Authentique chromo d’époque montrant le monitor USS
AMPHITRITE (BM-2).
Mis sur cale le 23 juin 1874 aux chantiers Harlan & Hollingsworth de Wimington dans le Delaware, ce monitor est victime de l’évolution rapide de la construction navale militaire à la fin du XIX
e siècle – ou de l’archaïsme de son concept, selon l’extrémité de la lorgnette où l’on se place. Avant son lancement, il est entièrement repensé, ce qui oblige à démanteler à deux reprises ce qui est au fond de la cale et à le recommencer chaque fois sur de nouveaux plans. L’AMPHITRITE est lancé le 7 juin 1883. Une n-ième révision de ses plans entraîne de nouveaux délais et ce n’est que le 23 avril 1895, soit près de vingt-et-un ans après sa mise en chantier, qu’il est finalement admis au service.
Trois vues de l'AMPHITRITE en service :
Ses premiers déploiements opérationnels révèlent plusieurs défauts et limitations inhérents au concept du monitor compact et bas sur l’eau, en particulier la ventilation insuffisante des salles des machines où plusieurs mécaniciens tombent dans les pommes faute d’avoir pu sortir prendre l’air pendant leur quart. Pourtant il ne navigue en moyenne que trois jours par mois dans ses deux premières années de service. De mai à octobre 1897, il est placé en réserve statique pour servir de navire-école aux futurs directeurs de tir de l’US Navy ; pas moins de quarante-cinq officiers s’y forment au noble art du contrôle de la canonnade.
L'AMPHITRITE à Boston vers 1897 Lors du déclenchement de la guerre hispano-américaine de 1898, il participe avec son sister-ship TERROR à la recherche de l’escadre espagnole de l’amiral Cervera. Pour économiser le charbon dont les monitors n’embarquent qu’une quantité ridicule, ils sont remorqués sur une bonne part du trajet. Incapable de filer plus de sept nœuds à la remorque, il laisse son équipage et celui de l’IOWA qui le tracte méditer sur les chances d’intercepter en pleine mer des cibles avançant à quinze ou seize nœuds. Arrivés à San Juan (Porto-Rico) où l’escadre espagnole ne se trouve pas, l’AMPHITRITE participe au canonnage des fortifications côtières. En deux heures et demie, il tire dix-sept obus de 254mm (soit un obus toutes les trente-cinq minutes pour chaque pièce), trente de 102mm, vingt-deux de 57mm, trente de 47mm, trente de 37mm. Le souffle des canons de 254mm endommage les superstructures et le gréement, arrachant une partie du bastingage. Victime de la mauvaise ventilation des tourelles, un artilleur meurt d’un coup de chaud dans la tourelle arrière. Les mécaniciens souffrent également de la chaleur : le commandant écrit qu’il leur est presque impossible de rester à leurs postes – alors que le bâtiment est aux postes de combat pendant un peu moins de quatre heures d’affilée.
Quatre mois plus tard, l’AMPHITRITE est de retour à Porto-Rico pour y mettre à terre un corps de débarquement. Puis il rentre aux USA où il alterne les missions de navire-école d’artillerie et les périodes de réserve statique. Pendant la première guerre mondiale, il sert de navire-école et de navire de garde à l’entrée du port de New-York où il surveille les filets anti-sous-marins et identifie les navires marchands qui entrent au port. Désarmé le 31 mai 1919 à Philadelphie, il est rayé des listes le 24 juillet et vendu le 3 janvier 1920.
L'AMPHITRITE à New York en 1917 Débarrassé de ses tourelles et de ses superstructures, l’AMPHITRITE (qui a gardé son nom) commence alors une seconde carrière d’hôtel flottant à Beaufort (Caroline du Sud) puis à Fort Lauderdale (Floride). Il se raconte qu’Al Capone apprécie ses tables de jeu et que de petites fortunes s’échangent à bord lors de parties de cartes. Réquisitionné par la marine en 1943 pour servir de logement à des ouvriers, il passe la fin de la guerre à Elizabeth City. En 1945, il est remorqué à Georgetown puis à Baltimore. Sa reconversion en hôtel-restaurant en 1950 n’est pas rentable et on le revend en 1951. Le projet de le convertir en barge de soutien pour l’exploitation pétrolière au Venezuela tourne court et il est finalement vendu à la démolition au début de 1952.
L'AMPHITRITE reconverti en hôtel flottant à Fort Lauderdale (Floride) dans les années 1930 L'AMPHITRITE en 1951