A ce sujet, il y a eu, en 2003, le film, "
Le dernier Samouraï", où l'incontournable Tom Cruise interprète le rôle d'un officier américain - dans la réalité, il s'agissait d'un officier français! - , qui avait activement participé aux derniers engagements de l'armée nipponne "traditionnelle", affrontant des unités modernes, instruites à "l'européenne". Cà ne reste qu'un film, de surcroit réalisé en 2003 - celui des
47 rônins date, lui, de 2013 -; depuis lors, "l'occupation et la culture américaines", à dater fin 1945, ont largement et profondément influencé et modifié le quotidien japonais, notamment celle de la jeunesse née après-guerre.
Mais, dans le cadre du Second Conflit Mondial, il convient de se référer à l'image, certes, un gros poil caricaturale, que se faisaient, alors, les Américains - faute de compréhension, défaut, au demeurant, excusable! - de la culture nationale patriotique japonaise. On avait, au bas mot, d'un côté, plus de 20 siècles d'une civilisation relativement circonscrite de par sa situation ilienne, de l'autre, une fédération d'États, résultat de diverses et multiples migrations européennes, sans la moindre Histoire Nationale commune, hormis une Guerre d'Indépendance, menée sur une dizaine d’États de la Côte Est -
la
-, et une Guerre Civile, très coûteuse humainement, 90 ans plus tard, qui, toujours sur la Côte Est, ou presque, avait opposé un Sud rural à un Nord industriel
Ma tentative d'explication peut paraitre insignifiante et injustifiée, mais la "légende" du guerrier japonais "jusqu'au-boutiste", près à se sacrifier... même en cas de victoire (!), mais ayant jugé, au final, qu'il n'avait pas respecté les décisions supérieures, avait très sérieusement influencé l'attitude américaine, vis-à-vis de sa propre population nipponne immigrée. Les combats dans le Pacifique - à Iwo Jima, sur 22 000 combattants japonais, seuls, 22 des 216 prisonniers, s'étaient volontairement rendus aux troupes américaines, tous les autres étaient morts au combat! -.
Cà explique, aussi, au passage, le recours à l'emploi de l'arme nucléaire - il n'y en n'avait, alors, que deux en stock! -, une démarche "philosophique" - même pour des militaires et décisionnaires! - très compliquée... mais c'était çà ou 1 million de pertes de l'US Army, dans le cadre d'un débarquement "traditionnel" sur les côtes japonaises!