Course aux armements en Amérique du Sud : le Chili, le Brésil et l'Argentine commandent des cuirassésTrès vite les nouvelles nations indépendantes du sous-continent sud-américain se disputent et se querellent en raison notamment de frontières au tracé aussi flou qu'incertain ce qui permet toutes les interprétations. Pas étonnant que les pays investissent massivement dans leur outil militaire qu'il soit terrestre ou naval et qu'accessoirement (ou pas) généraux et autres amiraux ne tardent à avoir des envies de gouvernement.
A l'époque l'Argentine s'inquiète moins du Brésil que du Chili avec lequel elle se dispute le contrôle du canal de Beagle qui permet de passer de l'Atlantique au Pacifique en évitant le dangereux Cap Horn.
Le croiseur chilien Chacabuco et ci-dessous le croiseur argentin San MartinUne course aux armements oppose Buenos Aires à Santiago du Chili au point de mettre en péril les budgets et les économies des deux pays.
Accord argentino-chilien sur les frontières en 1902La Grande-Bretagne qui n'à aucun intérêt à un conflit dans cette région où elle possède de nombreux intérêts économiques siffle la fin de la recré et patronne un accord qui résout une partie des contentieux (on verra qu'en 1978 les deux pays ont été à deux doigts d'un conflit direct ce qui explique le soutien de Pinochet aux britanniques durant la guerre des Malouines) et limite les armements navals. Cet accord le
Cordillera of the Andres Boundary (Accords sur la frontières de la Cordillère des Andes) est signé en 1902.
C'est alors que le Brésil entre en piste. Rio de Janeiro s'inquiète de la modernisation des forces navales de son voisin méridional et décide de riposter en planifiant un programme naval d'ampleur.
Ce programme rendu public en 1905 prévoit la construction de trois cuirassés, trois croiseurs éclaireurs, quinze destroyers, trois sous-marins et deux ravitailleurs de sous-marins. Suite à un changement dans le modèle de cuirassé, le nombre de navire évolue avec toujours trois cuirassés mais de type dreadnought, deux croiseurs éclaireurs, dix destroyers, trois sous-marins et un ravitailleur de sous-marin.
Le cuirassé brésilien Minas GeraesLe premier cuirassé brésilien baptisé
Minas Geraes est mis sur cale le 17 avril 1907. La marine auriverde devient la troisième marine du monde après la Royal Navy et l'US Navy à mettre sur cale un All Big Gun Battleship. Cela paraît tellement surprenant que certains soupçonnent Rio de Janeiro d'être le faux nez d'une puissance navale et non le destinataire final des navires.
Les argentins décident de rompre l'accord de 1902 pour commander des navires capable de faire face aux nouveaux cuirassés brésiliens. En juin 1908, l'Argentine propose au Brésil de lui céder un des deux cuirassés en construction (le troisième devant être mis sur cale après le lancement du premier) pour maintenir une parité dans la région. Sans surprise le Brésil refuse. Le président argentin menace son voisin d'une guerre mais comme il n'est pas suivi par l'opinion publique et démissionne.
L'Argentine qui craint un blocus du Rio de la Plata catastrophique pour son économie largement exportatrice n'à plus d'autre choix : elle va devoir construire des cuirassés capable de tenir tête aux nouveaux fleurons de la marine auriverde. L'autorisation du parlement est obtenue en août 1908.
Genèse des seuls cuirassés jamais exportés par les américainsUn appel d'offres internationalClasse RivadaviaDès le début les argentins savent qu'ils ne pourront construire de tels navires au pays. Ce sera donc des cuirassés de conception et de construction étrangère qui vogueront avec le pavillon albiceleste.
Pour cela un bureau est ouvert à Londres pour recueillir les projets des chantiers étrangers capables de construire de tels monstres.
Cinq pays sont sur les rangs : l'Allemagne et la Grande-Bretagne qui se livrent à une course aux armements navals d'une toute autre ampleur, la France, l'Italie et les Etats-Unis.
Les débuts sont poussifs. Ne voulant pas s'enfermer ou ne voulant pas hériter de navires dépassés dès leur mise en service les marins argentins laissent beaucoup de latitudes aux chantiers navals, beaucoup trop même puisque les chantiers se plaignent que cela permet à leurs concurrents de savoir les techniques et les technologies que les autres maitrises.
A cela s'ajoute des interférences politiques, chaque ministre, chaque entité impliquée à son favori que ce soit l'Italie pour le vice-president, la Grande-Bretagne pour la commission navale ou encore l'Allemagne pour le ministère de la Guerre. La presse se mêle aussi.
Après l'annulation du premier appel d'offres, un nouvel appel est lancé, un appel mieux organisé et mieux structuré. Les argentins demandent également à ce que les chantiers fassent des efforts pour diminuer les coûts.
Finalement c'est la proposition américaine qui est jugée la plus équilibrée. Deux unités sont commandées, la première baptisée ARA Rivadavia doit être construire aux chantiers navals de Quincy dans le Massachussets alors que les chantiers de la New York Shipbuilding Corporation sis à Camden doivent assurer la construction de son sister-ship l'ARA Moreno.
Les cuirassés pardon les Acorazado ainsi obtenus sont parmi les plus modernes du monde avec un solide armement principal (12 canons de 305mm en six tourelles doubles _deux avant deux arrières et deux au milieu en échelon_) et secondaire (douze canons de 152mm en casemates et seize à plat pont) et même deux tubes lance-torpilles de 533mm avec seize torpilles. La précision est excellente avec les télémètres Barr & Stroud.
La projection est soignée avec notamment une ceinture de 300mm d'épaisseur capable de résister à un obus de 305mm. En revanche si les tourelles sont bien protégées, les ponts le sont moins même si à l'époque on ignore la dangerosité des obus plongeants.
La propulsion est assurée par des turbines à engrenages alimentées en vapeur par des chaudières marchant au charbon. Avec une vitesse théorique de 22.5 nœuds les deux Acorazado font mieux que se défendre.
Fore River Ship and Engine Building Co., Quincy (Massachussetts)Le Rivadavia en constructionLes chantiers navals de Quincy sont connus officiellement sous le nom de Fore River Ship & Engine Building Company. Créés en 1883 sur cette rivière, ils sont d'abord installés à Braintree avant de rallier Quincy en 1901. En 1913, il est racheté par le groupe Bethleheem Steel.
Comme pour de nombreux chantiers navals privés américains, l'immense majorité de la production est constituée de navires militaires, l'US Navy étant une marine prodigue et le segment de la construction navale civile trop concurrentiel pour des chantiers peu compétitifs par rapport aux chantiers européens (et je ne parle même pas des chantiers asiatiques).
Racheté par le groupe General Dynamics en 1964, il à fermé en 1986 après une infructueuse reconversion dans la production de méthaniers.
Parmi les principaux navires construits on trouve des sous-marins pour la marine américaine (mais aussi pour les marines britanniques et japonaises), les cuirassés Rivadavia New Jersey (BB-16), Nevada (BB-36) et Massachusetts (BB-59), les porte-avions Lexington (CV-2 et CV-16) Bunker Hill et Philippine Sea, les croiseurs Salem, Northampton et Long Beach.
New-York Shipbuilding Corporation,Camden (New Jersey)Lancement du croiseur de bataille USS Hawaï (CB-3). Ce navire ne sera jamais achevéCe chantier implanté à Camden dans le New Jersey à été en fonction de 1899 à 1968, achevant plus de 500 navires civils et militaires.
Fondé en 1899 par Henry G. Morse (1850-1903), un ingénieur spécialisé en ponts et génie civil, il devait initialement être installé sur Staten Island mais le projet tomba à l'eau. Henry G. Morse rechercha plusieurs sites allant jusqu'en Virginie. Un temps l'estuaire de la rivière Delaware tint la corde mais finalement le chantier allait s'installer à Camden.
Ce choix répondait au besoin d'un chantier pouvant fabriquer en série des navires en appliquant à la construction navale les principes de la chaine de montage et de la préfabrication. La construction commence en juillet 1899 et dès novembre 1900, le chantier peut construire son premier navire, un pétrolier.
Le chantier naval va connaître une brusque hausse de la production durant le premier conflit mondial. Bis repetita durant le second conflit mondial avec la construction des neuf porte-avions légers de classe Independence (qui avaient été mis sur cale comme croiseurs), le cuirassé USS South Dakota (BB-57) mais aussi 98 LCT.
La fin du second conflit mondial entraine une brusque diminution de l'activité. Outre des navires militaires quelques navires civils sont produits comme le cargo à propulsion nucléaire Savannah.
Le dernier navire civil est produit en 1960 et le dernier navire militaire, le USS Camden est commandé en 1967. Le chantier naval fait faillite en 1968, étant même incapable d'achever son dernier navire, le sous-marin nucléaire d'attaque USS Pogy (SSN-647) qui allait être remorqué à Pascagoula pour y être achevé. Le site est actuellement occupé par le port de Camden.
Parmi les navires les plus fameux construits à Camden on trouve les porte-avions Saratoga et Kitty Hawk, les cuirassés Moreno Idaho et South Dakota, les croiseurs de bataille Alaska et Guam auquel on peut ajouter le Hawaï resté inachevé, le croiseur lourd Indianapolis...... .