Garde-côtes de Corée du Nord

Le 11 août 2020, un patrouilleur nord-coréen a intercepté un groupe d’une dizaine de bateaux de pêche chinois en train d’opérer sans autorisation dans les eaux nord-coréennes, plus précisément au large de Ongjin dans la province de Hwanghae Sud.


Ce n’était pas la première fois, loin s’en fallait, que ce genre d’incident se produisait. Jusqu’à l’année dernière, les Nord-Coréens se contentaient de faire des menaces, parfois assorties de coups de feu en l’air ou dans l’eau en guise de semonce, menaces que les pêcheurs chinois interprètaient comme des incitations à quelque pot-de-vin qui permettaient de faire passer l’infraction sous silence.

Mais le 11 août, le patrouilleur nord-coréen a ouvert le feu en direction d’un des bateaux. Trois marins chinois ont été tués. D’après un pêcheur chinois, ce durcissement de ton ferait suite à d’autres incidents similaires en juin et juillet. En juillet, peut-être par lassitude de payer des pots-de-vin ou par imitation de ce que les Chinois font dans les eaux sud-coréennes ou japonaises, des bateaux chinois avaient éperonné la vedette des autorités nord-coréennes au large de la frontière sino-coréenne à l’embouchure du fleuve Yalu. Suite à cet incident, les autorités chinoises avaient interdit le secteur à leurs pêcheurs. En juin, un bateau de pêche chinois avait été découvert vide, avec d’inquiétantes traces de pieds ensanglantés, au large de Dandong. L’enquête chinoise avait pointé du doigt les garde-côtes nord-coréens mais Pékin avait préféré étouffer l’affaire.

L’incident du 11 août n’a été révélé qu’à la fin du mois.

Le Ministère de la Sécurité d’Etat vient de renforcer la surveillance de ses coopératives de pêche. Cette décision fait suite à une tentative ratée de défection vers la Corée du Sud. Début janvier, le capitaine d’un bateau de pêche, sa femme, leur jeune fils et l’équipage du bateau ont appareillé de Chongjin dans la province de Hamgyong-Nord sur la côte orientale avec l’intention de rallier la Corée du Sud, à quelque 200 Nq au sud. Seuls les deux époux étaient au courant ; l’équipage n’a été prévenu qu’une fois en mer et a adhéré à l’idée. Tous ces gens à part l’enfant ont (ou avaient) entre 20 et 30 ans. Le capitaine avait embarqué des vivres et du carburant en quantités suffisantes. Tout ce monde est resté vigilant pendant la traversée, passant loin au large pour éviter les pêcheurs (qui sont parfois des militaires). La malchance ne les a rattrapés qu’à quelques encablures de la frontière maritime inter-coréenne quand le moteur de 200cv de la barque les a lâchés. Pris par le besoin impérieux de réparer la merveille de fiabilité mécanique made in North Korea, ils ont relâché leur vigilance et n’ont pas vu arriver un patrouilleur des garde-frontières nord-coréens. L’auraient-ils vu approcher que cela n’aurait pas changé grand-chose, de toute façon. Quand les gardes se sont approchés, ils ont vu tout ce monde se saisir frénétiquement de sa brassière de sauvetage pour se jeter à l'eau et continuer à la nage. Ils n'en ont pas eu le loisir. Tout le monde a été arrêté et ramené au bureau provincial du ministère de la Sécurité Publique. L’incident est remonté jusqu’au Comité Central du parti et la surveillance des pêcheurs a été renforcée. Quant aux impétrants, la logique du parti voudrait qu’ils soient internés dans un camp de prisonniers politiques et que leur espérance de vie soit assez limitée.

Takagi a écrit:

[…] une tentative ratée de défection vers la Corée du Sud. Début janvier, le capitaine d’un bateau de pêche, sa femme, leur jeune fils et l’équipage du bateau ont appareillé de Chongjin dans la province de Hamgyong-Nord sur la côte orientale avec l’intention de rallier la Corée du Sud, à quelque 200 Nq au sud.  […] Tout le monde a été arrêté et ramené au bureau provincial du ministère de la Sécurité Publique. […]. Quant aux impétrants, la logique du parti voudrait qu’ils soient internés dans un camp de prisonniers politiques et que leur espérance de vie soit assez limitée. : no

=> si !

D'ailleurs je m'étais questionnée il y a quelque temps sur cette possibilité d'évasion procurée par les campagnes de pêche. On comprend à la lecture de cet incident qu'une promenade touristique vers le sud ne peut être envisagée qu'avec grande circonspection.

Le 25 juillet 2021, trois pêcheurs chinois du port de Zhuanghe dans la province du Liaoning se sont avisés d’aller pêcher le crabe en toute irrégularité dans les eaux nord-coréennes, et plus précisément au large de la province de Pyongyan-Nord. Pour ce faire, ils ont pris place dans une rapide barque à moteur qui permet usuellement de déjouer les patrouilles nord-coréennes.


Malheureusement pour eux, ils n’avaient pas consulté la météo marine. Mal leur en prit : quand ils sont arrivés sur leur zone de pêche, le typhon que les Chinois avaient appelé In-Fa commençait à la balayer mieux que les garde-côtes nord-coréens. Le vent a drossé l’embarcation sur la côte d’une île du comté de Cholsan avant même que les trois hommes aient pu prendre le moindre brachyoure. Comble de malchance, les garde-côtes nord-coréens ont l’habitude d’inspecter les îles après les tempêtes à la recherche de quelque épave. Ils ont rapidement découvert les trois robinsons qui avaient mis pied à terre ; ils ont ensuite appliqué les consignes en vigueur depuis août 2020 et ont abattu les trois hommes avec leurs armes portatives, non sans s’être enquis par radio auprès de leur hiérarchie sur la conduite à tenir.

Deux enquêtes ont été diligentées, l’une en République Populaire de Chine et l’autre en République Démocratique Populaire de Corée. Celle en Chine semble avoir trouvé une des causes de ce regrettable incident : les autorités chinoises ont tardé à autoriser leurs pêcheurs à aller titiller le poisson nord-coréen. D’habitude, ces autorisations sont publiées en août mais cette année les autorités ont décidé d’y surseoir jusqu’en septembre, d’où peut-être l’envie d’aller braconner aux dates habituelles qui a été fatale aux trois pêcheurs. Côté nord-coréen, on invoque la présence dans le comté de Cholsan d’un site de lancement de missiles qui oblige à appliquer des mesures draconiennes de surveillance et de dissuasion.

Les deux côtés semblent d’accord sur un point : il ne faut pas que le trépas des trois braconniers nuise aux relations entre les deux régimes à l’heure où il convient de faire front face au grand Satan.