SNLE CLASSE VANGUARD
(GRANDE BRETAGNE)Le HMS Vanguard de retour au port, seul moment où ce Leviathan des profondeurs remonte à la surface AVANT PROPOS Les britanniques et la bombeComme la France ou encore l'Allemagne, la Grande Bretagne comprend très rapidement les potentialités militaires de l'atome. Bénéficiant de l'apport de physiciens exilés comme Otto Frisch, les britanniques lancent le programme «Tube Alloys» le 10 avril 1940 qui bénéficia d'un accès privilégié au projet «Manhattan».
Installés notament au Québec dans la région de Montréal, les britanniques purent avancer assez rapidement dans la mise au point d'une bombe atomique. En juillet 1943, les américains stoppent l'échange d'informations avec leur fidèle allié britannique. Pour solde de tout compte, l'accord de Québec signé le 19 août 1943 prévoyait un ultime échange d'informations et la récupération par les britanniques de tout leur matériel.
«the special relationship» (la relation spéciale) était cependant trop forte entre la métropole et son ancienne colonie et des observateurs britanniques furent présents jusqu'au bout qu'il s'agisse des dernières étapes du projet Manhattan et également le largage sur Nagasaki, deux officiers britanniques étant embarqués sur l'avion d'observation «Big Stink».
La guerre terminée, le dévellopement de la bombe britannique continua avec la création à Harwell (Oxfordshire) par John Cockcroft en 1946 de l'Atomic Energy Research Establishment (AERE). Les britanniques esperaient encore à cette époque que les américains partageraient leur savoir mais le passage du McMahon Act (Atomic Energy Act) du 1er août 1946 doucha leurs ardeurs : Washington n'était pas partageur.
Le gouvernement travailliste décida donc de dévelloper une bombe atomique «100% britannique» et au AERE s'ajouta l'Atomic Weapons Research Establishment (AWRE) installé à RAF Aldermaston dans le Berkshire qui reprit le contrôle du projet High Explosive Research (HER) lancé en mai 1947.
Les britanniques auraient du être les seconds à tester une arme atomique puisqu'ils avaient bénéficié de leurs propres recherches et d'une _relative_ coopération américaine mais ils furent dévancés par les soviétiques qui bénéficiant de l'action d'espions aussi haut placés que Klaus Fuchs et David Greenglass qui firent exploser leur première bombe atomique le 29 août 1949 sur le polygone de Semipalatinsk au Kazakstan quatre ans avant la date prévue par l'administration américaine.
La première bombe atomique britannique explosa le 3 octobre 1952 dans les îles Monte Bello au nord ouest de l'Australie (opération Hurricane), la bombe en question étant une version modifiée de «Fat Man» qui avait explosé au dessus de Nagasaki le 9 août 1945. La bombe étant fixée sous la coque de l'ancienne frégate HMS Plym mouillé à 400m de l'île Trimouille.
Entre 1952 et 1958, les britanniques réalisèrent 21 essais atmosphériques dans le Pacifique dans les îles Monte Bello (trois), à Emu Field (deux) à Maralinga (sept) _ces trois sites se situant en Australie_, trois sur l'ile Maden dans l'archipel des Kiribati avec notament le premier essai d'une arme thermonucléaire (opération Grapple) le 21 octobre 1957 et enfin six sur l'île Christmas toujours dans l'archipel des Kiribati.
Les britanniques réalisèrent ensuite une série de 24 essais nucléaires souterrains, tous réalisés dans le site d'essais américain du Nevada, le premier nom de code «Pampas» eut lieu le 1er mars 1962 et le dernier nom de code «Bristol» ayant lieu le 26 novembre 1991.
A noter que la répartition était particulièrement hétérogène avec deux en 1962, deux en 1964 et un en 1965. Après une interruption de près de neuf ans, il n'y en eu qu'un en 1974, un autre en 1976, un en 1978, un en 1979, un «record» en 1980 avec pas moins de trois essais, un par an de 1981 à 1983, deux en 1984, un par an de 1985 à 1991 (moins une année blanche en 1988).
La mise au point d'armes atomiques était une chose, trouver les moyens de les larguer sur l'Union Soviétique en était une autre......... .
Les vecteurs de la force de frappe britanniquesLes bombardiers nucléaires britanniquesA la suite des premiers essais nucléaires, les britanniques mirent au point leur première arme nucléaire opérationelle baptisée Blue Danube dont le premier exemplaire fût livré à la Royal Air Force en novembre 1953 à une époque où aucun avion capable de l'emporter n'était disponible.
Logiquement, pour le premier vecteur de leur arme nucléaire, les britanniques imitèrent les américains en choisissant l'avion et plutôt qu'un, ils dévellopèrent trois avions, les fameux V-Bombers.
La fin de la seconde guerre mondiale vit le Bomber Command équipé de bombardiers quadrimoteurs type Handley Page Halifax, Avro Lancaster et Avro Lincoln, un appareil étroitement dérivé du précédent.
Le dévellopement de l'arme nucléaire et de la propulsion à réaction obligea les autorités britanniques à réviser leur politique d'équipement. Le renforcement de la DCA couvrant le territoire de l'URSS poussa les autorités britanniques à imaginer s'équiper de bombardiers rapides, évoluant à très grande vitesse, larguant leur bombe avant de regagner leur base et échappant ainsi à toute interception.
Le Vickers Valiant au sol dans sa livrée camouflée basse altitude Le premier appareil dévellopé dans le cadre de ce programme fût le Vickers Valiant, un appareil choisit au final à cause de son design moins avancé que ceux proposés par Avro (le futur Vulcan) et Handley Page (le futur Victor) et donc moins susceptible de poser de problèmes de dévellopement.
Le Vickers type 660 effectua son premier vol le 18 mai 1951, vingt-sept mois seulement après le lancement du programme qui avait vu également la mise au point d'un appareil de transition, le Short Sperrin produit à deux exemplaires toujours pour se couvrir. 25 Vickers Valiant B.1 avaient été commandés dès avril 1951, avant même le vol du premier prototype, le premier exemplaire de série volant en décembre 1953 et fût livré à la RAF en janvier 1955.
Outre trois prototypes, 104 Vickers Valiant furent construits, 39 Valiant B.1 (incluant cinq appareils de préproductions type 674 et donc trente-quatre type 706 de série. Ils sont suivis par 8 type 710 Valiant B(PR).1 capable de mener aussi bien des missions de bombardement et de reconnaissance photographique, 13 type 733 Valiant B(PR)K.1 capable de mener des missions de bombardement, de reconnaissance photo et de ravitaillement en vol.
Les 44 derniers appareils produits furent des Type 758 Valiant B(K).1 de bombardement et de ravitaillement en vol. Cette variante aurait du être produit à 60 appareils mais la construction de 16 appareils fût abandonnée. La production du Valiant cessa en août 1957. Dix squadrons opérationnels mirent en oeuvre le Vickers Valiant, les squadrons 7,18,49,90, 138,148,190,207,214 et 543.
Bombardier nucléaire à l'origine, le Vickers Valiant fût utilisé comme bombardier conventionnel lors de l'opération Muskeeter en novembre 1956 quand le premier des V-Bomber bombarda les aérodromes et les cibles egyptiennes. Ce fût la seule mission de guerre des V-Bomber jusqu'au mémorable raid des Vulcan sur Port Stanley lors de la guerre des Malouines. C'est le Valiant qui participa aussi au largage des bombes lors des essais nucléaires atmosphériques britanniques.
La destruction de l'U-2 de Gary Powers le 1er mai 1960 par un missile surface-air SA-2 «Guideline» montra l'efficacité de la défense antiaérienne soviétique contre un appareil pourtant discret rendit illusoire un bombardement à haute altitude. La seule façon d'attaquer l'URSS avec efficacité était donc l'infiltration à basse altitude.
Malheureusement pour le bombardier de Vickers, les efforts demandés à la cellule par un vol à très basse altitude étaient trop importants et après un accident le 6 août 1964, le Vickers Valiant cessa d'être un bombardier en décembre 1964 à une époque où encore trois squadrons étaient utilisés pour le bombardement (squadron 49, 148 et 207) plus deux squadrons de ravitailleurs en vol (squadron 90 et 214) et un squadron de reconnaissance photo (squadron 543) et tous les appareils retirés du service en janvier 1965, le coût des modifications de la cellule étant jugé bien trop coûteux.
Un Avro Vulcan en vol Le deuxième V-Bomber, le Avro Vulcan, utilisa l'aile delta, inventée par les allemands durant la seconde guerre mondiale notament par Alexander Lippsich qui après guerre fût envoyé aux Etats Unis. Néanmoins ces travaux furent cependant assez largement publiés pour pousser Avro à dévelloper son bombardier avec une aile delta dans laquelle seraient noyés les réacteurs.
Au total 136 appareils (deux prototypes inclus) furent construits, les appareils de série étant livrés à partir de 1957, servant au sein de neuf squadron de la RAF, le squadron 9, le squadron 12,le squadron 27, le squadron 35,le squadron 44,le squadron 50,le squadron 83, le squadron 101 et le squadron 617 de 1958 à 1981.
Comme les Valiant, les Avro Vulcan furent d'abord utilisés comme bombardiers supersoniques à haute altitude armés de bombes nucléaires à gravité puis de missiles Blue Steel mais le dévellopement de la défense antiaérienne soviétique poussa la RAF à adapter le Vulcan à la pénétration à basse altitude sous la couverture radar. Le missile américain Douglas Skybolt ayant unilatéralement abandonné par les américains, les britanniques réarmèrent leurs Vulcan après le retrait des Blue Steel en 1966 de bombes nucléaires tactiques WE177.
L'Avro Vulcan participa également à des missions de guerre. Si le Valiant bombarda l'Egypte en 1956, le Vulcan lui se chargea de rappeler aux généraux argentins la détermination du lion Britannique.
Au cours de sept missions Black Buck, des Avro Vulcan décollant de l'île d'Ascension bombardèrent Port Stanley et notament l'aérodrome. Si les dégâts étaient peu importants, l'impact psychologique fût important, dissuadant notament l'armée de l'air argentine d'y baser ses Mirage, Skyhawk et autres Dagger. L'ancien bombardier fût également utilisé comme appareil de ravitaillement en vol, comme appareil de guerre électronique et de reconnaissance maritime jusqu'à son retrait du service en mars 1984.
Le Handley Page Victor Le troisième membre du club «V-Bomber» était issu de la même entreprise que le célèbre Halifax à savoir la firme Handley Page.Entré en service en 1958, le Victor ne fût retiré du service qu'en 1993 alors qu'il était utilisé à l'époque comme ravitailleur en vol. Entre 1962 et 1966, plusieurs Victor effectuèrent des missions d'attaque pour soutenir la Malaisie contre l'Indonésie à propos de Bornéo. Le Victor fût ainsi utilisé par neuf squadrons de la RAF, les squadrons 10, 15, 55,57,100,134,139,214 et 543 et participa à la guerre des Malouines en 1982 et à la guerre du Golfe en 1990/91.
Les missiles balistiquesLes allemands en dévellopant le missile V-2 avait montré les possibilités des engins balistiques qui connurent dans l'immédiat après de formidables progrès. Les avions étaient plus souples d'utilisation pour délivrer le feu nucléaire mais vulnérables à la DCA alors que les missiles balistiques étaient virtuellement invulnérables et donc le vecteur rêvé.
Le 27 décembre 1955, la firme Douglas reçut de l'USAF un contrat pour le dévellopement d'un missile balistique à portée intermédiaire ou Intermediate Range Balistic Missile (IRBM) bientôt baptisé PGM-17 Thor.
L'IRBM Douglas Thor Ce missile lancé depuis des bases fixes et donc vulnérable fût déployé par les américains en Grande Bretagne à partir de 1959 pour permettre à ce missile de frapper des cibles en URSS et contrer les missiles équivalents utilisés par les soviétiques.
Ce missile ne tarda pas à intéresser la RAF pour compléter sa dissuasion nucléaire et en 1959, vingt squadrons soit un total d'une soixantaine de Thor furent mis en service mais leur carrière fût des plus brèves puisque ces missiles furent retirés du service actif dès 1963.
Comme nous venons de le voir, les britanniques ont utilisé brièvement le missile américain Thor, suivant notament l'accord américano-britannique de 1958 sur l'utilisation d'armes nucléaires. Au Thor, devait s'ajouter un véritable missile balistique stratégique connu sous son «Rainbow Code», le Blue Streak.
Missile Blue Streak C'est en janvier 1955 que les britanniques décidèrent de se dôter d'un missile balistique de conception et de fabrication nationale, lancé depuis des silos fixes ce qui allait en partie conduire à son abandon car trouver des sites isolés sur une île surpeuplée était une véritable gageure.
Techniquement simple mais efficace, inspiré des technologies du missile américain Atlas, il bénéficia de l'abandon en 1956 du bombardier supersonique Avro 730 censé remplacer les V-Bombers.
Néanmoins en avril 1960, le dévellopement du Blue Streak fût abandonné essentiellement pour des raisons politiques car techniquement il ne représentait aucun défaut technique majeur. Il aurait du être remplacé par le Douglas Skybolt destiné aux V-Bomber mais ce dernier fût à son tour abandonné en février 1962, sonna le glas des missiles balistiques britanniques basés à terre. L'avenir était aux missiles balistiques lancés par sous marins et abandonnant toute indépendance, la Royal Navy décida de se dôter de missiles américains Polaris.
Les premiers SNLE sont américainsLes missiles balistiques de première génération ont un inconvénient majeur pour l'immense majorité d'entre-eux : ils sont tirés depuis des silos fixes, des installations connues par l'ennemi et donc hautement vulnérables à une frappe de «décapitation».
Même un système mobile terrestre n'est pas exempte de reproches au niveau de vulnérabilité surtout en ces temps de paranoïa où à tendance à voir des saboteurs et des provocateurs partout. D'où l'idée d'utiliser le sous marin pour délivrer la charge atomique.
Problème le sous marin conventionel doit régulièrement refaire surface (ou du moins s'en approcher avec le snorchel) pour recharger ses batteries ce qui le rend vulnérable aux moyens ennemis de lutte ASM.
Le problème est résolu avec la mise au point du sous marin à propulsion nucléaire, réalisant le vieux fantasme des sous mariniers du monde entier : le sous marin autonome. Le premier d'entre-eux mis en service en 1957, le USS Nautilus ringardise toutes les procédures ASM mises au point depuis la guerre et qui avaient déjà été fortement ébranlées avec l'apparition des nouveaux submersibles rapides inspirés par les type XXI allemands.
Problème majeur : si lancer une torpille depuis un sous marin nucléaire est aussi simple que la lancer depuis un sous marin conventionel, lancer un missile est autrement plus compliqué. Quelques submersibles américains armés de missiles Regulus assuraient bien la dissuasion mais ces sous marins devaient faire surface pour lancer ce qui les rendaient hautement vulnérables.
Les progrès rapides permettent d'envisager ce qui semblait il y à peu une chimère : lancer en immersion avec précision un missile balistique contre un objectif très éloigné.
Le USS George Washington Comme pour le Nautilus, ce sont les américains qui déploient le premier SNLE ou SSBN, le USS George Washington (SSBN-598), premier d'une classe de cinq unités (Patrick Henry, Theodore Roosevelt, Robert E. Lee et Abraham Lincoln) dont la mise en service s'étala de 1959 à 1961. En service jusqu'au début des années quatre-vingt (1982 pour le Théodore Roosevelt et l'Abraham Lincoln, 1983 pour le Robert Lee, 1984 pour le Patrick Henry et 1985 pour le George Washington), ces submersibles étaient armés de missiles Polaris jusqu'au tout début des années 1980 quand pour respecter les limitations du traité SALT I, les missiles Polaris furent débarqués.
Le USS Ethan Allen A la classe George Washington succéda la classe Ethan Allen qui sur le plan technique était étroitement dérivé de la première classe de SSBN américains. Les cinq Ethan Allen (Ethan Allen, Sam Houston, Thomas A. Edison, John Marshall et Thomas Jefferson) furent mis en service entre 1961 et 1983 avec comme leurs prédecesseurs des missiles Polaris. Si leur carrière s'acheva en 1983 (Ethan Allen, Thomas A. Edison) en 1985 (Thomas Jefferson) en 1991 (Sam Houston) et 1992 (John Marshall), ils perdirent leurs Polaris en 1980/81 pour respecter le traité SALT I.
Les 19 SSBN de classe La Fayette étaient les premiers SSBN dessinés comme tels dès l'origine car le design des George Washington était directement dérivé des Skipjack, le George Washington ayant été construit à partir de la coque du Scorpion à l'intérieur de laquelle fût installée une section pour missiles balistiques.
Le USS John C. Calhoun de classe La Fayette Les dix-neuf La Fayette (La Fayette, Alexander Hamitlon, Andrew Jackson, John Adams, James Monroe, Nathan Hale, Woodrow Wilson, Henry Clay, Daniel Webster, James Madison, Tecumseh, Daniel Boone, John C. Calhoun, Ulysses S. Grant, Von Stueben, Casimit Pulaski,Stonewall Jackson,Sam Rayburn et Nathanel Greene) furent mis en service en 1963 et 1964 et servent jusqu'en 1986 (Nathanael Greene) 1987 (Nathan Hale) 1989 (Andrew Jackson John Adams Sam Rayburn) en 1990 (James Monroe Henry Clay et Daniel Webster) en 1991 (La Fayette) en 1992 (James Madison Ulysses S. Grant) en 1993 (Alexander Hamilton, Tecumseh) en 1994 (Woodrow Wilson Daniel Boone, John C. Calhoun, Von Stueben et Casimir Pulaski) et en 1995 (Stonewall Jackson).