Le marché (73 /71054) du Super-Etendard est notifié le 4 septembre
1973 (les choses vont encore vite à cette époque) pour 100 appareils (60
commandes fermes et 2 fois 20 options pour 1,8 milliards de francs). Afin de
gagner du temps et de minorer les coûts trois Etendard IVM (les n° 13, 18 et
68) ont déjà commencé à être transformés en prototypes.
Développements :
Le n° 68 (ex escadrille 59S) est convoyé sur l’aérodrome de
Melun-Villaroche dès le 10 février 1973 au sein de l’emprise Dassault sur le
site. Il va servir de banc d’essai réacteur et reçoit une partie de la nouvelle
avionique (le gros point d’interrogation du programme). Le fuselage est
redessiné au niveau des entrées d’air et du croupion pour accueillir le 8K50 qui exige notamment une alimentation en air d’un débit plus important. La section de la partie avant est entièrement redessinée également pour recevoir le radar
Agave dont l’antenne est bien plus large que celle de l’Aïda du IV M. 18 mois
plus tard le SUE 01 transféré entre temps à Istres (où Dassault dispose
d’installations d’essai complètes avec les instruments de télémétrie ad hoc)
décolle pour la première fois aux mains de Jacques Jesberger (qui apponta en son temps le Jaguar M sur le Clémenceau) le 28 octobre 1974.
Au cours de cette première sortie et fidèle aux traditions de la maison
l’avion passe le mur du son et atteint Mach 1,18 en « léger piqué »
comme on dit.
Le SUE 02 (le n°18) ne vole que le 28 mars 1975 avec l’avionique complète
pour la mise au point du système d’arme et la future intégration tant attendue de l’AM 39.
Le SUE 03 (le n°13) vole quant à lui pour la première fois le 9 mars 1975
à Cazaux cette fois-ci (toujours aux mains de Jesberger). Le troisième
prototype effectuera 90 vols d’essai avec la nouvelle voilure avant de repartir
en flottille ayant été auparavant remis au standard IVM.
En juillet 1975 le 01 reçoit l’avionique du 02 et la voilure du 03 et
devient le SUE de pré-série quasiment au standard définitif (mais pas tout à
fait il conserve notamment le tube pitot du IVM implanté sur le bord d’attaque de dérive).
Les caractéristiques techniques :
Equipage : un pilote
Dimensions :
Envergure 9,6 m (7,8 m ailes repliées)
Surface alaire 28,4 m2
Longueur 14,31 m
Hauteur 3,85 m
Masses :
A vide : 6250 kg
Maximale : 12400 kg
Moteur : 1 réacteur ATAR 8 K-50 de poussée 5 Tonnes
Points d’emports externes : sept (un sous
fuselage et six sous les ailes).
Performances : Vitesse maximale :
M 1,3 en piqué
M 1 à 30000 pieds en palier
M 0,97 à basse altitude en palier
Vitesse d’approche 225 km/h
Taux de montée maximum > 110 m /s
Plafond maximum :45000 pieds
Rayon d’actionmaximal 2700 km
en mission d’attaque navire (avec 1 AM 39 uniquement en point 1 de demi voilure droite) 940 km
soutien air/sol (avec quatre bombes de 250 kg) : 650 km
Autonomie :
1 heure 45
2 heures 15 avec réservoirs supplémentaires de 1100 litres
Armement :version auto-défense :
Deux canons de 30 mm DEFA
version défense aérienne :
Missile air-air R 550 Magic II
version d’attaque :
Missile nucléaire ASMP
Missile anti-navire AM-39
Missile air-sol guidé AS-30L
Bombes 125 et 250 kg, guidées laser, ou guidées GPS ou lisses
Le SUE est imaginé comme une « simple » évolution de l’Etendard
IVM. A l’exception du système d’attaque et de navigation , le taux de
communité du SUE et de son prédécesseur au plan de la structure et des
équipements devait être de 90%. Compte-tenu du choix d’un nouveau réacteur, de caractéristiques aérodynamiques améliorées et de techniques de fabrication plus modernes le SUE devint un avion nouveau à près de 90%… 100 avions étaient prévus, la Marine en recevra seulement 71.
L’avion :
-la voilure : De type médiane, cantilever boulonnée au fuselage.
Ailerons et becs de bord d’attaque sont à commande hydraulique, spoilers et
volets à double fente sont commandés par un double ensemble de moto-réducteur
électrique. Il existe un système de compensation de tangage très utile à
l’appontage.
-le fuselage : Semi-monocoque entièrement métallique en trois
parties. La partie avant abrite le radar et fit l’objet d’études poussées pour
combiner qualités aérodynamiques, vision vers le bas pour les manœuvres et
l’appontage et performances radar. Ces impératifs n’étaient pas simples à
combiner (ce fut encore le cas sur le Rafale). L’anecdote suivante fut rapportée lors d’un compte-rendu d’essais
d’appontage de l’Etendard IVM. Le pilote du CEV critique la vision en approche. Au pied de l’avion çà commence à phosphorer et à ergoter sur l’opportunité d’une modification. Présent ce jour là à Istres Marcel Dassault s’approche écoute un moment puis prend la parole :
-« Sciez votre nez basculez-le de deux degrés et on en parlera
plus… »
Le tout dans un silence respectueux certes mais atterré. Monsieur
Dassault (pour moi ce ne sera jamais tonton) s’éloigne laissant en plan ses
ingénieurs et techniciens, la modification fut réalisée et l’Etendard IV M vola
ainsi durant 35 ans.
-la dérive : La dérive en flèche est divisée en deux parties :
la partie inférieure est construite avec le fuselage. L’attache principale du
longeron de la partie supérieure de la dérive sur le cadre fort oblique est
également l’axe d’articulation de l’empennage horizontal monobloc. Celui-ci est
équipé d’un compensateur de profondeur automatiquement asservi à la position
des volets. La gouverne de direction ne concerne que la partie supérieure de la
dérive. Le vieillissement prématuré du longeron principal de dérive fut au
moins à l’origine d’un accident fatal à Cuers il y a quelques années lors d’un
vol de réception.
-groupe motopropulseur : Snecma ATAR 8K50 de 49,5 kN de poussée soit
4950 kilos sans réchauffe, d’une masse de 1155 kilos. Pour donner un ordre d’idée
un M 88 pèse 900 kilos et délivre une poussé de 75kN… entre les deux 20 ans de
recherches. La capacité interne de carburant est de 3270 litres répartis entre
réservoirs structuraux de voilure et réservoirs caoutchouc de fuselage. La
capacité maximale externe est de 2800 litres répartis en trois réservoirs
pendulaires de 1100 et 600 litres. Au sol le remplissage sous pression des
réservoirs (y compris les bidons sous voilure et fuselage) ne prend que 8
minutes. Sur le Mirage III ce remplissage se faisait par gravitation. Disposant
de la capacité de ravitaillement en vol l’avion peut remplir grâce à sa perche
la totalité de ses bidons mais seulement 1355 kgs dans les réservoirs de
fuselage, le reste constituant la réserve n’est pas connecté à la perche.
-radar :
la première version du Super-Etendard est dotée du radar Agave. Ce dernier est logé dans une pointe avant très petite de surcroît encombrée par la perche de ravitaillement en vol escamotable. L'antenne de faible dimension (diamètre inférieur à 30 cm) est de type Cassegrain inversé avec voies monopulse site et gisement. En fait, l'Agave est une transposition du Cyrano IV avec des performances très inférieures compte tenu des paramètres radar disponibles (diamètre d'antenne,
puissance émise, …).
Les principales fonctions du radar sont l' air-mer pour la Désignation d'Objectifs (D.O) au missile AM39, la télémétrie Air-Sol pour l'attaque au sol et l'Air-Air pour la défense aérienne. Le radar Agave sera construit en 126 exemplaires. Ce radar est donné pour détecter un grand destroyer non furtif à 100 nautiques.
-le système de conduite de mission : les attaques menées par les
Argentins aux Malouines et les Français au Liban révélèrent pour la première
fois aux spécialistes la très grande précision du système d’arme offrant aux
pilotes un « first kill probability » de presque 100%.
Le système d’arme du SUE était très novateur à l’époque et les grandes
lignes de son architecture furent reprises pour le Mirage 2000 avec les
améliorations permises par l’évolution technologique.
Deux éléments essentiels constituent le système de mission :
--Le système de conduite automatique de vol de la société SFENA modèle PA
405 est composé d’un pilote automatique deux axes (tangage et roulis) à
calculateur analogique et d’une automanette (comme on le verra plus loin ce PA
paraît aujourd’hui rudimentaire mais à l’époque il constituait une aide au
pilotage précieuse sur un avion d’arme dont le système d’arme requérait toute
l’attention du pilote au cours de missions par définition très complexes).
L’automanette est système à la fois simple et « génial » utilisé de
jour comme de nuit quand l’avion se présente à l’appontage. Le pilote se
contente d’afficher l’incidence désirée et le système pilote l’avion sur le paramètre
affiché avec comme seule limite l’incidence de décrochage. Le pilote
automatique dispose aussi d’une fonction altitude qui fut employée
systématiquement par les pilotes argentins en 1982 lors de leurs approches
réalisées à près de 500 nœuds à 300 pieds d’altitude dans des conditions
météorologiques hivernales.
--l’ensemble de navigation et d’attaque SAGEM ETNA est composé d’une
centrale inertielle Sagem-Kearfott UNI 40 à gyroscopes secs donnant en gros une dérive de 0,004/h et d’un calculateur qui à l’époque travaillait à la vitesse
respectable de 70 000 opérations à la seconde… Ce système numérique permet un pilotage sur vecteur vitesse (le pilote n’est plus obligé de piloter « à la montre »). Le calculateur entretient en permanence la corrélation entre les axes avions (cap…) et des repères géographiques et résoud automatiquement les erreurs de navigations < 3km.
Ainsi par exemple pour le tir de l’AM 39, le système nav-attaque de
l’avion alimenté par les données du radar de bord donne au système de guidage du missile les coordonnées d’un « basket » d’entrée à l’intérieur
duquel se situe la fenêtre d’acquisition de l’autodirecteur du missile. La
procédure typique mise en œuvre consiste en un largage à 300 pieds/surface à 20 nautiques de la cible suivi d’un virage retour.
Le gros problème, qui vaut pour toutes les centrales inertielles c’est de
pouvoir caler le plus exactement possible la dite centrale avant le
catapultage. En clair on doit savoir où on est. C’est pour çà que sur les bases
aériennes dans chaque hangarette est peinte sur un mur la position GPS exacte de l’avion positionné dans la hangarette. En mer on cale la centrale de l’avion sur celles du porte-avions (généralement deux ou trois travaillant en maître-esclave deux contrôlant le travail de la troisième). L’alignement se fait par transmission de donnée numérique par un système de transmission infrarouge Telemir discrète et insensible au brouillage.
Aujourd’hui on utilise l’hybridation GPS. C’est pour cette raison que
début des années 2000 le Rafale standard F1 ne pouvait opérer des porte-avions
américains. Sa centrale inertielle requérant un système de transmission
infrarouge pour être recalée alors que les Américains avaient adopté le GPS…
Résultat le Rafale F1 ne pouvait pas décoller des porte-avions américains car
il faut savoir que sans alignement de sa centrale inertielle le Rafale ne
démarre même pas…
-armement : deux canons de 30 mm DEFA 552A alimentés chacun par 125
obus, cadence de tir 1250 coups/minute. L’avion est équipé d’un appauvrisseur de tir construit par Elecma qui diminue automatiquement le débit de carburant du
réacteur au moment du tir. Ce système fut installé en raison de la proximité
des orifices de canon des entrées d’air réacteur. L’onde de choc des tirs et
l’ingestion de fumées pouvant entraîner l’extinction du réacteur lorsque ce
dernier est à pleine puissance.
L’armement extérieur était initialement distribué sous 5 points d’emport
dont la capacité est de 450 kgs pour les points externes de voilure, 1100 kgs pour les points internes et 600 kgs pour le point ventral.
A noter que l’utilisation du point ventral implique le démontage du
châssis canons.
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Cette image est très intéressante car elle montre un SUE argentin dans une configuration rare avec 2 bombes de 500 livres sous le fuselage et deux pods roquettes en point deux. Dans une telle configuration le rayon d'action est très faible ...