Homma Raizō (本間頼三) est né le 27 avril 1892 à Kagawa, commune agraire située à la limite de la basse plaine de Yamaguchi et des montagnes, dans la préfecture de Yamaguchi à la pointe sud-ouest de Honshū. Comme l’indique son prénom, il est le troisième garçon de sa famille.
Après avoir suivi les cours de l’école élémentaire de son village, le jeune Raizō est obligé, à l’âge de douze ans, d’aller à Otoshi, à 12km de la maison de ses parents, pour pouvoir entrer au collège. Otoshi est aujourd’hui un quartier de la métropole de Yamaguchi, au nord de Shin-Yamaguchi sur la photo satellite.
La région de Kagawa d'où est originaire la famille Homma. Au vu de ses excellents résultats et de sa grande volonté à profiter de l’éveil de la société japonaise pour se hisser au-dessus du sort peu enviable qui l’attend à la campagne, il est adopté par le chef du village d’Otoshi. Il prend alors le nom de son père adoptif et devient
Tanaka Raizō (田中頼三). Cette adoption lui permet d’être breveté à 15 ans du collège d’Otoshi et d’entrer au lycée de Yamaguchi, dont il sort brillamment trois ans plus tard. N’ayant pas les moyens financiers d’aller à l’université, il présente et réussit le concours d’entrée à l’Académie navale d’Etajima.
En 1913, à sa sortie de l’Académie navale, il est classé 34
e sur les 118 élèves officiers de la 41
e promotion. Il demande à être officier d’armes et s’intéresse aux torpilles. Il a alors 21 ans.
La guerre menaçant, il n’effectue pas de croisière d’application mais, dès sa nomination au grade d’aspirant, il embarque tour à tour sur le croiseur cuirassé AZUMA (19 décembre 1913), le cuirassé AKI (11 août 1914) où il ne reste que deux semaines et le croiseur cuirassé NISSHIN (28 août 1914).
Le croiseur cuirassé NISSHIN Le 1
er décembre 1914, il est nommé enseigne de vaisseau de 2
e classe. Le 1
er octobre 1915, il quitte le NISSHIN et embarque sur le croiseur protégé KASAGI. Le 21 août 1916 enfin, il embarque à bord du croiseur de bataille KONGŌ, dernier grand bâtiment de combat de la Marine Impériale construit à l’étranger et mis en service en 1913. Cet embarquement de trois mois parachève son cycle de formation initiale et, le 1
er décembre 1916, nommé enseigne de vaisseau de 1
e classe, il suit la formation élémentaire de l’école des torpilles puis, le 1
er juin 1917, celle de l’école d’artillerie.
Un destroyer de la classe KAMIKAZE de 1905 (ici, il s'agit du USHIO, photographié à Vladivostok en 1920) À sa sortie, il est affecté sur le destroyer HATSUSHIMO (classe KAMIKAZE de 1905) qui fait partie de la 2
e escadrille de destroyers que le Japon envoie en Méditerranée pour participer à l’escorte des convois alliés. Le 1
er mai 1918, il est affecté à l’état-major de cette flottille puis, le 5 juillet 1918, il embarque sur le destroyer KUSUNOKI (classe KABA de 1915). À son bord, il rentre au Japon en 1919 après un long périple.
Le destroyer KABA en 1923 Il reçoit le 5 août 1919 son premier poste de chef de service torpilles à bord du cuirassé KATORI (classe KASHIMA de 1906). Puis, le 1
er décembre 1919, il est promu lieutenant de vaisseau de 2
e classe et retourne à l’école des torpilles dont il suit le cours de formation supérieure.
Le navire-base de sous-marins KARASAKI, photographié à Seto en 1930. À sa sortie, il est affecté le 1
er décembre 1920 comme chef de service torpilles sur le navire-base de sous-marins KARASAKI (il s’agit de l’ancien EKATARINOSLAV russe capturé en 1904). Son travail, essentiellement technique, consiste à superviser le stockage et l’entretien des torpilles destinées aux sous-marins. Il y reste un peu moins d’un an et, le 10 novembre 1921, il est nommé chef du service torpilles du croiseur cuirassé IWATE (classe IZUMO de 1899) qui vient d’être reclassé comme navire de défense côtière. C’est à son bord qu’il passe lieutenant de vaisseau de 1
e classe en décembre 1922. C’est également son dernier poste sur un grand bâtiment avant longtemps. Il se spécialise définitivement dans les destroyers. Cela fait déjà neuf ans qu’il vit à bord des unités de la Marine Impériale, changeant très souvent de poste et de navire, et il n’a pas beaucoup d’attaches.
Le croiseur cuirassé IWATE, utilisé comme navire-école, photographié devant Mosman dans la baie de Sydney en mai 1934. Le 20 mars 1923, il embarque comme chef du service torpilles du destroyer SHIOKAZE (classe MINEKAZE de 1919). Continuant sa valse d’affectations, il n’y reste que quelques mois avant de prendre le poste de chef du service torpilles du croiseur léger YURA (classe NAGARA de 1922) flambant neuf et qui sert de conducteur de flottille. Un an plus tard, le 1
er décembre 1924, il est nommé à l’état-major de la 5
e escadrille de destroyers.
Le destroyer SHIOKAZE de la classe MINEKAZE, photographié en 1924 avec le croiseur de bataille KONGŌ Le 1
er décembre 1925, promu capitaine de corvette, il est nommé instructeur à l’école des torpilles. C’est son premier poste à terre. Il a alors 33 ans. Il y reste jusqu’au 1
er novembre 1927, date à laquelle il retourne pendant deux ans à l’état-major de la 5
e escadrille de destroyers, embarqué sur un croiseur léger. Puis, le 30 novembre 1929, il est affecté à l’état-major du District Naval (arrondissement maritime) de Kure où il reste une année.
Le 21 novembre 1930, il retrouve la mer et prend le commandement du destroyer TACHIKAZE (classe MINEKAZE de 1919). Pendant son affectation, il est promu capitaine de frégate le 1
er décembre 1930.
Jusqu’ici, il a toujours été promu au grade supérieur dans le premier créneau de sa promotion, ce qui montre qu’il est apprécié. Il est à l’aise sur une passerelle, a un sens tactique développé et ne croit pas aux schémas préétablis, préférant la décision sur place après une estimation rapide de la situation. En cela, il détone par rapport à nombre de ses collègues de promotion et d’état-major. Il a son franc-parler, n’hésite pas à faire valoir ses objections, pousse la chansonnette martiale après avoir bu lors de ses sorties à terre, se met à danser quand il a trop bu. Mais en mer, son sens de l’improvisation, de l’adaptation et du commandement font merveille, surtout en combat de nuit où les destroyers s’entraînent à frapper vite et fort grâce à leurs torpilles et où le succès tient souvent à l’exploitation rapide des opportunités qui se présentent. De par son expérience en Méditerranée en 1918, il a en outre de saines idées sur l’escorte des convois marchands (contre les menaces de la première guerre mondiale) ; cela lui servira en 1941-42.
Le 31 octobre 1931, après avoir commandé le vieux destroyer qu’est le TACHIKAZE, il est nommé Giso-in-cho (commandant pour armement) de l’USHIO (classe FUBUKI II), en achèvement et, le 14 novembre, il devient le premier commandant à la mer de ce destroyer flambant neuf.
Le destroyer USHIO photographié le 4 août 1936 Le 1
er décembre 1932, il le quitte pour une affectation à terre, à l’état-major du District Naval de Yokosuka près de Tōkyō. Il y reste près de trois ans, y passe capitaine de vaisseau (15 novembre 1935), suit les cours de l’École de Guerre Navale, fait un passage de douze mois (janvier-décembre 1936) à l’État-Major de la Marine, puis retourne au District Naval de Yokosuka.
Le 7 janvier 1937, il reprend la mer comme commandant de la 2
e Division de Destroyers, puis comme commandant du croiseur léger JINTSŪ (1
er décembre 1937), conducteur de flottille engagé dans les opérations contre la Chine.
Le 15 décembre 1938, Tanaka Raizō est nommé chef d’état-major du District de Garde (arrondissement maritime moins important qu’un District Naval) de Mako, dans les îles Pescadores (Taiwan). Il s’agit surtout de faire en sorte que les eaux des Pescadores restent libres de mines et d’assurer la police de la navigation, l’atoll de Magong étant une importante base navale avancée de la Marine Impériale.
Le 15 novembre 1939, Tanaka prend le commandement du cuirassé rapide KONGŌ, alors en arrêt technique à Sasebo. Le cuirassé sort du bassin le 28 décembre, puis sort en mer pour entraînement individuel jusqu’en mars 1940. Puis, depuis son mouillage dans la grande baie d’Ariake (Kyūshū), il appareille pour une patrouille au large de la Chine au cours de laquelle il ne rencontre personne. Le 2 avril, il arrive à Takao (Taiwan). De là, il effectue quelques sorties en mer de Chine où il s’agit plus de montrer le pavillon impérial que de lutter contre la flotte chinoise, totalement surclassée et absente de la haute mer. Le 15 novembre, le KONGŌ retourne à Sasebo pour sa dernière modernisation avant la guerre (ajout de blindages sur les barbettes et le long des monte-munitions, modernisation de la ventilation et des installations de lutte contre l’incendie). Ces travaux sont achevés le 10 avril 1941. Le 15, Tanaka quitte son commandement et est temporairement affecté à l’état-major de la 3
e Flotte. Il n’y reste que deux semaines et, le 1
er mai, il prend quelques mois le commandement de la 6
e escadrille de sous-marins (sans faire de patrouille sur un de ces engins : le commandement de l’escadrille s’effectue depuis un croiseur léger…). Le 15 septembre 1941, il prend le commandement de la 2
e escadrille de destroyers et porte sa marque sur le croiseur léger JINTSŪ. Déjà, l’entraînement bat son plein : il ne s’agit plus de lutter contre les contrebandiers et les pirates chinois, mais d’affronter deux des plus puissantes marines du monde à des milliers de milles des bases métropolitaines…
Le 15 octobre, à sept semaines de Pearl Harbor, Tanaka Raizō est promu contre-amiral.
Le croiseur léger JINTSŪ photographié en 1939 après sa dernière grande refonte.
La plateforme d'envol devant la passerelle a disparu,
le hangar à hydravion sous la passerelle est devenu le PC opérations,
et une catapulte a été rajoutée à l'arrière pour lancer l'hydravion de reconnaissance. Outre le JINTSŪ, la 2
e escadrille de destroyers comprend théoriquement les 15
e et 16
e divisions de destroyers, forte chacune de quatre navires de la classe KAGERŌ. Le 2 décembre 1941, elle gagne Palau où se rassemble la flotte chargée de l’invasion du sud des Philippines. Le 6, un convoi de sept transports de troupes appareille à destination de Legaspi, escortés par quatre destroyers. Le JINTSŪ et huit autres destroyers couvrent la force à distance, prêts à intervenir avec la 5
e division de croiseurs lourds (classe MYŌKŌ) du contre-amiral Takagi Takeo, le porte-avions léger RYŪJYŌ et les porte-hydravions CHITOSE et MIZUHO utilisés comme succédanés de porte-avions. Le 10, le croiseur léger et deux de ses destroyers escortent le mouilleur de mines YAEYAMA qui mouille 133 de ses engins dans le détroit de Surigao. Puis commence le débarquement sur Legaspi le 12 décembre, sans opposition navale. Le 14 décembre, la force de couverture est de retour à Palau.
Le 17, elle en repart pour escorter quatorze transports à destination de Davao et Jolo. Le débarquement a lieu à Davao dans la nuit du 19 au 20, là encore sans opposition navale, et celui sur Jolo le soir du 24 décembre.
Le 29 décembre, le JINTSŪ gagne le mouillage de la baie de Malalag (Davao), où se rassemble la force d’invasion en partance pour les Indes Néerlandaises. Et le 9 janvier 1942 commence l’ « opération H », l’invasion de Célèbes : huit transports acheminent les troupes, couverts à distance par la 2
e escadrille de destroyers et les croiseurs de Takagi. Le débarquement a lieu à Kema et à Menado, précédé par une attaque de parachutistes sur l’aérodrome de Langoan. Le JINTSŪ y perd son hydravion E7K2, abattu pendant une mission de reconnaissance. Le 18, le groupe de couverture est de retour à Malalag.
Des soldats japonais progressent dans Menado après le débarquement de janvier 1942 Il en repart le 26 pour gagner le mouillage de Bangka (Célèbes) où se rassemble la force qui va débarquer sur Ambon. Le débarquement est effectué par dix transports le 2 février. Le JINTSŪ et ses destroyers mouillent en baie d’Ambon le 4, en repartent le 9 pour Kendari (Célèbes) pour ravitailler. Le lendemain, ils retournent à Ambon où les attendent les neuf transports qui partent débarquer sur Kupang (Timor occidental), tandis qu’un autre groupe part attaquer Dili (Timor oriental). Pour la première fois, les forces maritimes alliées interviennent : les trois sous-marins américains PICKEREL, TARPON et PIKE interceptent la flotte d’invasion. Le soir du 20, le PICKEREL essaie vainement de gagner une position de lancement torpille sur le JINTSŪ qui s’est immobilisé pour repêcher son nouvel hydravion E7K2, mais il n’arrive pas à s’approcher à moins de 5000m. Les vigies du croiseur repèrent le sous-marin qui se voit contraint de plonger profondément pour échapper au grenadage du JINTSŪ et d’un de ses destroyers. Le 24 février, Timor étant sécurisé, le JINTSŪ et sa flottille repartent de Kupang et gagnent Makassar (Célèbes) où se concentre le convoi de débarquement sur Java.
Carte des lieux cités pendant l'invasion des Indes Néerlandaises Et le 27 février 1942, l’accrochage a lieu en mer de Java contre l’escadre alliée de l’amiral néerlandais Karel Doorman. Au cours de l’engagement, le JINTSŪ, le NAKA et leurs destroyers manœuvrent pour restés interposés entre les croiseurs alliés et les transports japonais. Ils lancent plusieurs attaques à la torpille à très grande distance (12 à 16 000 m), dont une attaque massive de quelque soixante-douze « Longue Lance » qui ratent leurs cibles. Le JINTSŪ reçoit un coup de 120mm tiré par le HMS ELECTRA qui fait un mort et quatre blessés. Mais les transports sont saufs.
Le lendemain, le JINTSŪ continue son escorte autour des cargos ancrés devant les plages de débarquement, la mise à terre du matériel à partir de cargos réquisitionnés et de barges Daihatsu étant assez longue. Au petit matin du 2 mars, près de l’île de Balwean, le sous-marin américain S-38 repère le JINTSŪ, lui lance quatre torpilles mais le rate. Les destroyers obligent le S-38 à se poser sur le fond et à attendre la fin des grenadages. Le 4 mars, le groupe rentre à Tarakan (Bornéo) et y refait les pleins. De là, le JINTSŪ repart pour Makassar puis rentre au Japon. Le 23 mars 1942, il entre à Kure pour entretien et carénage.
Après la bataille de la mer de Java, où la force navale alliée a pourtant été annihilée, Tanaka se voit reprocher d’être resté trop loin de l’adversaire, d’avoir manqué d’esprit offensif. Il répond qu’il a protégé efficacement les transports contre les manœuvres des Alliés. Il critique aussi les plans de l’opération, trop compliqués, qui ont atomisé les commandements et débouché sur des ordres contradictoires dans l’action. Il tire en outre un enseignement tactique de la bataille : la tactique d’avant-guerre de l’attaque massive à la torpille à grande distance ne vaut rien.
Le JINTSŪ passe au bassin du 28 mars au 6 avril. Le 19 avril, il interrompt brusquement les derniers travaux en cours et appareille en urgence : les B-25 américains partis du USS HORNET viennent de bombarder Tōkyō. La sortie tourne court et le soir même le croiseur est de retour à Kure. Jusqu’à la mi-mai, il effectue des entraînements individuels dans la Mer Intérieure.
Pour la campagne suivante (l’invasion de Midway), le JINTSŪ et les 15
e, 16
e et 18
e divisions de destroyers sont chargés de l’escorte rapprochée du convoi des transports de troupes. Le groupe appareille de Kure le 21 mai et arrive à Saipan le 25. Le 28, il en repart avec les transports de troupes. Aux premières heures du 4 mai, il est attaqué par des B-17 partis de Midway qui ratent leurs cibles puis par un PBY qui réussit à torpiller le pétrolier ravitailleur AKEBONO MARU, mais les dégâts sont minimes et le groupe poursuit sa route vers l’atoll. Le 6 juin, toute l’opération est annulée pour une raison que Tanaka ignore, et le groupe rentre à Truk où il arrive le 13 juin. Il y débarque la section du génie qui devait remettre en état l’aérodrome de Midway après sa prise. Le 15, il va déposer le détachement d’infanterie du colonel Ichiki à Guam, puis rapatrie les fusiliers marins à Yokosuka, qu’il touche sans encombre le 21 juin. Le 24, le JINTSŪ gagne le mouillage de Hashirajima, puis revient le 28 à Yokosuka.
Pendant tout le mois de juillet, la 2
e escadrille de destroyers (qui compte le JINTSŪ et les 15
e et 24
e divisions de destroyers, forte chacune de quatre navires) s’entraîne à la lutte anti-sous-marine dans les secteurs d’exercice de Yokosuka.
Le 7 août 1942, le débarquement américain sur Guadalcanal précipite le retour de Tanaka Raizō aux opérations. Il appareille de Yokosuka le 11 août avec son croiseur et la 15
e division de destroyers et arrive à Truk le 15 au terme d’un transit express effectué à 18 nœuds. Renforcée de deux destroyers de la 31
e division, le groupe est affecté à la Force de Renfort, chargée au sein de la 8
e Flotte (dite « flotte des mers du sud ») d’acheminer les renforts sur Guadalcanal.
Carte de Guadalcanal et de ses parages Le 16, une force de six destroyers appareille de Truk avec une partie du détachement Ichiki, chargé de sécuriser une aire de débarquement dans l’est de Guadalcanal, près du cap Taivu. Elle est suivie d’un deuxième groupe, composé des deux cargos mixtes BOSTON MARU et DAIFUKU MARU chargés du reste du détachement Ichiki, de deux patrouilleurs et du JINTSŪ, depuis lequel Tanaka commande l’ensemble du dispositif. Un troisième groupe, composé de l’ancien croiseur auxiliaire KINRYŪ MARU et de deux patrouilleurs, achemine un millier de fusiliers marins. Le 18, ils sont renforcés par trois destroyers de la 24
e division.
Le 19, le premier groupe est attaqué par des B-17 qui enregistrent un coup au but sur le destroyer HAGIKAZE, mais le détachement Ichiki réussit à débarquer. Sans attendre, le bouillant colonel le lance à l’assaut des positions fortifiées des Marines mais l’attaque tourne au carnage et à l’échec.
En mer, Tanaka reçoit un message de la 11
e Flotte Aérienne signalant une Task Force américaine en approche et décide de replier ses navires vers le nord. Peu de temps après, il reçoit un ordre émanant du commandement de la 8
e Flotte lui ordonnant de venir au cap 250 : confusion des messages contradictoires, incompréhensibles depuis la zone d’opérations, hachés par les mauvaises conditions de propagation. Pour couper la poire en deux, Tanaka vient au cap 320…
Le 21 août, il reçoit l’ordre de retenter un débarquement sur Guadalcanal ; la 3
e Flotte du vice-amiral Nagumo doit l’appuyer avec ses trois porte-avions, ses deux cuirassés, ses cinq croiseurs et ses trois destroyers.
Le 23, alors qu’il vient d’être repéré par un PBY, Tanaka reçoit encore des ordres contradictoires : la 8
e Flotte lui ordonne de venir au nord pour dégager la zone et se protéger d’une Task Force américaine en approche, et la 11
e Flotte lui dit de débarquer ses troupes le lendemain à Guadalcanal (ce qu’il ne peut pas faire, compte tenu de la faible vitesse de ses cargos et de la distance qui le sépare alors de l’île).
Le 24, tandis que les groupes de porte-avions se livrent ce qui passera à la postérité sous le nom de bataille de Santa Cruz, les cinq destroyers KAGERO, ISOKAZE, KAWAKAZE, MUTSUKI et YAYOI effectuent un raid de bombardement sur Henderson Field, puis dégagent pour se joindre au groupe de Tanaka qui progresse vers l’île. Le 25, ce groupe élargi est attaqué à 150 milles au nord de Guadalcanal par six Dauntless basés à Guadalcanal : le KINRYŪ MARU est gravement atteint (une de ses soutes à munitions explose), le BOSTON MARU est endommagé par une bombe tombée à proximité et le JINTSŪ reçoit une bombe de 250kg entre les deux affûts de 140mm avant. Un incendie se déclare, obligeant le commandant à faire noyer la soute à munitions avant. À bord, il y a 24 morts et 37 blessés, dont Tanaka. Celui-ci transfère son état-major et sa marque sur le destroyer KAGERŌ tandis que le JINTSŪ éclopé rentre à Truk à 12nd escorté par le SUZUKAZE. Plus tard, tandis que le MUTSUKI et le YAYOI évacuent les rescapés du KINRYŪ MARU, des B-17 arrivent ; ils placent une bombe au but dans la salle des machines du MUTSUKI où elle fait 41 morts et 11 blessés. Le vieux destroyer coule, non sans avoir achevé le KINRYŪ MARU d’une torpille. Le reste du groupe se replie alors sur Shortland sans avoir pu débarquer ses troupes à Guadalcanal.
La "Cactus Air Force" de Guadalcanal, basée à Henderson Field.
Elle va dénier aux Japonais la maîtrise des mers pendant les journées,
les obligeant à adopter des tactiques nocturnes
auxquelles ils sont remarquablement entraînés. Le 27, changement de tactique : puisqu’il est impossible d’approcher Guadalcanal avec des cargos, trop lents, Tanaka appareille de Shortland avec quatre destroyers pour effectuer un aller-retour à grande vitesse vers l’île en plein jour. Onze SBD les interceptent, coulent le ASAGIRI et le YUGIRI, endommagent le SHIRAKUMO : le raid est annulé. Le lendemain, une deuxième tentative réussit à débarquer un millier d’hommes et des canons de campagne nuitamment, sans être interceptée.
Tanaka multiplie ces raids : les cargos acheminent les renforts jusqu’à Shortland, et les destroyers (anciens ou modernes) les acheminent jusqu’à Guadalcanal en effectuant la dernière partie du trajet la nuit pour être à l’abri des attaques aériennes, puis ils repartent se mettre à l’abri avant le lever du jour. Le 30 août, Yamamoto retire à la 8
e Flotte les missions d’escorte des cargos vers Guadalcanal.
Au début, cette tactique ne plaît pas aux équipages des destroyers, qui la baptisent « course du rat » (鼠輸送,
nezumi yusō) et qui grognent d’être pris pour des livreurs obligés de détaler comme des rats avant l’aube. Mais, malgré ses limites, elle seule permet de ravitailler l’île et de lui faire parvenir des renforts. En outre, elle rend aux commandants de groupes de destroyers la liberté de manœuvre tactique qui avait fait merveille dans les manœuvres navales d’avant-guerre : ils ne sont plus inféodés à une escadre et restent maîtres de leur tactique.
Quatre destroyers japonais de l'Express de Tōkyō Et elle va bientôt donner lieu à de violents accrochages avec la marine américaine qui essaie de les intercepter, accrochages dans lesquels l’extraordinaire entraînement au combat de nuit des marins japonais leur permet souvent de prendre le dessus malgré l’avantage que le radar confère aux Américains. La tactique devient si régulière que les Américains baptisent ces groupes de destroyers qui se faufilent contre la côte en file indienne la nuit venue l’ « Express de Tōkyō ».
C’est dans ces missions que Tanaka Raizō donne toute sa mesure. Il y acquiert son surnom de « Tenacious Tanaka » (Tanaka le tenace).
Tanaka Raizō Pourtant, dans les hautes sphères, Tanaka n’est pas bien vu de tout le monde, malgré ses succès et la grande expérience qu’on lui reconnaît volontiers. Il a encaissé des pertes sensibles au début, on lui fait porter une partie de la responsabilité de l’échec du débarquement du 24 août, on lui reproche ses revirements pendant la bataille de Santa Cruz, ignorant les ordres contradictoires ou inapplicables qu’il a reçus. Dans son journal, le contre-amiral Ugaki, plus proche collaborateur de Yamamoto, le cite à quelques reprises, note à l’issue d’une conférence d’état-major tenue à Truk à bord du YAMATO le 2 septembre son caractère revêche, explique qu’il est prompt à critiquer ses chefs et souligne que cela fait bien longtemps qu’il commande à la mer.
Le 9 septembre, un de ces Express de Tōkyō débarque les premiers échelons de la 2
e division d’infanterie du général Hyakutake. Le 15, un autre Express de Tōkyō de sept destroyers réussit à débarquer les derniers 1100 hommes du 4
e régiment (qui est un des trois régiments d’infanterie de la 2
e division). Pratiquement chaque nuit, des groupes acheminent troupes, munitions et ravitaillement qu’ils larguent devant les plages dans des radeaux ou qu’ils transfèrent dans des barges et des barques parties de la côte. Le 9 octobre, l’essentiel de l’infanterie de la 2
e division est sur place, ce qui constitue un exploit.
Malgré son succès, la technique a ses limites : elle ne permet pas d’acheminer les chevaux, les véhicules, et l’artillerie lourde, et les fantassins doivent se contenter de leur armement portatif et de l’artillerie légère démontable, ce qui explique en partie les échecs qu’ils subissent à terre face aux Américains, bien mieux équipés.
Des soldats embarquent sur un destroyer de l'Express de Tōkyō.
La technique a ses limites... Le 11 octobre, les Japonais tentent un nouveau débarquement pour acheminer de l’artillerie lourde à bord de deux porte-hydravions, bien plus rapides que les cargos et dotés d’une rampe arrière pour la mise à l’eau des barges sans même s’arrêter. Tanaka n’est pas de la partie : l’Express de Tōkyō, composé des deux porte-hydravions NISSHIN et CHITOSE et des six destroyers ASAGUMO, NATSUGUMO, YAMAGUMO, SHIRAYUKI, MURAKUMO et AKIZUKI, est commandé par le contre-amiral Jōjima Takatsugu. Une force de couverture, chargée notamment de bombarder l’aérodrome, comprend les croiseurs lourds AOBA, KINUGASA et FURUTAKA et les destroyers FUBUKI et HATSUYUKI ; elle est commandée par le contre-amiral Gotō Aritomo, grand ami de Tanaka et comme lui très critique envers l’atomisation du commandement tactique japonais. Pour la première fois, les Américains essayent d’intercepter l’Express de Tōkyō et l’affaire donne lieu à ce que les Japonais appellent la 2
e bataille de Savo et les Américains la bataille du cap Esperance, dans la nuit du 11 au 12 octobre 1942. Dans un affrontement particulièrement confus, les Américains interceptent le groupe de Gotō mais l’Express de Tōkyō de Jōjima peut débarquer son matériel.
Et le lendemain, 13 octobre, c’est Tanaka Raizō qui commande l’Express de Tōkyō : tandis qu’une escadre comprenant les deux cuirassés rapides KONGŌ et HARUNA, le croiseur léger ISUZU et neuf destroyers sous les ordres de l’amiral Kurita Takeo pilonne l’aérodrome de Henderson Field dans la nuit du 13 au 14 octobre, détruisant 48 des 90 avions qui s’y trouvent, Tanaka débarque 4500 hommes à Tassafaronga, à l’ouest du cap Lunga. Le 15, profitant du K.O. de l’aviation américaine, six cargos japonais débarquent du matériel sur la plage de Tassafaronga, à la barbe des Américains. Dans la nuit du 15 au 16, les croiseurs lourds MYŌKŌ et MAYA poursuivent le bombardement de l’aérodrome et expédient quelque 1500 obus dans le périmètre défensif américain.
Mais le 22 octobre, l’offensive terrestre de la 2
e division sur la rivière Matanikau commence mal : l’artillerie américaine est trop forte. Malgré quelques avancées le 23 octobre, les Japonais se replient sur leurs positions le 24 après de très violents combats. Mais un moment les Japonais pensent (à tort) que leurs troupes ont pris l’aérodrome. Ils ne replient pas le groupe du contre-amiral Takama Tamotsu, qui aligne le croiseur léger YURA et les destroyers AKIZUKI, HARUSAME, MURASAME et YŪDACHI. Le groupe subit deux attaques aériennes à l’ouvert du détroit Indispensable qui forcent les Japonais à saborder le YURA dont la salle des machines a été détruite et noyée.
Pendant ce temps, au large, d’importantes escadres conduites par les amiraux Halsey, Kinkaid, Nagumo et Kondō se livrent la bataille connue au Japon comme la Bataille du Pacifique Sud (南太平洋海戦) et en Occident comme la 2
e Bataille de Santa Cruz.
Mais à terre, malgré tout le déploiement naval au large pour engager les Task Forces de porte-avions américains, l’offensive est un échec. Le 27 octobre, l’offensive est abandonnée, après la perte de 3500 hommes. Le 1
er novembre, ce sont les Américains qui passent à l’offensive à l’ouest et à l’est de leur périmètre défensif.
L’Express de Tōkyō reprend ses courses du rat : dans la nuit du 29 au 30 octobre, le SHIGURE et l’ARIAKE débarquent du ravitaillement. Le 3 novembre, le croiseur léger TENRYŪ, un transport et trois destroyers débarquent un renfort de 1500 hommes du 230
e régiment d’infanterie et des munitions près du village de Tetere, à l’est du périmètre américain. Le 6, le TENRYŪ et pas moins de quinze destroyers débarquent le major général Ito Takeo qui prend le commandement d’une force de 5000 hommes de la 38
e division d’infanterie à l’ouest du périmètre.
Le 9, le TENRYŪ et huit destroyers reviennent pour livrer du ravitaillement.
Le 10, cinq destroyers amènent des troupes.
Les Américains apprennent par leur service de renseignement que les Japonais préparent une nouvelle tentative de débarquement en force et ils stoppent leurs progressions à terre pour se concentrer sur la défense de Lunga.
Dans la nuit du 12 au 13 novembre, un puissant groupe commandé par le vice-amiral Abe Hiroaki essaie de franchir le détroit de Savo avec les cuirassés rapides HIEI et KIRISHIMA et une escadrille de contre-torpilleurs, avec mission de bombarder l'aérodrome. L'affaire donne lieu à première bataille navale de Guadalcanal. Abe perd le HIEI et les deux destroyers YŪDACHI et AMATSUKAZE, et rompt le combat sans avoir atteint sa position de tir devant Henderson Field.
Dans la nuit du 13 au 14, les deux croiseurs lourds SUZUYA et MAYA, le TENRYŪ et six destroyers bombardent l’aérodrome - sans grand résultat - tandis que le reste des croiseurs du vice-amiral Mikawa Guneichi montent la garde. Les trente-cinq minutes de bombardement causent des dégâts aux installations et aux appareils américains mais la base aérienne reste opérationnelle. Un convoi de transports de troupes est obligé de se replier sur Rabaul mais ne parvient pas à se mettre hors de portée des avions avant l'aube et subit d'importantes pertes (6 cargos coulés, 450 hommes perdus).
La nuit suivante, le vice-amiral Kondō Nobutake refait une tentative de bombardement de l'aérodrome avec le KIRISHIMA, les croiseurs lourds ATAGO et TAKAO, deux croiseurs légers et neuf destroyers. Deux cuirassés américains modernes et une force de croiseurs et de destroyers les attendent, donnant lieu à la deuxième bataille navale de Guadalcanal, qui voit la perte du KIRISHIMA et du destroyer AYANAMI sans que l'aérodrome soit approché.
Le 20 novembre, l’offensive terrestre japonaise commence à l’ouest, menée par la 38
e division. Elle tient en échec une contre-offensive américaine. À l’est, les restes de la 2
e division réussissent aussi à fixer les Américains. Mais les Japonais manquent de ravitaillement, de médicaments et de munitions pour tenir longtemps : le 26, les troupes engagées en première ligne n’ont rien reçu depuis six jours et celles gardées en arrière ne mangent plus qu’un tiers de leur ration quotidienne normale.
Un Express de Tōkyō se rassemble à Shortland pour leur acheminer des vivres. Les destroyers KUROSHIO, OYASHIO, KAGERŌ, SUZUKAZE, KAWAKAZE et MAKINAMI débarquent leurs torpilles de recharge et embarquent entre 200 et 240 bidons chacun. Ces bidons, chargés de vivres mais gardant une flottabilité positive, sont attachés les uns aux autres. Les destroyers doivent les larguer au ras de la côte d’où des soldats viendront les haler à terre. Les deux destroyers TAKANAMI et NAGANAMI (à bord duquel Tanaka Raizō hisse sa marque) conservent tout leur armement et doivent couvrir le raid.
Le destroyer NAGANAMI, navire-amiral de Tanaka à Tassafaronga Le 29, les Américains interceptent des messages radio leur indiquant que Tanaka va tenter d’atteindre Guadalcanal. Ils placent les quatre destroyers FLETCHER, DRAYTON, MAURY et PERKINS en piquet radar avancé, avec mission de repérer et signaler les Japonais quand ils arriveront. Derrière eux, les croiseurs lourds MINNEAPOLIS, NORTHAMPTON, PENSACOLA et NEW ORLEANS ainsi que le croiseur léger HONOLULU prendront alors le relais pour écraser les destroyers japonais sous le feu de leur artillerie.
Tanaka appareille de Shortland peu après minuit dans la nuit du 29 au 30. Un avion de reconnaissance lui apprend qu’il est attendu.
À 21h40 le soir du 30, la vigie du NAGANAMI aperçoit l’île de Savo. Le NAGANAMI mène la file des destroyers ravitailleurs, en ligne de file à 600m les uns des autres. Par son travers, le TAKANAMI monte la garde à 2000m de la ligne.
Les Américains sont alors en rapprochement. La nuit est noire, sans lune, avec une visibilité médiocre, réduite par endroits à 3000m.
À 22h40, Tanaka est passé au sud de Savo et longe la côte de Guadalcanal à 5000m de distance. Il fait réduire à 12nd pour éviter que les fluorescences des vagues d’étrave et des sillages ne trahissent sa présence.
À 23h06, il ne le sait pas mais les croiseurs américains l’ont détecté au radar, à plus de 20 000 m de distance. À 23h14, c’est le destroyer FLETCHER qui établit le contact à son tour.
Inconscients du danger, les Japonais se divisent en deux : le NAGANAMI, le KAWAKAZE et le SUZUKAZE se dirigent vers le banc de Doma pour y larguer leurs bidons, tandis que le MAKINAMI, l’OYASHIO, le KAGERŌ et le KUROSHIO se dirigent vers Tassafaronga pour faire de même, et que le TAKANAMI continue à monter la garde.
L’accrochage est passé à la postérité sous le nom de bataille du cap Lunga (ルンガ沖夜戦) au Japon et de bataille de Tassafaronga aux USA.
Carte de la bataille de Tassafaronga Les destroyers américains ouvrent la danse en lançant, en limite de portée, vingt torpilles Mk15 qui ratent toutes leurs cibles.
À 23h21, les croiseurs déclenchent le feu de leur artillerie en le concentrant sur le TAKANAMI, interposé entre eux et les destroyers ravitailleurs. Celui-ci riposte, lance hâtivement huit torpilles Longue Lance en direction des départs de coup, mais succombe rapidement sous les obus.
Alerté et se sachant repéré, Tanaka fait forcer l’allure. Le NAGANAMI abat de 180° sur sa droite, lâche un rideau de fumée et ouvre le feu en direction des croiseurs. Derrière lui, le KAWAKAZE et le SUZUKAZE viennent sur leur gauche. À 23h23, le SUZUKAZE lance ses huit Longue Lance, imité par le NAGANAMI et le KAWAKAZE à 23h32 et 23h33.
Pendant ce temps, l’autre groupe de quatre destroyers japonais a continué sa route à vitesse discrète vers la côte de Guadalcanal, passant derrière le TAKANAMI pris pour cible par les Américains. Dès qu’il le peut, c’est-à-dire à 23h28, le KUROSHIO lance quatre torpilles et l’OYASHIO huit autres, puis les quatre destroyers font demi-tour et accélèrent.
Et pendant ce temps, la file des croiseurs US continue sa route rectiligne pour ne pas dérégler son tir, alors que pas moins de 44 torpilles Longue Lance s’approchent d’elle…
À 23h27, deux torpilles frappent le MINNEAPOLIS sur bâbord. L’une d’elles fait exploser le réservoir d’essence d’aviation de l’étrave, l’autre éventre trois des quatre salles des chaudières. Brisée, l’étrave devant la tourelle principale n°1 s’effondre dans la mer, prenant un angle de 70° tandis que le croiseur perd en même temps sa puissance propulsive et sa capacité à gouverner du fait de ses dégâts.
Le MINNEAPOLIS après la bataille Moins d’une minute plus tard, une autre torpille frappe le NEW ORLEANS au niveau de la tourelle n°1. Le blindage pare-torpille étant totalement inadéquat, la Longue Lance fait exploser la soute à munitions avant et le réservoir d’essence à aviation. Toute la proue du croiseur se déchire et se détache à hauteur de la tourelle n°2, puis coule. Le croiseur, privé d’un coup de 1800 tonnes de son déplacement, embarde sur tribord, court sur son erre avant de perdre sa capacité à gouverner.
Le NEW ORLEANS après la bataille Derrière lui, le PENSACOLA effectue une baïonnette sur bâbord pour éviter les deux éclopés, puis reprend sa route et fait mettre à 30nd. Totalement ignorants des capacités des torpilles japonaises, les Américains pensent en effet être la cible de tirs d’artillerie… Fatale erreur : à 23h39, une torpille frappe le PENSACOLA au droit du mât principal, éventre et incendie une soute à carburant, lequel se répand enflammé dans les intérieurs du croiseur. La ligne d’arbres extérieure bâbord arrachée, le PENSACOLA prend 13° de gîte, perd sa propulsion, sa barre et ses communications.
Le PENSACOLA après la bataille Derrière lui, le commandant du HONOLULU est plus inspiré – ou plus chanceux – et manœuvre franchement pour doubler les croiseurs éclopés sur tribord. Il échappe à la gerbe des torpilles et s’éloigne à 30nd tout en continuant à tirer sur les destroyers japonais qui s’éloignent.
Dernier croiseur de la ligne, le NORTHAMPTON suit le HONOLULU mais manœuvre moins vivement et, surtout, n’accélère pas. À 23h48, alors qu’il reprend une route parallèle à celle qu’il avait avant sa baïonnette, il encaisse deux des torpilles du KAWAKAZE. L’une frappe la salle des machines arrière à 3m sous la flottaison, la deuxième 12m en arrière de la première. Sa machine arrière noyée, trois de ses quatre lignes d’arbres stoppées, le croiseur prend feu et accuse bientôt 10° de gîte.
Une vedette rapide ramène à terre des rescapés du NORTHAMPTON Avant même que ses dernières Longue Lance atteignent leurs cibles, Tanaka ordonne à 23h44 de rompre le combat et de se retirer à l’ouest de Guadalcanal. Avant de quitter la place, le KUROSHIO et le KAGERŌ lancent huit dernières torpilles, qui ratent leurs cibles. N’entendant pas le TAKANAMI répondre à la radio, Tanaka ordonne à l’OYASHIO et KUROSHIO de lui porter assistance. Les deux destroyers repèrent l’épave incendiée de leur congénère à 1h du matin mais renoncent à lui porter secours après avoir détecté des navires ennemis dans le secteur.
Après avoir repris leur formation, les sept destroyers du groupe Tanaka mettent cap au nord-ouest vers Shortland qu’ils atteignent en fin de matinée.
Pour la perte du TAKANAMI, et malgré l’avantage que les Américains avaient sur lui grâce à leurs radars, Tanaka a réussi à s’échapper de la souricière et à mettre hors de combat pour longtemps quatre croiseurs lourds, dont l’un (le NORTHAMPTON) coule peu après 3h du matin.
La bataille de Tassafaronga reste une des pires défaites navales américaines de la Guerre du Pacifique. Elle reste emblématique de l’entraînement exceptionnel qu’avaient acquis les équipages des destroyers japonais au combat de nuit et de l’excellence de leurs très redoutables torpilles.
Mais Tanaka n’a pas réussi à débarquer son chargement.
Un destroyer de la classe AKIZUKI à laquelle appartient le TERUZUKI Dans la nuit du 2 au 3 décembre, il revient avec dix destroyers et réussit à larguer 1500 bidons (dont 310 sont détruits par l’aviation américaine avant d’avoir pu être récupérés).
Le 3 décembre, un nouvel Express de Tōkyō est attaqué par huit Dauntless et sept Avenger de l’US Navy à 150 milles au nord-ouest de Guadalcanal : le destroyer MAKINAMI est touché, obligeant le groupe à faire demi-tour avec ses 1500 fantassins.
Le 7, une nouvelle tentative de douze destroyers échoue, repoussée par des vedettes lance-torpilles au large du cap Esperance.
Le 11 décembre, Tanaka essaie encore, emmenant onze destroyers depuis le flambant neuf TERUZUKI. Cinq vedettes lance-torpilles interceptent le convoi : le TERUZUKI, torpillé, doit être sabordé, et Tanaka, blessé, transfère sa marque sur le NAGANAMI. Sur le plan logistique, le raid est encore un échec : seuls 220 des 1200 bidons atteignent leur destination.
À la suite de cette série d’échecs et de la perte du sous-marin I-3 dans une autre mission de ravitaillement, la Marine impériale annonce qu’elle n’a plus les moyens de ravitailler les troupes restées dans l’île : cela lui coûte trop cher en navires et en avions.
Tanaka Raizō se voit vivement reprocher la perte du TERUZUKI. Est-ce la rancœur générale devant l’échec de l’ensemble de la campagne de Guadalcanal ? On lui reproche d’avoir embouqué le détroit de Savo à trop faible vitesse. Il a beau rétorquer que c’était pour éviter les luminescences des vagues d’étrave, on ne l’écoute pas. On lui reproche aussi d’avoir placé son TERUZUKI au centre de la ligne des destroyers, et non en tête, comme s’il avait eu peur. Il a beau expliquer que c’était pour que tout le groupe bénéficie de la protection de la puissante DCA du TERUZUKI pendant le transit de jour, rien n’y fait. On lui ressert l’inefficacité de son action en mer de Java, due au fait qu’il était resté à distance de l’ennemi.
Profitant du fait qu’il a été blessé dans sa dernière action, on l’expédie en convalescence à Singapour le 29 décembre 1942. Au début de 1943, le haut commandement de la Marine Impériale l’envoie à terre, en Birmanie, où il reste relégué jusqu’à la fin de la guerre. Le 15 octobre 1944, cependant, il est promu vice-amiral et prend le commandement de la 13
e Unité Auxiliaire qui arme la petite base navale de Rangoon. Fin avril 1945, lors de l'évacuation de la ville devant l'avancée des Britanniques, il replie son unité sur Moulmein (1
er mai 1945), puis sur Bangkok. Il s'y trouve encore lors de la capitulation du Japon.
Le 26 juin 1946, il prend sa retraite de la Marine Impériale et prend un travail dans l’industrie. Il prend aussi le temps de vivre un peu pour lui : son fils et sa fille naissent après la guerre, alors qu’il a plus de 55 ans.
L’historien militaire américain Samuel Eliot Morison le qualifie de chef de guerre exceptionnel dans sa monumentale
Histoire des opérations navales américaines de la 2e Guerre Mondiale dont les quinze volumes paraissent entre 1947 et 1962. Interviewé, Tanaka explique que la réputation de « Tanaka le tenace » qu’on lui fait est très exagérée et attribue les succès de ses missions, notamment celle de Tassafaronga, à l’excellent entraînement des équipages de destroyers et à l’esprit d’initiative éclairée de leurs officiers et de leurs commandants. Ses mérites, selon lui, se sont limités à émettre des ordres d’opération simples et clairs, laissant aux commandants une grande liberté d’action au combat, fidèle à son idée que c’est sur le terrain que se prennent les décisions, pas depuis l’arrière.
Quel meilleur hommage pouvait-il rendre aux équipages des 駆逐艦, les
kuchiku-kan, redoutables destroyers de la Marine Impériale du début de la guerre ?
Tanaka Raizō est mort le 9 juillet 1969 à l’âge de 77 ans.