Bélier de défense côtière

L'USS Katahdin était un bélier de défense portuaire à éperon.

L'inspirateur de ce garde portuaire était le contre-amiral Daniel Ammen (pas confondre avec Armen56 !   ) partisan d'une marine de défense côtière.
Impressionné par le bélier torpilleur britannique HMS Polyphemus, Ammen n'a toutefois pas retenu sa fonction principale (de torpilleur) pour se reporter à celle d’éperonner (bélier pur) sans torpille portée.

Naviguant extrêmement bas sur l'eau avec sa proue quasiment immergée en route, sa coque présentait plusieurs fonctionnalités nouvelles qui seront utilisées plus tard dans les premiers sous-marins.



Commandé comme prototype en 1889, sa quille a été posée à Bath Iron Works (Bath - Maine) en juillet 1891.
Lancé le 4 février 1893, il a eu pour marraine Mlle Una Soley, fille de James R. Soley, le secrétaire adjoint de la Marine.
Admis en service le 20 février 1897 sous le commandement du commandant Richard P. Leary.

Le Katahdin a quitté le port de New York le 4 mars 1897 (jour de l'investiture du président William McKinley) et a rejoint Norfolk (Virginie) avant d'être désarmé au chantier naval de Philadelphie le 17 avril. Un an plus tard, alors que la marine se préparait à une guerre imminente avec l'Espagne, il y fut remis en service le 10 mars 1898.

Attaché à l'escadre de l'Atlantique Nord, le Katahdin opéra le long de la côte atlantique de la Nouvelle-Angleterre à Norfolk.
Après que des victoires navales américaines décisives dans la baie de Manille et dans le port de Santiago aient éliminé la menace, il a été définitivement désarmé à Philadelphie le 8 octobre.

Le Katahdin a été rayé des listes le 9 juillet 1909 et désigné "Ballistic Experimental Target 'A'". Et, comme de juste, il fut coulé au canon à Rappahannock Spit (Virginie), en septembre de la même année.

16 nd de vitesse de pointe, tout de même...
Il a dû perdre toute utilité quand ses cibles potentielles sont devenues plus rapides que lui.

Citation :

16 nd de vitesse de pointe, tout de même...
Il a dû perdre toute utilité quand ses cibles potentielles sont devenues plus rapides que lui.

Exactement.
Et sans doute même avant, puisque son concept - adapté à une époque où les canons tiraient très lentement, étaient imprécis et à courte portée - était totalement dépassé dès sa construction : non seulement on savait qu'il était très difficile d'éperonner un autre navire encore capable de gouverner et d'évoluer pour éviter d'être éperonné, mais les canons à tir rapide permettaient désormais une approche offensive bien plus efficace.

Spoiler:

Pour ne rien arranger, son franc-bord de 1,47 m, sa maniabilité épouvantable et sa difficulté à gouverner rendaient peu probable une quelconque réussite opérationnelle. De plus son habitabilité était des plus inconfortables (chaleur, ventilation inexistante et mauvais aménagement).

Le Katahdin compte parmi les bâtiments de guerre manifestement inutile.
Il fait - un peu - penser à quelques unes de nos réalisations (de l'époque Jeune école ! )

Toujours dans l'US Navy, d'ailleurs, et de la même époque, il y en a un autre du même tabac.

DahliaBleue a écrit:

L'USS Katahdin était un bélier de défense portuaire à éperon.

Impressionné par le bélier torpilleur britannique HMS Polyphemus, Ammen n'a toutefois pas retenu sa fonction principale (de torpilleur) pour se reporter à celle d’éperonner (bélier pur) sans torpille portée.

Le problème est que, si le HMS Polyphemus s'était révélé être une superbe daube, il avait, au moins, l'excuse d'une mise en chantier en 1878, avec sa recette en 1882. Alors que l'USS Katahdin, lui, avait été construit à dater de 1891, lancé en 1893 et commissionné, en 1896, soit pas loin de 14 ans d'écart!  De surcroit,  la RN, vu l'importance de sa flotte, avait les moyens de se louper, sans que çà ne lui pose trop de problèmes, mais ce n'était pas le cas, alors, de l'US Navy, dont les budgets étaient tristounets et qui se trimbalait une "superbe" collection de moniteurs obsolètes ou dépassés (même mis en service récemment, comme l'USS Wyoming, commissionné en 1902!)...

Loic il ne faut pas confondre ce navire avec les monitors qui ont existé et ont été utilisés contre la terre bien longtemps après, les Erebus britanniques datent de 1916 et meme pendant la seconde guerre mondiale les britanniques ont mis en service les Roberts et Abercrombie dont le dernier si je ne me trompe pas a disparu dans les années 1960; et puis si les USA ont réactivé les cuirassés de la classe IOWA dans les années 1980 n'étais ce pas pour les utiliser comme monitors contre la terre?

NIALA a écrit:

Loic il ne faut pas confondre ce navire avec les monitors qui ont existé et ont été utilisés contre la terre bien longtemps après, les Erebus britanniques datent de 1916 et meme pendant la seconde guerre mondiale les britanniques ont mis en service les Roberts et Abercrombie dont le dernier si je ne me trompe pas a disparu dans les années 1960; et puis si les USA ont réactivé les cuirassés de la classe IOWA dans les années 1980 n'étais ce pas pour les utiliser comme monitors contre la terre?

Bonsoir,

Je ne confonds pas et suis entièrement d'accord avec les termes de ta réponse; sauf que les HMS Erebus & Terror, s'ils étaient, effectivement, classés "Monitors", en raison, notamment, de leur unique tourelle de proue, avaient, tous deux, un franc-bord suffisant pour naviguer  en haute mer et à longue distance, puisque l'Erebus, versé dans l'escadre de Gibraltar, était allé bombarder les lignes allemandes durant le siège de Tobrouk, puis avait été engagé, en 1944, lors D-Day, pour éliminer des batteries de côte allemandes.

Cela dit, l'US Navy n'avait commissionné ses deux premiers "battleships" dignes de ce nom qu'en 1895, à savoir,  l'USS Texas et l'USS Maine (en sus, ce dernier, classé, au départ, "Armoured cruiser"),  tous deux de 6800 tonnes de déplacement, alors que, sans parler de la RN anglaise, en France,  nous construisions, depuis  1875, à la louche, des cuirassés d'escadre de 10 000 tonnes et plus, sans prendre en compte nos mises en chantier de cuirassés garde-côtes.

Notre marine nationale avait, certes, "subi" les excès de la "Jeune École" - alors que, au départ, les idées de l'Amiral Aube étaient fondées -, pendant une bonne quinzaine d'année, mais nous disposions, néanmoins, d'une véritable flotte de ligne, ce qui n'était en rien le cas de l'US Navy, où les deux premiers battleships, cités plus haut, n'avaient été programmés qu'en 1886 et mis en chantier, courant 1889.

La construction de l'USS Katahdin, mis en chantier en 1891, dépourvu de toutes qualités navales sérieuses, aux performances médiocres et, surtout, conçu selon des idées totalement dépassées et erronées, avait inutilement "bouffé" le budget d'une US Navy, qui, en gros, jusqu'au programme de 1890, puis, surtout, ceux de 1895 et suivants, était resté des plus "rikikis".

Ce qui a changé entre les premiers monitors ceux des années 1860/1870 et les suivants, c'est que les premiers étaient considérés comme des cuirassés de seconde ordre; alors que les générations suivantes des WW1 et WW2 étaient destinés uniquement au tir contre la terre, soit pour bombarder des zones tenues par l'ennemi, soit en soutien des troupes au sol, le meme role a été tenu d'ailleurs par les vieux cuirassés notamment en appui des débarquements; c'est d'ailleurs pour cela que j'ai assimilé les IOWA réactivés à des monitors puisque les fonctions dévolues à ces navires étaient semblables.

Après le bélier impuissant, le lanceur de tonneaux de dynamite.

Une idée aussi audacieuse que celle du canon électrique ?


Inventé par D. M. Medford et développé par Edmund Zalinski, ce canon en fonte de 15 pouces était une sorte de catapulte pneumatique pour barils de dynamite. L'air du réservoir était comprimé à 70 bars. Deux compresseurs d'air assuraient le gonflage du réservoir.

Montés côte à côte à une élévation fixe de 16 degrés, les trois tubes de la batterie mesuraient 17 mètres de long, débordant de 4,60 mètres à travers du pont et à 11 mètres derrière la proue.

La batterie triple n'étant pas orientable, c'est le bateau qui devait viser sa cible. Tout comme notre bateau canon Gabriel Charmes ("torpilleur 151"). Mais ce dernier pouvait, à tout le moins, faire varier le site de son canon.

Les projectiles lancés étaient des douilles en acier ou en laiton de 2 mètres de long. L'explosif était contenu dans la partie avant conique, tandis que et la partie arrière comportait des aubes en spirale destinées à faire tourner le projectile. L'explosif utilisé dans les obus eux-mêmes était une sorte de gélatine de dynamitage désensibilisée, composée de nitrocellulose et de nitroglycérine. Moins sensible aux chocs que la dynamite ordinaire, mais suffisamment sensible pour que la propulsion initiale soit assurée, non par de la poudre, mais par l'air comprimé. Les barils contenant 250 kg d'explosif pouvaient être lancés à 1600 mètres de portée. En réduisant le poids du projectile à 100 kg on pouvait étendre la portée à 3700 m.

La vitesse initiale maximale était de 250 mètres par seconde. La portée pourrait être réduite en libérant moins d'air comprimé du réservoir. La soute de réserve contenait dix obus par canon.
Lors d'un essai de 1889, 15 obus ont été tirés en moins de 17 minutes. Les obus utilisaient une fusée électrique qui pouvait être soit réglée pour exploser au contact, soit retardée pour exploser sous l'eau.

Comme le Gabriel Charmes est cité, et que l'on parle de navires bizarres, il entre bien dans cette catégorie, voici donc son historique.

Le Torpilleur 151 ex bateau canon Gabriel Charmes


Le Gabriel Charmes consistait à installer un canon de 138, 6 mm sur un coque de torpilleur.
Déplacement 70 t; 76, 5 t en pleine charge; 41, 85 mètres hors tout; 580 cv; vitesse: 19 noeuds.


Le Gabriel Charmes avec son canon de 138, 6 mm devant le kiosque 



Le torpilleur 151 ex Gabriel Charmes le canon a été remplacé par une hampe porte torpille 

-Gabriel Charmes ont construit aux Forges et Chantiers de la Méditerranée à La Seyne, marché du 19 avril 1886; première sortie le 23 septembre 1886; essais en février et mars 1887; les essais du canon ne furent par satisfaisants, meme à 1000 metres il n'a jamais placé un obus au but sur l'ilot de Séreignet qui constituait pourtant une cible de 150 mètres de long; le 2 aout 1887 il fut désarmé et transformé et devient le torpilleur 151; il est rayé en 1900, et devient navire de l'école des mécaniciens sous le nom de Ringard; le 3 avril 1907 le Ringard est mis en vente pour la démolition.

NIALA a écrit:

-Gabriel Charmes est rayé en 1900, et devient navire de l'école des mécaniciens sous le nom de Ringard; le 3 avril 1907 le Ringard est mis en vente pour la démolition.

Euh... le renommer "Ringard", c'était intentionnel ?

moi-même a écrit:

Après le bélier impuissant, le lanceur de tonneaux de dynamite.
Une idée aussi audacieuse que celle du canon électrique ?
[…]

NIALA a écrit:

[…] Le Gabriel Charmes avec son canon de 138, 6 mm devant le kiosque […] Le torpilleur 151 ex-Gabriel Charmes le canon a été remplacé par une hampe porte torpille […]
il est rayé en 1900, et devient navire de l'école des mécaniciens sous le nom de Ringard; le 3 avril 1907 le Ringard est mis en vente pour la démolition.

Son nom terminal fut fichtrement bien trouvé ! Certainement délibérément choisi !

Et, donc, ce lanceur pneumatique de tonneaux fut installé sur l'USS Vesuvius :


L'USS Vesuvius fut un spécimen unique dans l'inventaire de la marine et se voulait marquer une rupture avec les formes plus conventionnelles d'armement de la batterie principale. Considéré comme un croiseur lanceur de dynamite, ce fut essentiellement un banc d'essai opérationnel pour les gros canons à dynamite.

Le Vesuvius été mis sur cale en septembre 1887 à Philadelphie chez William Cramp & Sons Ships and Engine Building Company, en sous-traitance de la Pneumatic Dynamite Gun Company de New York. Il a été lancé le 28 avril 1888, avec, pour marraine Miss Eleanor Breckinridge. Mis en service le 2 juin 1890 au Philadelphia Navy Yard

Le Vesuvius a rejoint la flotte à Gardiner's Bay, New York, le 1er octobre 1890.

La pratique et les exercices de tir ont montré que la batterie principale unique du navire présentait deux inconvénients majeurs : d'abord, sa portée était trop faible ; ensuite, la méthode de visée était grossière et imprécise.

Le Vesuvius fut désarmé le 25 avril 1895 pour des réparations majeures ; puis il a repris du service en 1897.
L'année suivante, lors de la Guerre hispano-américaine, le Vesuvius a été déployé vers le sud de la Floride (à Key West).

En juin 1898, le Vesuvius a mené huit missions de bombardement côtier contre Santiago de Cuba ; provoquant une certaine panique parmi les forces espagnoles à terre, car ses projectiles dévastateurs arrivaient sans le rugissement des coups de feu généralement associé à un bombardement.
L'amiral Sampson a écrit en conséquence que les bombardements du Vesuvius avaient eu "un grand effet". Bien que les canons à dynamite soient relativement silencieux, la détonation de leurs gros obus explosifs sonnait différemment des obus d'artillerie contemporains remplis de poudre à canon ; et les explosions "faisaient des trous grands comme la cave d'une maison de campagne".

Retiré du service actif le 16 septembre 1898, le Vesuvius est resté au chantier naval de Boston jusqu'en 1904, date à laquelle a commencé sa conversion en navire d'essai de torpilles.

Le torpilleur nouveau a mené des expériences de lancement de torpilles pendant deux ans, jusqu'à son entrée en carénage le 27 novembre 1907. Remis en service le 14 février 1910, le Vesuvius est resté à Newport pendant les onze années suivantes, servant parfois de stationnaire, jusqu'en 1921.

En mai 1913, une torpille lancée du Vesuvius a suivi une trajectoire circulaire et a percé sa propre coque. Intentionnellement échoué sur l'île Prudence (baie de Narragansett), il fut sauvé par la bonne réaction de son équipage et par le jugement rapide de son commandant.

Le Vesuvius fut définitivement désarmé en 1922, et vendu pour démolition à J. Lipsitz and Company de Chelsea (Massachusetts) le 21 avril 1922.

Intéressant, l'imagination des ingénieurs navals était sans borne à l'époque; aussi bien chez nous avec la "Jeune école" qu'un peu partout, je pense au croiseur porte torpilleurs Vulcan britannique; aux Popovkas russes , aux divers monitors et bateaux canons qui ont fleuris partout etc...toutefois il n'en est rien sorti de positif semble t'il, on en est revenu rapidement à des navires plus conventionnels.